Daniel Biarneix (AFTE) : « La crise a mis le trésorier en lumière »

Daniel Biarneix, président de l’Association française des trésoriers d’entreprise (AFTE)
Benoît Menou
Daniel Biarneix, président de l’Association française des trésoriers d’entreprise (AFTE)
Daniel Biarneix  -  Charles de Toirac

Le nouveau président de l’Association française des trésoriers d’entreprise (AFTE), Daniel Biarneix, présente sa feuille de route de sortie de pandémie… et au-delà.

Vous accédez à la présidence de l’Association française des trésoriers d’entreprise (AFTE) dans un contexte pandémique inédit…

La gestion de la sortie de crise constitue évidemment un sujet majeur d’attention pour les trésoriers. Ici comme ailleurs, je souhaite poursuivre les efforts déployés par Florence Saliba, qui me transmet le témoin. Au déclenchement de la crise, les trésoriers ont subi un choc de liquidité. Si le Prêt garanti par l’Etat (PGE) a constitué une solution adaptée, apportant autant le cash que le temps nécessaires, nous avons à l’AFTE participé activement à la réanimation du financement à court terme par les NeuCP, marché brutalement asséché par l’absence des investisseurs traditionnels que sont les fonds monétaires, subissant des rachats massifs. Un marché rapidement remis d’aplomb par un programme de la Banque centrale européenne (BCE), mis en œuvre par l’intermédiaire de la Banque de France avec laquelle nous avons beaucoup échangé pour expliquer les besoins des trésoriers. L’AFTE continue d’ailleurs de militer, avec nos homologues européens au sein de l’European Association of Corporate Treasurers (EACT) et auprès de la Commission européenne dans le cadre de l’Union des marchés de capitaux pour unifier le marché du financement à court terme des entreprises, le franco-français NeuCP ayant des arguments à faire valoir. Autre exemple de notre action dans l’urgence du déclenchement de la crise, nous avons agi pour la relance des dispositifs publics de soutien à l’assurance-crédit, particulièrement cruciale pour nombre de petites et moyennes entreprises (PME).

Quel est le rôle de l’AFTE auprès des entreprises dans cette crise ?

Nous continuons à les aider, à analyser comment retrouver des niveaux de liquidité leur permettant de sortir de l’ornière, avec notamment de la pédagogie sur la gestion des mécanismes de soutien public. Dans ce contexte, la crise a mis le trésorier en lumière : s’il ne génère pas directement le cash, il en est le thermomètre au sein de l’entreprise, il est plus visible encore depuis un an pour faire connaître la traduction de toute décision opérationnelle. Ce défi de la diffusion de la culture cash reste entier depuis un an. Il se relève en interne comme au sein d’un écosystème du trésorier, que je souhaite continuer d’animer.

Quel est cet écosystème ?

Il est multiple. L’AFTE interagit avec les autorités de tutelle comme le Trésor, la Banque de France, l’Autorité des marchés financiers (AMF), les partenaires bancaires et la Fédération bancaire française (FBF), comme avec les autres associations professionnelles telles l’Association française de la gestion financière (AFG), Paris Europlace, le Medef ou l’Association française des entreprises privées (Afep). Ou avec les agences de notation. En règle générale, ces dernières n’ont, c’est heureux, pas surréagi à la crise, elles ne se sont pas focalisées sur un choc de liquidité passager pour conserver une vision de long terme. Le sujet des honoraires des principales agences reste tout de même épineux.

Quels autres sujets animent la profession ?

Le thème de la durabilité de l’investissement et du financement est toujours plus prégnant. Il est primordial que le trésorier suive ce marché mouvant et dispose d’une large panoplie d’outils. Ainsi, à côté des green bonds destinés à financer des projets spécifiquement verts, les trésoriers saluent le développement des sustainability linked bonds, dette obligataire dont le coût peut évoluer en fonction de la performance durable de l’émetteur. Autre point actuel d’attention de l’AFTE, la refonte des taux d’intérêt de référence. Un sujet naturellement anxiogène car ces taux sont omniprésents. La transition se déroule sereinement en zone euro, avec de nouveaux taux bien identifiés, l’Euribor modifié et l’Ester remplaçant l’Eonia. Ailleurs, c’est plus incertain, et le temps presse pour négocier les modalités de transition.

Autre transition en cours : la technologie est-elle l’alliée du trésorier ?

Elle est depuis longtemps indissociable de sa fonction, qui ne peut tout simplement être menée qu’avec les systèmes adéquats. L’évolution technologique s’est accélérée ces dernières années, ce qui représente un défi. Mais aussi des promesses. Je citerais par exemple la documentation. Dans les échanges avec les banques, il y a énormément de papier, alors que des solutions existent permettant la validité juridique d’une signature électronique. Nous devons avancer ensemble, avec l’aide des fintechs également, vers davantage de dématérialisation. Cette dernière doit avancer dans le domaine de la connaissance du client ou KYC (Know your customer) : nous devons encore aujourd’hui remplir une myriade de documents papier de façon non homogène. Nous pourrions mutualiser cette besogne, si par exemple chaque entreprise pouvait être autorisée à déposer dans une boîte commune 90 % des renseignements nécessaires standardisés. Les pouvoirs bancaires, c’est à dire la gestion encore laborieuse des listes de signataires autorisés, présentent aussi un potentiel d’optimisation. Nous attendons beaucoup de l’eBam (electronic bank account management). Les moyens de paiement constituent également un terrain d’évolution et de vigilance de l’AFTE, afin de préserver, avec le paiement digital, les critères de sécurité, d’efficacité et de coût du virement traditionnel. Des progrès sont encore nécessaires, surtout en matière de sécurité. Toujours dans le paiement, les regards se tournent également vers les monnaies digitales. Souvent assimilées au bitcoin, qui pourtant n’est pas une monnaie mais un actif financier. Des projets de banques centrales progressent, pourquoi pas soutenus par la blockchain. Mais nous serons vigilants sur les coûts d’utilisation et, là encore, la sécurité.

Dans cet univers d’échanges, les Journées de l’AFTE restent un indispensable forum…

En effet, c’est LE rendez-vous annuel des trésoriers et de leurs partenaires. L’édition digitale 2020 a été plébiscitée, même si les échanges physiques plus conviviaux ont manqué à tout le monde. Nous songeons à une édition 2021, toujours à l’automne, sur un modèle hybride. Nous ferions ainsi d’une contrainte une opportunité en partageant plus largement l’événement physique en digital. Notamment à destination des entreprises sur l’ensemble du territoire national. Cette opportunité se présente en parallèle de notre centre de formation, qui s’est montré réactif pour digitaliser ses nombreuses prestations.

Propos recueillis par Benoît Menou

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