La directive sur le devoir de vigilance prévoit des exclusions pour la finance

La directive européenne sur le devoir de vigilance (droits humains, environnement) adoptée par le Conseil de l’UE pourrait être appliquée aux grandes entreprises et de façon optionnelle au secteur financier.
Thibaud Vadjoux
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Le Conseil de l’Union Européenne a adopté, jeudi 1er décembre, sa position générale sur la directive sur le devoir de vigilance des grandes entreprises européennes («Corporate sustainability due diligence directive – CSDDD»). Le texte servira de base aux négociations avec le Parlement européen, en visant un accord d’ici à mars 2023. La proposition de directive, présentée en février 2022 par la Commission européenne, demande aux entreprises européennes de recenser et réduire leurs impacts négatifs potentiels et existants sur les droits humains et l’environnement, pour leurs propres opérations, celles de leurs fournisseurs et celles de leurs partenaires commerciaux. Des pénalités seraient prévues et leur responsabilité civile pourrait être engagée pour la violation de ces obligations. Elles devront enfin présenter un plan de transition de leur activité pour se conformer aux Accords de Paris. «Pour que l’Europe atteigne ses objectifs durables, climatiques et assure la protection des droits humains, il est important que les entreprises identifient, évitent, éliminent ou réduisent les impacts de leurs activités sur les droits humains et l’environnement. Les consommateurs européens se préoccupent de plus en plus du comportement des entreprises qui produisent les vêtements, les téléphones mobiles, et tous les objets du quotidien», déclare Jozef Síkela, ministre tchèque de l’industrie et du commerce. La directive doit s’appliquer, trois ans après son entrée en vigueur, aux très grandes entreprises européennes de plus de 1.000 salariés et réalisant plus de 300 millions de chiffre d’affaires dans le monde, ou aux entreprises étrangères générant dans l’Union plus de 300 millions d’euros de chiffre d’affaires net. Les investisseurs exemptés Ce projet de texte qui s’inspire du devoir de vigilance adopté en France par la loi Potier en 2017 pour les très grandes entreprises (5.000 salariés ou France), suscite déjà des inquiétudes quant à sa portée. Le Conseil de l’UE propose des exceptions pour les acteurs financiers et les activités d’investissement. «Un texte de compromis a été présenté pour répondre aux dernières préoccupations de certaines délégations, laissant à chaque État membre le soin de décider, lors de la transposition de la directive, d’inclure ou non la fourniture de services financiers par des entreprises financières réglementées», indique le Conseil. Le texte préconise d’exclure des produits financiers, soit les fonds d’investissement alternatifs (FIA) et les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM)). Si un Etat décidait d’appliquer la directive aux entreprises financières, leurs activités d’investissement ne seraient pas couvertes par les obligations. Une exemption a été également mise en place quant à l’obligation de surveiller les incidences négatives de leurs partenaires commerciaux et des entreprises financées.« Les entreprises financières fournissant des services financiers ne sont pas tenues de suspendre temporairement la relation commerciale ou d’y mettre un terme. Toutefois, dans ce cas, l’entreprise surveille l’incidence négative tout en poursuivant ses efforts pour y remédier», indique le texte. Les Amis de la Terre France et Reclaim Finance « s’indignent de cette exclusion de facto de la quasi-totalité du secteur financier, et appellent le Parlement européen à rejeter cette décision désastreuse pour l’environnement et les droits humains». Les ONG accusent la France d’avoir joué un rôle négatif dans les négociations et d’avoir voulu soustraire totalement le secteur financier de la directive. Le ministère de l’Economie dément ces accusations. Dans un communiqué, il affirme que «le gouvernement français soutient une application du texte à tous les secteurs économiques. Il n’a donc en aucun cas demandé d’exempter les banques de l’application du devoir de vigilance, comme certains ont pu l’indiquer (…) Les informations qui circulent indiquant une demande de traitement spécifique du secteur bancaire sont fausses». Les ONG s’inquiètent également de la définition de « chaîne d’activités » dans la directive, «déjà gravement affaiblie par le texte de compromis, elle inclut les activités en amont du donneur d’ordre (sous-traitants, fournisseurs participant à l’élaboration du produit ou service) mais ne s’applique qu’à une liste réduite d’activités explicitement nommées en aval». Plusieurs investisseurs, les PRI, Eurosif et Investor Alliance for Human Rights et 142 signataires représentant au total 1.500 milliards de dollars d’actifs sous gestion ont appelé l’Europe à adopter la directive «de façon ambitieuse et efficace ».

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