La hausse des taux bouleverse les pratiques

Trésorerie d’entreprise
Frédérique Garrouste

Après des taux négatifs ou très bas depuis 2014, la hausse des taux depuis le début de l’année représente une préoccupation majeure pour les trésoriers d’entreprise. L’habitude de couvrir le risque de taux s’était un peu perdue mais le sujet ressurgit.

Certes, les entreprises ne restent habituellement pas exposées à la hausse des taux sans protection. Les grands groupes dont le financement est essentiellement désintermédié bénéficient de taux fixes pour les obligations. Quant à la dette bancaire, elle est largement couverte. « Fort heureusement, les prêts en place sont rarement à taux variable, les PME et ETI ayant insisté, en période de baisse des taux, pour obtenir un taux fixe », témoigne Pascal Ferron, vice-président de Walter France.

Volatilité

Les financements bancaires des entreprises font à présent l’objet de politiques de couvertures plus systématiques. « La dette bancaire à taux variable est beaucoup plus régulièrement couverte, soit via un swap à taux fixe, soit par l’achat d’un cap, expose Christophe Combes, responsable de la vente change et taux aux entreprises en France à la Société Générale (lire aussi page 20). Alors qu’avant, les entreprises se couvraient juste dans le cadre d’une obligation contractuelle sur une taille minimale, elles sont à présent beaucoup plus enclines à couvrir plus long et sur des nominaux plus importants. » « Les entreprises ont tendance à viser une couverture à hauteur de 70 %-75 % de leur dette », précise Muriel Nahmias, responsable debt advisory chez Redbridge.

La volatilité du marché ne facilite pas, toutefois, la mise en place des solutions. « Les entreprises établissent des couvertures sous forme de cap ou de swap, mais dans ce dernier cas, la volatilité historiquement élevée des taux rend difficile le timing de la couverture », explique Muriel Nahmias. En outre, selon le type de financement, il faut compter plusieurs mois pour négocier les clauses juridiques. « Si la marge peut être fixée rapidement, le taux de marché sera en revanche fixé le jour de la signature, il y a donc un risque de marché dans l’intervalle qui nous apparaît aujourd’hui beaucoup plus important que ces dernières années, au vu de la volatilité », souligne Laurent Bonhomme, président de la Commission risques à l’Association française des trésoriers d’entreprise (lire ‘La parole à...’ page 22).

Pour réduire la charge d’intérêts, les entreprises couvrent à l’avance des financements à venir. « Certains emprunteurs ont pris la précaution de figer un taux il y a déjà plusieurs mois, en anticipation d’un financement qu’ils prévoyaient de mettre en place d’ici à la fin de l’année par exemple », relate Muriel Nahmias. Bouygues l’a fait avec le refinancement du rachat d’Equans, ramenant à environ 2 % le coût économique d’une obligation à 10 ans émise fin octobre à 4,625 %.

Parfois aussi, des entreprises s’intéressent à l’installation de pré-couvertures figeant le taux pour des opérations dans les années à venir. « Les stratégies de précouverture existent mais ne peuvent pas toujours être mises en place pour des raisons comptables ou juridiques », explique toutefois Laurent Bonhomme.

En outre, une pré-couverture est plus facile à instaurer pour une dette bancaire que pour une émission obligataire. « Selon le taux midswap le jour de l’émission, le débouclage du swap de pré-couverture peut générer un gain ou une perte, ce dernier cas mettant parfois en avant un mauvais choix de gestion de la part du trésorier, indique Christophe Combes. Néanmoins, dans le contexte actuel de marché, nous avons pu voir de nombreuses entreprises mettre en place ces swaps de pré-couvertures, notamment sur le marché dollar. » La banque a vu ses clients couvrir de futures émissions dans un horizon de deux ans, voire de cinq ans ou au-delà, dans les cas d’émetteurs réguliers et sur de longues durées.

Enfin, alors que récemment, on a vu les taux à deux ans dépasser les niveaux à dix ans, « les entreprises sont amenées à réfléchir à nouveau à des stratégies de courbes », annonce Laurent Bonhomme.

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