Réduire les risques liés au financement des navires en construction

L’avis d’expert de Romain Farnoux, senior associate chez Reed Smith

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Romain Farnoux, senior associate chez Reed Smith

Les opportunités de financement de construction navale sont multiples sur le marché. Les risques associés à ce secteur peuvent décourager certains prêteurs, et pour cause : ils sont nombreux.

L’insolvabilité du chantier naval, par exemple, n’est pas qu’un risque théorique, et la presse généraliste se fait régulièrement l’écho de telles faillites. Il n’est pas anodin pour un prêteur d’être confronté à l’arrêt de la construction du navire alors que le financement des acomptes a commencé. Pour limiter cette éventualité, il est recommandé d’effectuer une due diligence à l’égard du chantier et des conditions du contrat de construction qui sera la clef de voûte de la transaction. Les risques peuvent être plus importants lorsque le chantier naval est nouveau, dans une juridiction non favorable ou lorsque la conception et la technologie du navire ne sont pas testées.

Les armateurs sont – on peut le comprendre – réticents à l’idée d’impliquer leurs créanciers directement dans leurs négociations du contrat avec le chantier. Un armateur prévoyant veillera donc à ce que le contrat soit « favorable au financement » avant transmission aux prêteurs. Une attention particulière sera portée aux restrictions en matière de transmission des droits et créances, aux conditions d’annulation du contrat, aux pénalités et indemnités contractuelles éventuelles ainsi qu’à la garantie de remboursement des acomptes, aux exigences en matière de couverture d’assurance et aux dates d’exigibilité des acomptes, qui dicteront le calendrier des mises à disposition du financement.

Si une faillite du chantier survient malgré les précautions, le contrat doit prévoir la fourniture d’une garantie bancaire couvrant le remboursement des acomptes perçus par le chantier. Elle est normalement fournie par la banque du chantier. Le type et la forme de la garantie doivent être conformes à la loi applicable au contrat de construction et à la juridiction du garant et devrait idéalement correspondre à une garantie à première demande. Les prêteurs doivent bénéficier de cette garantie, soit en étant désignés directement comme bénéficiaires, soit par cession des droits qui en résultent. Les prêteurs ont à charge de s’assurer qu’ils bénéficient en priorité de tous les mécanismes de remboursement, assurances, garanties et indemnités au titre du contrat de construction.

De même, un manquement de l’armateur à ses obligations crée un risque pour le prêteur. Un chantier impayé peut arrêter la construction et être délié de son obligation de livraison du navire. Le prêteur réduira ce risque de défaut de paiement de l’armateur en exigeant que ce dernier verse la partie non financée du prix d’acquisition au chantier avant tout tirage du prêt, en effectuant les tirages du prêt directement au bénéfice du chantier et en veillant à ce que l’acquisition du navire se fasse par le biais d’une entité ad hoc, en vue de protéger ce véhicule d’une insolvabilité du groupe de l’armateur.

En outre, il est souhaitable pour les prêteurs d’obtenir une forme de « droit d’intervention » équivalent aux « step-in rights » de droit anglais. Cette faculté leur permet de se substituer à l’armateur défaillant et de reprendre ses obligations au titre du contrat de construction. Cela se fait facilement en droit anglais par le biais d’un assignment et d’un acknowledgment du chantier convenablement rédigé ou, en droit civil, avec un « accord direct » sur mesure entre l’armateur, le prêteur et le chantier naval. Par ce mécanisme, les prêteurs peuvent assurer la fin de la construction malgré la défaillance du groupe armateur et éviter la survenance d’un préjudice financier résultant d’une vente judiciaire du navire inachevé.

Les prêteurs voient leur position améliorée dans les cas où l’armateur a déjà conclu un affrètement du navire à construire. Cela résulte de ce que ces affréteurs (e.g. oil majors, croisiéristes) ont généralement une bien meilleure solvabilité que l’armateur et que les prêteurs bénéficient normalement d’une sûreté sur le contrat d’affrètement. Les prêteurs négocieront éventuellement les termes de leurs « step-in rights » directement avec les affréteurs. Ces derniers y sont généralement réceptifs, ayant un intérêt commun à voir la construction menée à son terme, avec ou sans l’armateur. Les prêteurs bénéficieront ainsi d’une sortie d’investissement plus sereine.

L’octroi d’un financement avant livraison d’un navire comporte donc un certain nombre de risques inhérents. Cependant, un examen approprié du contrat de construction, une préparation minutieuse et quelques interventions rédactionnelles opportunes devraient atténuer ces risques. Entre autres, l’inclusion d’une garantie de remboursement et l’élaboration d’un ensemble de sûretés, incluant si possible une hypothèque maritime sur navire en construction, aideront les investisseurs à diminuer leur exposition au risque et à limiter les répercussions d’un éventuel défaut de la contrepartie, avec de multiples échappatoires.

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