
TRÉSORERIE D’ENTREPRISE - La maîtrise du cash stimule les projets

La crise place le « cash management » des entreprises en première ligne. Les projets d’amélioration du dispositif sur les liquidités ont été poursuivis, voire mis en route dans les directions financières. Pour celles-ci, la priorité est, à partir du confinement et de l’arrêt – souvent – des encaissements, de voir comment mobiliser la trésorerie, la préserver au mieux. La lutte contre la fraude est devenue un sujet prioritaire au fil des escroqueries se répandant avec le travail et les opérations à distance.
« Nous sommes en train de mettre en place un nouvel outil de trésorerie édité par Sage, l’un des premiers critères de choix ayant été de sécuriser notre dispositif face à la montée des fraudes, explique Cherifa Hemadou, directrice financière de Virbac. Il s’agissait aussi de nous adapter à l’évolution des normes et des réglementations. » Les outils nouveaux proposent des croisements d’information automatiques, voire des contrôles des comportements à partir de techniques d’intelligence artificielle. « Le logiciel de trésorerie, qui permet désormais un contrôle automatique sur les listes de sanctions, peut être associé à une solution de vérification des concordances entre le numéro Siret d’un bénéficiaire et le compte bancaire », indique Valérie Mourot, trésorière de Virbac. Surtout, les entreprises revoient leurs procédures pour faire pièce à l’ingénierie sociale, la forme de fraude la plus étendue. « En plus d’un outil efficace, nous veillons aux échanges du système de trésorerie avec la comptabilité et nous avons renforcé nos procédures de contrôle interne », ajoute Cherifa Hemadou.
La surveillance du cash signifie aussi pour les entreprises une meilleure appréhension de leur trésorerie pour faire face à des situations aussi imprévues que l’arrêt de l’activité survenu en mars 2020. « Les groupes internationaux se sont aperçus avec la crise du Covid qu’ils manquaient de visibilité sur leurs positions de ‘cash’, leur trésorerie nette et surtout leur trésorerie potentielle, c’est-à-dire le ‘cash’ mobilisable dans un délai court pour une durée certaine », indique Samuel Guillon, senior vice president strategy chez Kyriba.
Du coup, les sujets de cash management montent en puissance dans les directions financières. « La crise a amené les ‘corporates’ à accélérer leurs réflexions sur leur structure de ‘cash management’, l’objectif étant d’augmenter les opérations en temps réel et de développer les prévisions de trésorerie », explique Benjamin Madjar, responsable structuration et ventes de cash management Europe (hors Allemagne) chez Deutsche Bank.
Déploiement des API
La solution GPI (Global Payment Initiative) lancée par Swift en 2017 poursuit sa forte progression : elle permet aux entreprises de suivre l’avancée de leurs paiements internationaux et ceux-ci sont réalisés toujours plus vite, en moins d’une demi-heure dans la majorité des cas. Succès garanti auprès des entreprises qui ont représenté la moitié des nouveaux adhérents de la coopérative de banques en 2020, indiquait Wym Raymaekers, responsable de la stratégie entreprises de Swift lors d’une conférence chez Universwiftnet. Le service est en constante progression, BNP Paribas vient ainsi de l’adapter pour permettre aussi aux entreprises bénéficiaires, en plus des émetteurs du paiement, de suivre la transaction. « La solution Benetracker enrichit les fonctionnalités de Swift GPI avec la possibilité pour le bénéficiaire d’être également informé de l’avancement du processus, évitant ainsi les relances entre les partenaires commerciaux et leur rebond vers la banque, explique Marc Espagnon, directeur des paiements et du cash management chez BNP Paribas. Le service ne fournit que les données non confidentielles nécessaires à l’identification de la transaction. »
La nouvelle perspective qui s’ouvre à présent pour donner plus de visibilité sur le cash tient au déploiement des interfaces de programmation d’application (API) qui commence. « Après l’accès à l’information (AIS) sur les comptes pour les particuliers suite à la DSP2, c’est au tour des ‘corporates’ de vouloir utiliser les API pour obtenir une visibilité en temps réel sur leurs comptes bancaires », annonce Benjamin Madjar. En outre, ces canaux d’information vont présenter des données en temps réel issues des outils de gestion, de suivi des clients… de l’entreprise. « Les API permettent au trésorier d’enrichir ses analyses et prévisions par des échanges de données en temps réel avec tous les systèmes d’information de l’entreprise », explique Samuel Guillon. Au travers de ses API, la plateforme Kyriba se connecte en direct avec les banques de ses clients pour recevoir les relevés de comptes ou envoyer des ordres de paiement, ainsi qu’avec les systèmes de gestion (ERP) de ses clients afin de récupérer et transmettre en temps réel les données liées à la gestion de la liquidité.
Le sujet des API de trésorerie ne fait que commencer mais un acteur comme HSBC, qui s’appuie sur son activité en Asie où les API sont très utilisées, a déjà présenté son offre en France et commence la commercialisation. « En France, les API de trésorerie sont principalement utilisées pour obtenir des soldes de compte en temps réel, observe Jean-Baptiste Rémy, chef de produit chez HSBC. Au lieu d’utiliser le portail d’une banque en ligne qui réclame identifiants, ‘token’, mots de passe… ainsi qu’une intégration manuelle des informations dans la comptabilité, la communication par API apporte de l’instantanéité. » L’information émanant d’une API s’intègre dans les systèmes d’information de l’entreprise, il s’agit d’un outil très flexible.
Les offres sont en cours de mise au point. « Des éditeurs de logiciels travaillent avec des banques pour offrir, via des API, une connectivité alternative aux canaux traditionnels comme Swift ou Ebics. Les progrès en ce sens dépendront du prix et du niveau des services offerts », expose Wenda Hutsebaut, en charge des sujets trésorerie des entreprises chez Azzana (Groupe Finnegan). La sécurité représentera là encore un point essentiel.
Paiement instantané
L’utilisation des API va de pair avec le paiement instantané dont les usages sont en train de se mettre en place pour les sociétés. « L’‘instant payment’ intéresse les entreprises pour faire des encaissements et des notifications en temps réel. Les API facilitent ces opérations, assure Ilaria Calo, responsable cash management France chez Deutsche Bank. Dans le cas d’un client spécialiste néerlandais dans le secteur du cinéma, par exemple, une API sur mesure conçue par Deutsche Bank lui permet de répartir en temps réel les recettes des films entre tous les acteurs de la chaîne de valeur. »
Les perspectives d’utilisation sont larges et offrent notamment des avancées en termes de sécurité. « Les ‘corporates’ nous demandent de sécuriser leurs paiements fournisseurs et nous sommes en train de mettre au point des API permettant de vérifier en temps réel auprès de la banque que le titulaire du compte est bien le fournisseur auquel est dû le paiement. Il s’agit d’avoir en temps réel cet échange d’informations pour minimiser tout risque », développe Ilaria Calo.
Le sujet des API est encore en partie prospectif car il faut maîtriser la technologie associée pour les utiliser. « En dehors des besoins de pure connectivité, la consommation et la production d’API pour gérer des services complexes nécessitent un niveau de maturité qu’on trouve aujourd’hui principalement dans les entreprises disposant de systèmes d’information puissants ainsi que dans les grandes banques, car cela suppose un important investissement en compétences », prévient Samuel Guillon.
L’offre reste réservée à des cas spécifiques et la généralisation du déploiement des API relève du moyen terme. « Elle nécessite bien sûr une fiabilité comparable aux solutions actuelles, mais aussi une certaine normalisation entre les banques pour devenir aussi universelle que peuvent l’être les solutions de connectivité développées autour de Swift, avec le CFONB (Comité français d’organisation et de normalisation bancaires, NDLR), estime Marc Espagnon. Pour l’instant, les principaux usages que nous proposons aux entreprises avec les API sont ceux du paiement instantané et du ‘reporting’ et nous dialoguons de manière active avec nos clients pour identifier les cas d’usage les plus pertinents pour le futur. »
Le cash management reste toujours l’art de faire coexister un suivi au jour le jour des opérations avec une prise de recul face aux promesses technologiques...
Pour aller plus loin, l’enquête de Deutsche Bank sur l’avenir des paiements en Europe, janvier 2021, dans la version digitale de L’AGEFI HEBDO
www.agefi.fr

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