
Scor ajuste sa stratégie face à l’inflation et à la remontée des taux

La persistance de l’inflation et la reprise des taux poussent Scor à une grande prudence et à anticiper tous les cas de figure. Le quatrième réassureur mondial veille à son portefeuille d’actifs de 22,7 milliards d’euros investis à hauteur de 75% dans de produits de taux. «Notre plus gros risque serait de vendre le portefeuille obligataire alors qu’il serait en moins-value latente importante. Nous avons positionné 43% de notre portefeuille de taux pour qu’il mature dans les 24 mois», déclare François de Varenne,responsable groupe des investissements, des technologies, du budget, la finance d’entreprise et de la transformation, lors des Entretiens de l’AF2I, jeudi 23 juin. En gardant un portefeuille obligataire assez liquide, le réassureur se prépare à l'éventualité de régler d’importants sinistres tout en minimisant la vente de titres et en maximisant ses chances de réinvestir à des taux plus élevés. «Nous essayons de rester court si les taux grimpaient en flèche. La duration de notre passif est plutôt courte, de l’ordre de quatre ans, ce qui réduit aussi les risques», ajoute François de Varenne. Le groupe peut aussi compter sur un volant de cash représentant 11% des encours. Face à la remontée des taux, le groupe veut également se prémunir d’un risque de crise des dettes souveraines. Il a cédé tous ses titres sur les souverains "à risque» dont l’Italie et l’Espagne. Avec 55% de son portefeuille libellé en dollars, pour des raisons de congruence en devises avec le passif (45% des primes brutes émises en Amérique du Nord, 19% en Asie et 36% dans la zone EMEA), Scor s’estime plutôt avantagé, la zone euro étant plus à risque à ses yeux. La baisse des marchés a poussé le réassureur à faire un grand nettoyage dans les actions cotées. Disposant d’une poche de 1% d’actions dans son portefeuille à fin septembre 2021, la direction des investissements l’a presque totalement vidée. «Pour des raisons réglementaires de coût en capital, nous sommes très adverses aux actions cotées», précise François de Varenne. Par ailleurs, le groupe va continuer à diversifier son portefeuille à travers les actifs alternatifs. «Scor était en retard sur le non coté. Nous avons pu nous rattraper sur la dette privée mais nous restons très en-deçà de l’allocation d’autres réassureurs pour les infrastructures et le private equity», indique le directeur des investissements. La dette privée représente 5% des encours. Scor se prépare à une longue période d’inflation Les équipes d’investissement de Scor qui travaillent avec le gérant interne Scor IP adoptent une stratégie très défensive face à l’inflation. «Elle pèse sur notre portefeuille d’actifs et plus encore sur notre activité de réassureur. L’inflation touche nos réserves à long terme et le coût des sinistres à court terme», rappelle François de Varenne. Le groupe se prépare à tous les scénarios et se méfie de l’optimisme des marchés et des experts économiques quant à une inflation temporaire, n’allant pas au-delà de 2023. Plusieurs raisons font douter Scor. «Les acteurs financiers perçoivent la FED et la BCE comme parfaitement crédibles dans leur volonté et leur capacité à contrôler l’inflation. Pourtant, les experts économiques (OCDE, FMI, CE) et les banquiers centraux, ont été systématiquement surpris par le niveau d’inflation. Dans le passé, on peut aussi remarquer que les révisions d’anticipation d’inflation se sont toujours faites brutalement, en quelques jours. On peut s’interroger enfin sur la capacité des banques centrales à faire baisser l’inflation alors qu’elles ont échoué à la faire remonter au bon moment», pose le responsable des investissements. Scor craint la boucle salaire-prix. La hausse des prix des matières premières et de l’énergie est entretenue du côté de l’offre (goulots d’étranglement en sortie du Covid, persistance de la pandémie en Chine, guerre en Ukraine) et du côté de la demande (épargne accumulée, rattrapage de la consommation, politiques budgétaires expansionnistes et politiques monétaires ultra-accommodantes). D’autres facteurs structurels se mettent en place. «Durant trois décennies, la mondialisation a eu des effets désinflationnistes, nous sommes peut-être en train d’aborder une nouvelle ère inflationniste, entretenue par la relocalisation de la production en Europe et en Amérique du Nord et par la transition écologique», estime François de Varenne. Scor se prépare à tous les scénarios dont une remontée brutale des taux. «Si l’action des banques centrales ne porte pas ses fruits, elles devront augmenter significativement les taux au-delà de 10% pour rester crédibles. Ce serait une arme nucléaire pour stopper ce choc inflationniste», envisage-t-il. Ce qui serait également une aubaine pour les investisseurs pour profiter de ces taux au bon timing.
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