Les entreprises hésitent trop à rééchelonner leur PGE

Face à leurs réticences, les financiers mettent en relief la visibilité qu’offre ce type de remise à plat.
Frédérique Garrouste

Hausse des prix de l’énergie, des salaires, guerre en Ukraine, hausse des taux, transition climatique… l’horizon s’obscurcit indéniablement pour les entreprises. Pour l’instant, toutefois, on observe peu de signes tangibles : l’activité des entreprises aurait plutôt bien résisté au troisième trimestre, selon l’enquête de conjoncture à fin septembre de la Banque de France. Sur le plan financier, les voyants sont également positifs.

La croissance du crédit se poursuit, selon les statistiques de la Banque de France à fin septembre, à un rythme soutenu (+7,9 %, après +7,2 % en août et +7,0 % en juillet), en investissement et en trésorerie. Ainsi, les signes actuels de difficultés sur les financements sont limités. « Les entreprises ont abordé la crise en bonne forme, avec des taux de marge améliorés et des fonds propres renforcés, un accès au crédit satisfaisant », rappelle Frédéric Visnovsky, médiateur du crédit. Les données granulaires dont nous disposons sur 1,8 million d’entreprises montrent une situation de trésorerie renforcée, un endettement gérable dans un contexte de sortie de crise et des niveaux de défaillances inférieurs à l’avant-crise. Reste à voir comment les entreprises vont pouvoir absorber la hausse des prix de l’énergie. »

Dans un contexte incertain, les services de l’Etat veillent à mobiliser les outils qui existent pour prévenir les difficultés. Le plan d’accompagnement des entreprises en sortie de crise, mis en place en juin 2021 et prévu jusqu’en juin 2022, a ainsi été prolongé jusqu’à fin 2022. Le remboursement des prêts garantis par l’Etat (PGE) peut, dans ce cadre, être étalé sur dix ans. La Médiation du crédit s’occupe des restructurations des petits PGE, en dessous de 50.000 euros. Pour les PGE de plus de 50.000 euros, les entreprises peuvent s’adresser d’abord à un conseil départemental à la sortie de crise, point d’entrée unique vers les dispositifs d’aide et d’accompagnement. « La restructuration des PGE s’effectue alors dans le cadre d’une procédure amiable, sans prime supplémentaire pour la garantie de l’Etat. L’étalement sur deux à quatre ans supplémentaires du PGE et des autres dettes, avec un éventuel différé de remboursement, donne de la visibilité aux entreprises, expose Frédéric Visnovsky. Les entreprises ne doivent pas hésiter à y recourir. Or, la Médiation n’a été saisie que de 450 demandes de restructuration de PGE à ce jour. »

Mode de sortie de crise

La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) demande toutefois plus de facilités pour étaler les PGE. « L’étalement des PGE de plus de 50.000 euros qui est fait sous la houlette des conseillers à la sortie de crise complexifie l’accès des entreprises au crédit, expose Stéphanie Pauzat, vice-présidente déléguée de la CPME. La renégociation est considérée comme un défaut de paiement et la notation bancaire de l’emprunteur est dégradée, ce qui induit une baisse de la couverture par les assureurs-crédit. Résultat, l’entreprise subit des suspensions de crédit à court terme et doit payer ses fournisseurs sans délai, c’est une difficulté supplémentaire. C’est ainsi qu’il est peu fait appel au dispositif de crise. » Pourtant, les professionnels veulent encourager le rééchelonnement des prêts même s’il provoque une remise en cause des financements existants de l’activité. « L’allongement du PGE doit s’intégrer à un réaménagement complet des financements, prenant en compte l’ensemble de l’environnement économique, plus difficile pour les entreprises, explique Bertrand Biette, associé chez Jeantet, en charge du pôle restructuring. Quelle que soit la taille de l’entreprise, il nous semble opportun aujourd’hui de mettre tous les créanciers de l’entreprise autour de la table pour réfléchir à des problématiques de fond. »

L’accès au financement fait partie des sujets en train de devenir plus délicats. « L’accès au crédit va probablement devenir plus difficile et le coût va s’en renchérir, estime Bertrand Biette. En outre, nous voyons des entreprises qui ont du mal à trouver un modèle de sortie de crise et qui manquent de visibilité. Il faut aller au-delà du simple sujet du rééchelonnement des PGE, pour traiter les problèmes de fond. »

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