
Impact social : les investisseurs privilégient la qualité à la quantité

L’investissement à impact représentait 0,2% des encours sous gestion dans le monde et environ 4,3 milliards d’euros d’investissements en France selon une récente étude de l’Essec Business School et du FAIR. L’impact social, La Mutualité Française en fait depuis toujours, explique sa directrice générale Séverine Salgado. Les 370 mutuelles financent le Livre 3 du Code de la Mutualité et viennent ainsi en aide à la création et au développement d’environ 2.800 établissements de soins et de services. L’investisseur a aussi lancé fin 2020 son premier fonds à impact social et environnemental sur la santé. «Nous avons beaucoup de dossiers intéressants de TPE du domaine sanitaire. Pour être éligibles, elles doivent notamment s’engager sur quatre piliers de transformation positive dont l’impact social, l’impact environnemental, la gouvernance et le partage de valeurs», détaille Séverine Salgado, citant deux cas d’investissement. Le premier est celui d’Ergosanté, qui fabrique des solutions ergonomiques pour améliorer les conditions de travail en recyclant du matériel de bureau et qui emploie des personnes en situation de handicap. Le second, Winncare, est spécialisé dans la fabrication de matériel et d'équipement médicalisé. La directrice générale de La Mutualité Française estime que les investisseurs peuvent avoir un impact sur de nombreux segments dont la sauvegarde de l’emploi dans les territoires. «On va se comparer au taux de croissance de l’emploi dans ces territoires, regarder la structure qualitative de ces emplois (CDI, mixité sociale, formation, absentéisme) ». Manque de profondeur de marché Le Fonds de dotation du Louvre est, de par sa structure, «naturellement à impact» selon les mots de son directeur général Philippe Gaboriau. L’institutionnel est parti d’une feuille blanche en 2016 et s’est tourné vers quatre grandes thématiques «cohérentes avec la politique du musée du Louvre»: l’éducation en France, les métiers d’art, le tourisme culturel ainsi que la restauration du patrimoine bâti et naturel en France. Philippe Gaboriau souligne cependant que faire de l’impact nécessite en face des projets dans lesquels investir. «Notre allocation aux fonds d’impact est récemment passée de 3% à 5%. 5%, cela peut sembler faible mais déployer ne serait-ce que 5% sur l’investissement à impact est tout sauf simple.» La profondeur de marché a constitué un vrai challenge sur la thématique du tourisme culturel. «Nous souhaitions dynamiser ce secteur dans lequel la France a son mot à dire mais avons remarqué qu’aucun de nos investissements ne dépassait les 5 millions d’euros alors que nous prévoyions de déployer jusqu’à 100 millions d’euros», dit-il. Renforcer la cohésion territoriale De l’avis de Jean-Bernard Ott, responsable de l’allocation et de la politique environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) de la Caisse d’assurance-vieillesse des pharmaciens (CAVP), le S reste «le parent pauvre» de l’ESG. L’institutionnel s’est d’abord mis à l’investissement responsable en 2016 avant d’établir une charte sur le sujet l’année suivante et de commencer des exclusions de secteurs comme celui du tabac en 2019. La CAVP s’est ensuite tournée vers la thématique du bien vieillir en investissant dans un certain nombre de fonds sur cette thématique. Un autre leitmotiv pour la CAVP est celui d’«avancer sur la problématique de la cohésion territoriale»,problématique à laquelle sont confrontés les pharmaciens qui sont présents sur l’ensemble du territoire national. Grâce à ses réserves issues en grande partie de son régime de retraite par capitalisation, la CAVP peut investir pour soutenir l’activité économique en régionset ainsi, contribuer, à son niveau, à la cohésion territoriale. «Nous avons lancé en 2019 un fonds qui aide les pharmaciens primo-accédants à racheter une pharmacie existante. Cela permet à des jeunes pharmaciens, qui n’ont pas forcément de fonds propres, d’obtenir un complément de la CAVP pour les aider au rachat de la pharmacie. 45% de ces pharmacies se trouvent en territoire rural», note Jean-Bernard Ott. La CAVP est également active en régionsvia certains fonds de private equitycomme celui de Galiena Capital, investi dans SIB, entreprise située à Boulay, petite bourgade de Moselle et spécialiste du presse-étoupes. De la bonne mesure de l’impact La mesure précise de l’impact demeure complexe car il s’agit d’un domaine naissant, relève Séverine Salgado, pour qui il est nécessaire de mixer aspects quantitatifs et qualitatifs. La Mutualité Française s’appuie entre autres sur une grille d’indicateurs et sous-indicateurs en la matière. Au Fonds de dotation du Louvre, Philippe Gaboriau estime que «chercher à quantifier l’impact relève du gimmick car un chiffre ne résume pas la qualité de l’impact». Aussi l’impact social ne se plie-t-il pas forcément à une mesure arithmétique: «Va-t-on compter le nombre d’ardoises qu’on aurait remis sur les toitures que nous avons aidé à restaurer? Cela n’aurait aucun sens», dit-il, privilégiant une approche qualitative. Le choix des critères d’impact lui-même n’est pas aisé comme en témoigne Jean-Bernard Ott à la CAVP. «Nous préférons que chaque entreprise définisse les critères extra-financiers pertinents avec la société de gestion qui l’investit. Une entreprise qui s’occupe du transport des personnes handicapées et une autre spécialisée sur les économies d’énergie sont confrontées à des réalités différentes», dit-il. Par exemple, la CAVP siège au comité d’investissement extra-financier du fonds de partage et impact sur la thématique du bien-vieillir Impact Senior de 123 Investment Managers, associé à l’association Siel Bleu. «Nous pensions à quantifier le nombre de chutes en Ehpad mais si la personne âgée reste sur sa chaise toute la journée, elle ne va pas tomber. Si la personne regagne un peu en mobilité grâce au sport adapté réalisé avec Siel Bleu, elle prendra un petit peu plus de risques et aura un petit peu plus de probabilités de tomber, mais en sachant tomber et sans gravité. Donc, 123 IM et Siel Bleu ont fait évoluer ce critère en comptant seulement les chutes graves», ajoute Jean-Bernard Ott, pour qui le qualitatif doit prendre le pas sur le quantitatif.
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