
Pour la COP28, la finance climat cherche de nouvelles voies

Qui paiera la facture climatique ? Lors des COP climat, les négociations autour des gros sont toujours laborieuses. La COP27 de Charm el-Cheikh, en novembre 2022, avait permis d’obtenir au forceps un accord sur la création d’un fonds d’aide aux pays les plus vulnérables pour financer les pertes et dommages liés au climat. Un rapport d’information de l’Assemblée nationale, rendu public mercredi 8 mars, se penche sur le bilan de ces négociations et la nécessité de transformer la « finance climat ».
Les fonds publics et privés arrivent encore trop lentement. Le fonds «pertes et dommages» est censé être opérationnel pour la prochaine COP28 de Dubaï. Mais, «l’expérience du Fonds vert pour le climat rappelle qu’il peut s’écouler entre cinq à six ans entre la création d’un fonds multilatéral sous l’égide d’une instance onusienne et le moment où il est en mesure d’engager véritablement ses premières dépenses», soulignent les rapporteurs, Carlos Martens Bilongo et Barbara Pompili. Le Fonds vert, initié en 2009, en faveur de l’atténuation et de l’adaptation dans les pays en développement est à la traîne. Il devait atteindre 100 millions d’euros par an, à partir de 2020 jusqu’en 2025. Un peu plus de 83 milliards ont été mobilisés par les pays développés. Au sein du Fonds, « les débats – et la recherche de consensus – sont compliqués par l’existence d’une certaine défiance entre les pays du Sud et les pays du Nord », note le rapport.
La réforme de la finance climat « au cœur de l’agenda français de 2023 »
La finance climat doit faire peau neuve. La question du climat qui relève d’un bien public mondial, d’interdépendances entre les pays, et embarque des pays en développement devenus les principaux pollueurs, nécessite « une démarche négociée de justice corrective ». L’ancien paradigme de l’aide au développement, basée sur un axe de solidarité Nord-Sud et sur le financement de projets par l’argent public, n’est plus adapté. La France soutient une refonte du mandat des banques multilatérales de développement et du FMI, tout comme la secrétaire d’État américaine au Trésor, Janet L. Yellen ou la première ministre de la Barbade, Mia Mottley. La réforme de la finance climat se place ainsi «au cœur de l’agenda diplomatique français et international de 2023». Il s’agit désormais «d’aider les pays à définir leur stratégie climatique et de développement conçue dans le cadre d’une véritable politique publique, irrigant tous les secteurs et mobilisant tous les types d’acteurs (…) sans qu’elle soit imposée par les bailleurs». La Banque mondiale a présenté une feuille de route à son conseil d’administration début 2023 pour commencer son aggiornamento.
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Pour augmenter les flux de capitaux, plusieurs pistes sont explorées : une meilleure collaboration des banques multilatérales, la création de taxes climatiques notamment sur les profits records des pétroliers et gaziers, une réallocation des droits de tirage spéciaux (avoirs de réserves internationaux complémentaires aux réserves de change) du FMI pour les pays les plus touchés. La première ministre de la Barbade propose également des clauses «catastrophe naturelle» permettant de suspendre le service de la dette des pays frappés par des sinistres. Ils pourraient ainsi bénéficier de liquidités d’urgence sans surcoût. Il aussi question d’annuler la dette des pays pauvres si l’argent est réinvesti par les gouvernements dans des projets en faveur du climat.
Enfin, les investisseurs privés sont attendus. Les fonds multilatéraux ne leur permettant de siéger aux conseils d’administration, ils peuvent co-investir dans des fonds parallèles (blended finance). Mais, plusieurs obstacles doivent être levés. Les initiatives privées sont parfois mal perçues par les pays en développement qui éprouvent plus de difficultés à évaluer l’impact et le volume réels des financements que l’aide classique. Les pays veulent aussi garder le contrôle des projets soutenus. L’effet de levier des opérateurs privés ne fonctionne que sous certaines conditions, dans «des marchés financièrement sains et correctement régulés, sans la nécessaire intervention des instruments de couverture des risques des bailleurs». Le Vietnam et l’Afrique du Sud sont cités en exemple, contrairement au continent africain.
L’embarrassante COP28
Pour la prochaine COP28 de Dubaï, les députés français s’inquiètent de la présence des lobbyistes, déjà sur-représentés à la COP27 (636 lobbyistes des énergies fossiles plus nombreux que toutes les délégations nationales). «Le rapporteur Carlos Martens Bilongo est favorable à une interdiction totale des partenariats avec des entreprises polluantes ainsi qu’à un encadrement strict de la présence des groupes de pression sur les sites des COP, lesquels ne devraient pas se voir autoriser, selon lui, l’accès aux salles de réunion», font savoir les auteurs.
La présidence de la COP28 a été confiée à Sultan Ahmed Al Jaber, ministre de l’industrie et des technologies de pointe des Émirats arabes unis, et président‑directeur général de la compagnie pétrolière nationale ADNOC (Abu Dhabi National Oil Company), au lieu de Mariam Almheiri, la ministre du changement climatique et de l’environnement.
En outre, les députés espèrent que la question de la finance climat, certes essentielle, « n’occultera pas les autres enjeux, en particulier ceux liés à l’atténuation, grande perdante de la COP27 et sans laquelle tous les financements possibles ne pourront rien ».
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