
Le marché européen des ETF s’ouvre à la titrisation

Les ETF figurent parmi les instruments financiers le plus en vogue actuellement. La titrisation, elle, rebute encore nombre d’investisseurs, dix-huit ans après la crise des subprimes. Aux Etats-Unis, les gérants d’actifs ont tenté, à partir de 2020, de marier les deux concepts en créant des ETF investis en CLO (collaterized loan obligations), c’est-à-dire des prêts bancaires à de grandes entreprises qui ont été titrisés. Et le mélange a pris. Selon les données de Trackinsight à fin février, l’encours de ces ETF frôlait 30 milliards de dollars.
Le plus gros de ces fonds cotés est celui de Janus Henderson qui n’investit que dans les tranches les moins risquées de ce type de montage : le AAA CLO ETF (ticker JAAA) pèse plus de 20 milliards de dollars à lui seul, dont près de 5 milliards collectés depuis le début d’année.
Comme souvent, cette innovation en matière d’ETF a fini par traverser l’Atlantique. Depuis quelques mois, plusieurs acteurs ont lancé leur propre ETF CLO : Fair Oaks Capital, un gérant spécialisé dans le crédit structuré a ouvert le bal en septembre 2024, suivi par Janus Henderson en janvier et Invesco en février. Des autres spécialistes, les américains Palmer Square et Elridge, ont également annoncé leur entrée prochaine sur le marché européen. La plupart ciblent les tranches notées AAA, libellées en euros, Invesco et Palmer Square ajoutant en outre une exposition aux CLO AAA en dollars. Elridge se focalise, quant à lui, sur le marché en dollars.
Ces lancements n’ont été possibles que grâce à des évolutions réglementaires récentes, au Luxembourg dans un premier temps, puis en Irlande. «La Banque centrale d’Irlande, qui cherche à ouvrir l’offre à de nouvelles classes d’actifs tout en protégeant le consommateur, a autorisé en fin d’année dernière que la totalité d’un véhicule Ucits puisse être investie en CLO, alors qu’elle plafonnait cette exposition à 10% auparavant», explique Paul Syms, EMEA ETF head of FI & commodity product management chez Invesco.
«Skin in the game»
Les régulateurs ont en effet attendu que le marché européen des CLO soit suffisamment mûr. «On compte aujourd’hui 640 CLO de 100 à 200 prêts chacun émis par 67 gérants spécialisés pour un encours total de 250 milliards d’euros, indique Jon Dubarbier, directeur de la distribution externe pour la France et Monaco chez Janus Henderson. Il y a dix ans, le marché européen des CLO équivalait à 10% de celui des obligations high yield, sur lequel se financent aussi les entreprises ayant souscrit les loans titrisés. Aujourd’hui, il en représente 60%.» Tout en restant toutefois quatre fois plus petit que le marché des CLO américains.
Des garde-fous ont également été introduits par le régulateur pour s’assurer de la qualité des CLO présents dans les ETF. En particulier, les émetteurs de CLO - comme d’autres titrisations post-2008 - doivent conserver au moins 5% du risque afin de garantir un alignement d’intérêt avec les investisseurs (principe du «skin in the game»). Une étude approfondie des prêts sous-jacents et de l’expertise du gérant spécialisé qui émet le CLO est également demandée. Pour satisfaire ces exigences, Fair Oaks, Janus Henderson et Invesco ont opté pour des ETF de gestion active. Si Invesco assure vouloir rester au plus près de la performance de l’indice calculé par JPMorgan, Janus, de son côté, n’exclut pas des arbitrages actifs sur le marché secondaire des CLO.
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Ces lancements interviennent alors que la classe d’actifs des CLO a des atouts à faire valoir dans le contexte de marché actuel. «A la suite du resserrement des spreads, les investisseurs en quête de rendement supplémentaire pourraient s’intéresser aux CLO», observe Benjamin Huchet, gérant diversifié chez Mandarine Gestion. En effet, selon Janus Henderson, les CLO AAA présentaient à fin 2024 un spread de 105 points de base, contre 52 pb en moyenne pour le crédit noté AAA. Seul le crédit BBB offre un rendement similaire, mais avec un risque crédit plus important. «C’est une classe d’actifs à taux variable, ce qui est rare dans l’univers obligataire corporate et assez avantageux dans un environnement de taux courts élevés», ajoute Xavier Laurent, directeur de la multigestion chez Arkea AM.
Une liquidité encore à l’épreuve
Le principal point d’interrogation tient plutôt à la liquidité de cette classe d’actifs qui n’a atteint une taille significative que très récemment, alors que l’enveloppe ETF dans laquelle ces actifs sont logés est, elle, négociable à tout moment.
«Nous n’avons pas encore connu d’épisode de sorties massives sur le marché de CLO : il faudra être vigilant sur son comportement en période de stress», prévient Xavier Laurent, tout en restant confiant dans le montage. De fait, les promoteurs de ces ETF CLO assurent que le profil de liquidité de ces sous-jacents est tout à fait comparable à celui du marché du crédit. «La liquidité peut même être meilleure en période de stress, car les investisseurs qui opèrent sur ce marché sont des institutions financières qui peuvent rester présentes malgré la volatilité», avance Jon Dubarbier, pointant le comportement de la classe d’actifs pendant la crise des fonds LDI britanniques en 2022.
Les gérants mettent en outre en avant l’apport plus classique de l’enveloppe ETF. «Elle offre une liquidité supplémentaire grâce à l’accès au marché secondaire : lorsqu’un client souhaite liquider sa position, l’ETF sera vendu sans qu’il soit nécessaire de vendre les composants sous-jacents», rappelle Paul Syms. A condition d’en payer le prix, car cette offre de liquidité secondaire peut être chère dans un contexte de tensions. Au final, «a-t-on vraiment besoin de cette liquidité permanente offerte par l’ETF pour une classe d’actifs qu’on sélectionne pour du portage ? interroge Benjamin Huchet. A ce stade, probablement pas.»
Entre un sous-jacent complexe à analyser et une liquidité encore à l’épreuve, les nouveaux ETF CLO ne doivent pas être mis entre toutes les mains. Les gérants en restreignent l’accès à une clientèle professionnelle : des institutionnels – notamment ceux de moindre taille qui n’ont pas les capacités d’investir en direct ou dans les quelques fonds non cotés existants –, des corporates – pour une gestion plus dynamique de leur trésorerie –, des multigérants ou encore des family offices. «Dans un second temps, nous nous tournerons vers une clientèle plus «retail», mais qu’il aura fallu éduquer au préalable, signale Jon Dubarbier. La classe d’actifs est complexe : il faut à tout prix que l’investisseur comprenne au mieux l’objet de son investissement». Pour que la mauvaise image de l’un ne vienne pas ternir l’éclat de l’autre.
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