Charles Rodwell, député des Yvelines : « L’objectif est d’accompagner chaque entreprise à l’export »

Benoît Menou
Charles Rodwell
 -  F.Jannin

Le député des Yvelines Charles Rodwell présente les recommandations du groupe de travail, dont il est corapporteur, visant à optimiser le soutien public à l’exportation et à l’attractivité de la France.

L’AGEFI - Pourquoi avoir porté ce groupe de travail ?

Charles Rodwell - La France fait face à un paradoxe majeur en matière de commerce extérieur. D’un côté, le déficit commercial atteint un record de 164 milliards d’euros en 2022, alors que le nombre d’entreprises exportatrices est lui aussi au plus haut à plus de 144.000 et que la France reste le pays européen le plus attractif pour les investissements étrangers. Avec Sophia Chikirou, corapporteure de la mission, nous partageons la vision que l’export est un combat politique, en cela que la puissance publique a un rôle clé à jouer. L’export et l’attractivité doivent s’inscrire au cœur de la politique industrielle de notre pays. Dans le cadre de la stratégie de « Roubaix » lancée en 2018, nous avons créé deux guichets uniques, la Team France Export (TFE) et la Team France Invest (TFI). En complément de la politique macroéconomique menée depuis cinq ans, la mise en œuvre de ces guichets uniques a constitué une avancée majeure, il faut la faire fructifier, et c’est l’objet de notre groupe de travail, optimiser l’accompagnement « microéconomique » : entreprise par entreprise, aider la France à mieux exporter et à mieux convaincre les investisseurs étrangers. Nos recommandations se veulent concrètes et opérationnelles.

Il faut améliorer la lisibilité des dispositifs ?

Toutes les personnes auditionnées nous disent que les dispositifs de soutien pourraient être davantage visibles encore, et surtout que le parcours de chaque entreprise pourrait être simplifié. Nous recommandons de renforcer le point de contact unique dans chaque pays, ce serait un gage de l’amélioration nécessaire de la coordination des acteurs de la TFE et de la TFI. Le fonctionnement du grand rendez-vous annuel qu’est le Conseil stratégique de l’export peut être réformé, un pilotage efficace impliquant la réunion mensuelle d’un cercle élargi de participants autour du ministre délégué au Commerce extérieur, à l’Attractivité et aux Français de l’étranger. Nous préconisons également un meilleur partage des informations, par l’intermédiaire de la plateforme numérique commune One Team. Par ailleurs, il nous semble souhaitable de donner une visibilité budgétaire pluriannuelle aux opérateurs de la TFE et de la TFI.

Quelles sont les entreprises à soutenir, et vers quelles destinations ?

Il ne faut oublier personne. Mais l’accent doit être mis d’abord sur les filières soutenues par le plan d’investissement France 2030, qui est l’incarnation de notre reconquête industrielle, dans le domaine spatial, la construction navale, la décarbonation ou encore la santé. En ce sens, la décision récente de mettre systématiquement en contact les lauréats de France 2030 avec Business France pour qu’un plan à l’export leur soit systématiquement proposé est une première étape importante. Nous invitons au renforcement, prioritairement à destination des PME et ETI, de la formation globale à l’export, en développant notamment le mentorat. Il faut qui plus est constituer une équipe d’identification des pépites à haut potentiel d’internationalisation, en y associant naturellement les fédérations interprofessionnelles. Quant à la destination, nous ne fermons la porte à aucun marché mais devons concentrer plus d’efforts vers ceux où la France dispose d’avantages comparatifs. En premier lieu l’espace francophone : nous proposons la création d’un « Commonwealth francophone » fondé sur le partage d’une langue commune et de systèmes juridiques proches. Nous devons également aller chercher les acheteurs internationaux depuis la France. Pour cela, nous proposons la création d’une entité « France Salons » placée sous la tutelle de Business France, pour développer les salons tournés vers l’export sur le territoire national, à l’image de la stratégie adoptée par nos voisins allemands.

Qu’en est-il de vos attentes sur l’assurance export ?

L’accompagnement de nos entreprises est perfectible. Il faut encourager l’export par une assurance plus complète des risques. Nous devons travailler sur le principe de subsidiarité, selon lequel l’intervention de la puissance publique n’est permise que lorsque celle du privé est impossible. Nous préconisons de réévaluer le cadre législatif et réglementaire pour un partage plus efficient de l’assurance entre privé et public. Il faut que l’engagement public soit un levier de celui du privé. Nous recommandons pour ce faire l’ouverture d’une mission parlementaire dédiée. L’idée répandue que nous sommes impuissants face aux règles de l’OCDE en la matière est fausse, il s’agit de conventions non contraignantes. Nous pouvons agir en France, par une meilleure transcription des règles européennes.

En termes d’attractivité, les investisseurs étrangers sont-ils sensibles à la réforme des retraites en cours et à la grogne qu’elle engendre ?

La France envoie des signaux clairs d’attractivité quand elle engage des réformes justes et nécessaires. C’est le cas ici. Nous avons des atouts à faire valoir, nous pourrions particulièrement le faire en attirant des entreprises étrangères susceptibles de constituer le maillon manquant d’une chaîne de valeur, en particulier dans les secteurs stratégiques ciblés par nos plans d’investissement d’avenir. Sans oublier les bienfaits de la vitrine de l’attractivité que représente déjà le sommet annuel Choose France, dans ma circonscription à Versailles, auquel il convient de mieux associer la TFE et la TFI. Il faudra en amont préparer le terrain des conditions de l’attractivité. En ce sens, nous proposons d’établir une cartographie précise du foncier productif disponible et de définir une procédure environnementale lisible et uniforme en matière d’installation et d’extension de sites industriels.

Vous appelez à une réflexion sur la Marque France…

L’Allemagne vend sa rigueur, la qualité de ses machines, l’Italie la créativité de ses designers, sa chaleur de vivre… La France, quelle marque vend-elle à l’export ? Nous devons dynamiser la « Marque France ». Cela n’a rien d’un gadget, c’est un élément clé de notre compétitivité hors prix. La thématique de « l’audace française » est une piste intéressante. Commençons également par valoriser cette Marque France en francisant les termes Team France Export et Team France Invest et en les nommant France Export et France Investir.

Propos recueillis par Benoît Menou

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