
Philippe Sebag : «Le modèle paritaire des caisses de retraite est en danger»

Philippe Sebag est délégué fédéral des services publics CFE-CGC, président de la Prefon, administrateur du RAIR (réseau des administrateurs pour l’investissement responsable) et ancien administrateur de l’Ircantec, et de l’Erafp
Quelle est votre position sur la réforme des retraites ?
L’ensemble des syndicats s’oppose au projet de loi. Cette réforme est jugée non urgente compte tenu des réalités actuarielles, de l’analyse des scénarios du Conseil d’Orientation des Retraites et des injustices qui risquent de peser sur des populations déjà fragilisées.
A moyen et long terme, face au vieillissement démographique, les syndicats sont prêts à discuter de solutions. Des propositions alternatives au recul de l’âge de départ à la retraite ont été faites, concernant l’emploi des seniors, l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, le soutien à la natalité, l’application de cotisations plus élevées pour les actifs aisés, ou encore la refonte des exonérations de cotisations sociales. Dans la fonction publique, la précarisation des emplois, la réduction du nombre de cotisants et le gel des salaires subi font aussi peser un risque important sur les retraites futures.
On s’achemine vers une énième réforme paramétrique du régime général
Ces solutions n’ont pas été discutées et l’on s’achemine vers une énième réforme paramétrique du régime général qui obligera à reculer davantage l’âge de départ à la retraite d’ici à quelques années. Les syndicats attendent une véritable négociation, et non pas une concertation sur des considérations techniques imposées de façon monolithique.
Comment voyez-vous l’évolution du paritarisme dans les caisses de retraite ?
Dans les caisses où le paritarisme est établi, les régimes sont bien gérés. Au sein de l’Agirc-Arrco, les syndicats ont prouvé qu’ils étaient responsables et capables de prendre des mesures difficiles pour assurer la pérennité du régime complémentaire, en s’entendant avec le Medef. Mais le modèle paritaire est en danger. Qu’il s’agisse de l’Ircantec, de l’Erafp ou l’Agirc-Arrco, l’Etat cherche à modifier la gouvernance, à réduire les capacités décisionnelles des représentants des syndicats, pour prendre plus de place et agir sur les paramètres de gestion des régimes. Le récent exemple du projet de transfert du recouvrement des cotisations Agirc-Arrco aux Urssaf - finalement abandonné après un recours au 49-3 - l’illustre bien. Les 70 milliards d’euros de réserves de l’Agirc-Arrco comme celles des autres régimes complémentaires pouvaient aussi intéresser l’Etat pour combler le déficit du régime général ou servir à d’autres fins.
A lire aussi: Agirc-Arrco: «Evitons une réforme des retraites par le bas»
Nous estimons que la maîtrise des paramètres de gestion des régimes doit être laissée aux administrateurs. A la CFE-CGC, nous sommes en train de travailler à former l’ensemble de nos représentants dans les caisses aux questions financières et ESG (environnement, social, gouvernance) pour s’assurer d’une cohérence et d’une convergence de nos positions.
La voix des administrateurs doit compter face à des délégataires puissants comme la Caisse des Dépôts
Les administrateurs ont une responsabilité fiduciaire vis-à-vis des adhérents mais ils ne sont pas des professionnels nés de la finance. Les passations de marché ou les délégations de services financiers restent des questions très difficiles à suivre. Leur voix doit pouvoir compter dans les décisions financières face à des délégataires puissants comme la Caisse des Dépôts. C’est tout le sens de notre combat syndical !
La capitalisation demeure un risque
Les partenaires sociaux pilotent le régime du RAFP par capitalisation. Une dose de capitalisation dans les retraites est-elle une solution ?
L’Erafp est le régime de retraite additionnelle de la fonction publique créé pour compenser le fait que les primes ne sont pas comptées dans le calcul des retraites des agents. Les cotisations sont seulement calculées sur les primes. Le régime offre un tout petit revenu complémentaire à la retraite alors qu’il n’existe pas de régime complémentaire pour les fonctionnaires, ce que l’on peut regretter.
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Etant donné qu’il s’agit d’un fonds de pension, on pourrait y voir une contradiction avec la position des syndicats sur la retraite par capitalisation. Mais, nous y siégeons car c’est le modèle de gouvernance établi par la loi. C’est certainement une bonne chose car cela nous offre un regard sur la gestion. Nous avons ainsi été la première caisse à adopter une charte ISR dès sa création en 2005.
Sur le premier et deuxième pilier de l’architecture retraite (retraite de base et complémentaire), la CFE-CGC défend le modèle par répartition, mais reste favorable au développement d’un troisième pilier supplémentaire et volontaire pour ceux qui veulent et ceux qui peuvent cotiser, comme cela est proposé à la Préfon pour les fonctionnaires. Nous aimerions que l’Etat incite et facilite cette épargne retraite salariale. La capitalisation demeure un risque pour la pérennité d’une retraite attendue par chacun au moment de la cessation d’activité.
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