« Nous avons dialogué avec les pétroliers début 2022 avant de céder nos titres »

Karine Leymarie, responsable de gestion d’actifs financiers et ISR chez MAIF, nous expose la mise en oeuvre d’une partie de la politique climat du groupe. Ce dernier a désinvesti 160 millions d’euros des majors pétrolières et gazières de son portefeuille géré en direct depuis octobre 2021.
Thibaud Vadjoux
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Où en est la Maif dans la sortie des énergies fossiles? Dans le respect de notre stratégie climat, nous appliquons des seuils d’exclusion au sein de notre portefeuille d’actifs financiers, cumulant 21 milliards d’euros à fin 2021. Nous n’investissons pas, en direct et via nos fonds dédiés, dans les émetteurs dont plus de 10% du chiffre d’affaires ou du mix énergétique est lié au charbon thermique et ceux dont plus de 5% de l’activité dépend du pétrole ou des énergies non conventionnelles (pétrole et gaz de schiste, sables bitumineux, forage en Arctique, forage en eaux très profondes). Nous excluons également les entreprises qui développent de nouveaux projets de mines, centrales ou infrastructure de charbon, ainsi que les nouveaux projets de production de pétrole ou de gaz. Nous utilisons les bases de données d’Urgewald sur les émetteurs et faisons appel à Trucost pour définir les seuils. Pour notre portefeuille en direct, nous avons ainsi désinvesti 160 millions d’euros depuis octobre 2021 et l’annonce de cette stratégie. Nous n’avons presque plus d’actifs fossiles sauf quelques énergéticiens qui conservent une activité résiduelle sur le charbon ou le pétrole et qui adoptent des politiques de neutralité carbone à l’horizon 2050. Nous les rencontrons une fois par an pour suivre leurs engagements. Pour notre offre d’épargne, qu’il s’agisse de fonds dédiés ou de fonds ouverts, elle ne finance plus aucun actif charbon ni pétrolier. Notre vision du respect des Accords de Paris diverge de façon significative des stratégies des majors à court et moyen terme Pour les fonds ouverts que nous détenons via notre actif général, nous sommes en dialogue avec les gestionnaires pour qu’ils respectent une sortie du charbon avant 2030 et du pétrole avant 2040. L’exposition fossile à travers ces fonds représente moins de 0,5% des encours soit quelques dizaines de millions d’euros. Qu’en est-il du gazdans votre stratégie ? Nous nous sommes alignés sur les recommandations de l’AIE (Agence internationale de l'énergie) en arrêtant tout soutien au développement de nouveaux projets de production gazière, et nous excluons également le gaz non conventionnel. Nous n’allons pas au-delà aujourd’hui mais restons très attentifs aux enjeux du secteur, tout en veillant à accompagner la transitionsans accélérer lesruptureséconomiques et sociales. Plusieurs majors pétrolières et gazières veulent atteindre la neutralité climatique. Vous ne croyez pas à la possibilité de les engager sur cette voie ? Nous sommes très à l’aise avec la politique que nous avons définie. Nous avons dialogué avec les majors début 2022 avant de céder nos titres. Notre vision du réchauffement climatique et du respect des Accords de Paris diverge de façon significative de leur stratégie à court et moyen terme. Nous encourageons les gérants à adopter une politique de sortie dès 2025 pour le pétrole L’arrêt du financement des projets d’exploration et de production est un impératif. Les rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) et de l’AIE sont sans appel. Le désinvestissement a-t-il un impact sur les émetteurs qui peuvent être financés ailleurs? Nous cédons nos positions sur un marché intermédié et nous ne connaissons pas les acheteurs finaux. L’impact est certes limité dans ce cas. Mais tout dépend du volume et du nombre d’investisseurs. Nous voyons que le marché s’empare du sujet des énergies fossiles, au-delà du charbon. Nous verrons les effets vertueux à moyen terme. Comment s’opère le dialogue avec les gérants? Nous encourageons les gérants à adopter une politique de sortie dès 2023 pour le charbon et dès 2025 pour le pétrole. Nous prenons un temps de discussion pour qu’ils définissent leur stratégie avec l’objectif final de sortie en 2030 et 2040. S’ils ne respectent pas, à terme ces critères, nous céderons les fonds. Nous sommes très vigilants sur les nouveaux fonds que nous intégrons en portefeuille, en analysant leurs expositions aux secteurs fossiles. Pour les fonds non cotés, nous nous engageons sur une dizaine d’année et nous devons nous assurer qu’ils intègrent des politiques de sortie des énergies fossiles. Enfin, pour les fonds indiciels, nous dirigeons notre allocation vers les fonds PAB (Paris Aligned Benchmark) dont l’offre croit significativement. Votre exposition aux énergies fossiles était à l’origine faible. Pourquoi? En gestion directe, nous menons depuis plus de dix ans une politique responsable. Nous avons privilégié une approche Best in universe. Les émetteurs les moins bien notés sont écartés. Pour nos équipes ISR, les secteurs fossiles étaient à éviter. La Maif porte des valeurs historiques d’humanisme, de solidarité et de démocratie. Nos sociétaires nous sollicitent régulièrement sur ces sujets. Notre offre d’épargne est d’ailleurs alignée sur nos objectifs climat. En devenant une société à mission, nous avons renforcé nos engagements d’impact et notre comité de mission est là pour le vérifier. Enfin, nous avons adhéré au Climate Action 100+ et la Net Zero Asset Owner Alliance, ce qui nous pousse à agir collectivement et présenter notre feuille de route vers une économie décarbonée.

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