
La refonte du label ISR pourrait pénaliser les ETF

Trouvera-t-on demain sur le marché beaucoup d’ETF labellisés ISR ? Alors qu’elle entre dans sa phase finale – celle de l’arbitrage du ministère de l’Économie et des Finances –, la réforme du label ISR suscite des inquiétudes au sein de l’industrie de la gestion passive. Le nouveau référentiel proposé par le comité du label pour renforcer sa crédibilité comprend en effet des exigences qui handicapent plus spécifiquement les ETF, dont une cinquantaine sont à ce jour labellisés. En juin, lors de la consultation menée par le comité auprès de la Place, Amundi alertait déjà sur le sujet : «certains choix techniques proposés par le label ISR remettraient en cause la capacité de la gestion passive à pouvoir être labellisée ISR», écrivait le premier fournisseur d’ETF européen. Et les quelques ajustements apportés entretemps par le comité du label ne changent pas fondamentalement la donne.
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Si la mesure centrale de la refonte, à savoir le relèvement du taux de sélectivité au sein de l’univers d’investissement de 20 à 30%, ne pose pas de problème majeur, il en va autrement de plusieurs dispositions plus techniques. Le nouveau référentiel prévoit ainsi que la pondération des trois piliers E, S et G dans les scores soit équilibrée, avec un minimum de 20% pour chacun. «En gestion active, un asset manager qui utilise sa méthodologie propriétaire peut l’adapter, alors qu’en gestion passive, il est dépendant de celles utilisées par ses fournisseurs d’indices», souligne Pieter Oyens, co-responsable de la stratégie produits de BNP Paribas Asset Management. Convaincre ces acteurs – dont beaucoup sont des multinationales – de changer leurs outils pour se conformer à un label franco-français risque de s’avérer une gageure. «Nous avons commencé à les contacter, ne serait-ce que pour vérifier qu’ils sont au courant de cette réforme à venir», ajoute Pieter Oyens.
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C’est aussi l’obligation de mener des actions d’engagement avec les entreprises les plus mal notées du portefeuille qui pose problème. Pour certaines stratégies, notamment celles qui visent à améliorer la note ESG du portefeuille par rapport à l’univers de référence, cette exigence peut revenir à engager un dialogue avec un très grand nombre d’entreprises. Près de 2.000 pour un indice large comme le MSCI ACWI, calcule Amundi. «Cette exigence pourrait inciter le marché à privilégier les approches de sélectivité qui excluent les entreprises les plus mal notées, plutôt que les approches d’amélioration de note», se projette Pieter Oyens. La réplication synthétique, en n’obligeant pas la détention stricte des valeurs en portefeuille, pourrait aussi être une alternative.
Enfin, c’est l’articulation du label français avec les réglementations européennes qui est en jeu, et plus particulièrement avec celle qui encadre les indices climatiques. Le label ISR demande que les gérants analysent les plans de transition de toutes les entreprises qu’ils ont en portefeuille et qui appartiennent à des secteurs à fort enjeu climatique. Cette exigence «ligne à ligne» ne se retrouve pas dans les contraintes des indices «Paris-Aligned Benchmark» (PAB), qui portent sur le portefeuille dans son ensemble. «Pour les indices PAB, la nécessité d’évaluer le plan de transition de chaque émetteur vers la neutralité carbone n’est pas claire, alors que la réglementation fixe clairement les lignes directrices pour la trajectoire de décarbonation au niveau du portefeuille», observe Pieter Oyens. Ce débat n’est pas nouveau : il était déjà à l’origine de la dégradation de presque la totalité des ETF de la catégorie SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) «article 9» en «article 8» fin 2022. Depuis, la Commission européenne a apporté des précisions et levé cette contrainte «ligne à ligne». La réforme du label ISR relance la discussion.
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Parvenir à conserver le label ISR est essentiel pour la stratégie de distribution des fournisseurs d’ETF qui veulent affirmer leur approche responsable. «Les ETF labellisés représentent 48% de notre gamme en nombre de produits, mais regroupent 60% des encours et 62% de notre collecte nette sur les douze derniers mois, témoigne Pieter Oyens. Tant que nous ne disposons pas d’un cadre européen qui permette à l’investisseur final d’avoir une vision claire de ce que chaque fonds propose en termes de durabilité, les labels, grâce aux règles communes qu’ils fixent et à l’audit externe qu’ils imposent, continueront de jouer un rôle clé.»
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