« L’affaire Orpea nous apprend d’abord l’humilité »

A la tête de CPR AM depuis moins d’un an, Olivier Mariée n’en a pas moins une idée très précise de là où il faut amener la société. Toujours plus proche des CGP et avec une gestion thématique marquée ESG en fort développement.
Jean-François Tardiveau
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Comment se porte CPR AM ? CPR AM se porte bien. L’année 2021 a été excellente. La dynamique commerciale a été très bonne avec une collecte de 3,3 milliards d’euros, ce qui a porté les actifs sous gestion à la fin de l’année dernière à 64milliards d’euros. Si l’on regarde plus récemment, sous réserve que la crise ukrainienne n’apporte pas d’importants changements, le début d’année a été bon avec une activité retail soutenue et, du côté des institutionnels, un appel d’offres remporté à l’international d’une valeur d’un milliard d’euros. Enfin, d’une façon générale, si l’on évoque le positionnement de CPR AM, nous sommes sur des sujets très porteurs en évoluant dans des domaines comme la gestion thématique, les investissements à impact ou encore l’ESG. Que représentent les conseillers en gestion de patrimoine pour CPR AM et avez-vous des projets spécifiques pour ces distributeurs ? Je les connais bien pour avoir dirigé les activités de Thema ou d’Axa Wealth Management. C’est un marché auquel je crois et c’est un marché d’avenir qui, j’en suis convaincu, va se développer. Toutes les conditions sont réunies pour cela, avec des sujets qui vont les porter comme celui de la retraite. C’est également un marché exigeant. Compte tenu du choix dont ils disposent, les CGP doivent être séduits. Nous avons les arguments pour cela et travaillons très étroitement avec eux via Le Comptoir, notre plateforme qui leur est dédiée. Mais je veux aller plus loin. Notre gestion thématique et à impact est particulièrement adaptée aux CGP, car nous avons bâti des stratégies d’investissements sur des thèmes clairs générant un impact concret, tels que la protection du climat, l’accès à l’éducation, la réduction des inégalités sociales, ou encore l’alimentation durable, qui donnent du sens aux investissements. Nous sommes bien placés pour nous rencontrer avec les CGP qui, avec leurs clients, veulent comprendre dans quoi ils investissent, pourquoi ils investissent et veulent des preuves de l’intérêt de leur opération. C’est ce que les rapports d’impact que nous publions régulièrement pour nos fonds leur fournissent. Et puis nous travaillons également sur un certain nombre de services pour les accompagner dans le conseil patrimonial. Nous avons par exemple élaboré l’outil gratuit et digital « smart allocation» avec Harvest, qui permet aux CGP de disposer des supports nécessaires pour bâtir une allocation trimestrielle selon plusieurs profils de risque. La gestion thématique est-elle arrivée au bout des thèmes exploitables ? Non. Il y a encore, de façon très claire, des thèmes à exploiter et beaucoup de choses à faire. Nous ne sommes pas à la fin de l’histoire ! Sur la question du climat par exemple, il y a une thématique spécifique, et particulièrement prometteuse pour atteindre la neutralité carbone, qu’est l’écosystème en pleine croissance de l’hydrogène, sur lequel nous sommes les seuls présents et avons bâti un vrai savoir-faire. Ce fonds actions internationales, CPR Invest – Hydrogen, qui a déjà collecté près de 500 millions d’euros en trois mois et que nous référençons actuellement sur les plus grandes plateformes, va d’ailleurs nous permettre d’aller encore plus loin avec les CGP. Par ailleurs, CPR AM bénéficie de toutes les capacités de distribution d’Amundi à l’international. Les équipes commercialisent à la fois leurs fonds et les nôtres. Et ce point est très important car cela nous permet non seulement de nous développer mais également, à travers les échanges que nous avons avec ces équipes dans tous les pays et continents, de capter de nouvelles grandes tendances, de grandes évolutions de marchés, de nouveaux besoins. C’est un cercle vertueux qui nous profite pour anticiper de nouveaux thèmes. Le cas échéant, à quoi peut-on penser ? Nous allons lancer en milieu d’année une nouvelle thématique autour de l’économie et la biodiversité marines. En parallèle, nous travaillons sur un fonds multi-assets thématique avec une approche d’investissement responsable. Nous avons accéléré sur le sujet sachant que dès juillet prochain, outre les questions du distributeur sur la prise de risque ou l’objectif de placement de son client, ce dernier sera interrogé sur ses préférences ESG. Je pense qu’il s’agit d’une petite révolution. Ce fonds, composé d’une partie actions et d’une partie obligataire, toutes deux thématiques, avec une dimension ESG forte puisqu’il sera classé article 9 SFDR [Sustainable finance disclosure regulation, Ndlr], pourra apporter des réponses au client. Nous travaillons depuis longtemps sur l’allocation de thématiques. Pour la raison simple que l’offre de fonds dans ce segment est aujourd’hui très large et suffisamment diversifiée. Cependant beaucoup d’investisseurs ont empilé des thématiques sans juger de la forte corrélation qui peut exister entre elles. Il faut donc avoir une vision stratégique sur l’allocation de thèmes pour diversifier le risque et permettre à la gestion thématique d’intégrer le cœur de portefeuille. C’est un sujet d’importance et qui va en prendre de plus en plus, dans lequel nous avons des compétences et que nous voulons préempter. Vous avez récemment enregistré des succès inégaux concernant les fonds thématiques. Quelles raisons à cela ? Pour remettre les choses en perspective, nous n’avons pas fermé une seule des quatorze thématiques que nous avons élaborées. Rappelons que la gestion thématique s’inscrit dans le temps long des mégatendances, au-delà des mouvements conjoncturels. Le fonds CPR Invest - Global Disruptive Opportunities reste notre fonds star avec un encours approchant les cinq milliards d’euros. Notre fonds CPR Invest - Food For Generations est également l’une des vedettes de notre gamme ainsi que notre fonds CPR Invest - Hydrogen au vu de son lancement prometteur. Notre fonds sur l’éducation a plus souffert en 2021, ce qui s’explique par sa forte orientation vers des valeurs chinoises en investissant dans de l’éducation privée. Nous avons procédé à une réorientation de gestion dont il tire profit depuis quatre mois en étant largement en tête dans sa catégorie. Compte tenu de la situation économique actuelle, de la recrudescence de l’inflation et même des risques de stagflation que l’on évoque désormais, quelles réponses pouvez-vous apporter ? Outre les actifs gérés sur les thématiques en actions, nous avons des équipes obligataires, d’actions quant, d’allocations d’actifs. Nous disposons de fonds inflation qui collectent beaucoup désormais. Nous avons également des fonds matières premières et donc une palette de produits pour répondre à la situation actuelle. Cela dit, nous ne nous interdisons pas de répondre à des attentes nouvelles. A l’image de la lutte contre la dépendance énergétique par exemple sur laquelle les investissements vont s’accélérer et vis-à-vis de laquelle notre fonds sur l’hydrogène est particulièrement bien positionné. Vous avez annoncé récemment des décollectes dans le domaine du monétaire et de l’obligataire. Pensez-vous que la crise russo-ukrainienne puisse être en mesure de modifier cette donne ? Je viens de regarder avec les équipes de gestion l’évolution du monétaire après plusieurs semaines de conflit en Ukraine. Nous ne constatons pas de mouvements particuliers. Pas de mouvement vers le cash tandis que, côté obligataire, une légère tendance au « flight to quality » est perceptible. Mais il y a une collecte forte sur les fonds inflation. Le fonds Silver Age constitue l’un des plus grands succès de CPR AM. Comment avez-vous géré l’affaire Orpea? L’affaire Orpea nous apprend d’abord l’humilité. Nous pouvons nous appuyer sur l’infrastructure d’analyse extra-financière d’Amundi et sur un ensemble de données, mais nous devons être vigilants, exigeants. Aujourd’hui, sur l’investissement responsable, il faut être exemplaire et transparent. Les distributeurs comme leurs clients attendent cela. Oui nous avions des titres Orpea en portefeuille. Nous en avions peu et nous les avons vendus et il nous faut désormais dire comment nous allons être plus pertinents dans notre analyse ESG. Je pense que sur ce sujet, nous devons renforcer la collecte de données. Ce point va nous occuper dans les prochaines années. Par rapport à la promesse que nous faisons aux épargnants et aux distributeurs, nous devons être en cohérence. Le G de l’ESG est d’importance, la gouvernance est un élément central de la stratégie du groupe Amundi. Les rôles d’engagement et de dialogue actifs auprès des sociétés est très important pour les années à venir. L’ESG peut-il souffrir et même sortir sens dessus-dessous après l’invasion russe où des établissements peuvent voir leur appréciation modifiée ? Via les grandes thématiques que nous gérons - l’environnement, les inégalités sociales, l’éducation et la chaine alimentaire – nous sommes très peu exposés à ce genre de problématiques. Il est sans doute respectable d’investir dans des entreprises pour défendre la liberté. Regardera-t-on le monde différemment après cette guerre ? C’est fort possible, mais ce qui est certain, c’est que le climat, l’éducation ou l’alimentation resteront des sujets fondamentaux dans les vingt ou trente prochaines années. La guerre en Ukraine ne va pas interrompre le réchauffement climatique ou la fragilisation des océans. Nous resterons fidèles à notre signature, « investir c’est aussi agir », « invest for good» en anglais. Nous continuerons donc à investir dans les grands objectifs de développement durable, en vue d’atteindre, d’ici 2025, 7 milliards d’euros gérés dans des fonds à impact. Avez-vous prévu de renforcer ou réorganiser certains domaines au sein de la société de gestion ? Oui. Nous voulons être plus présents sur nos axes stratégiques que sont l’ESG et la gestion à impact, la gestion thématique et l’allocation de thématiques. Pour chacun de ces domaines, nous allons effectivement nous renforcer en recrutant des gérants et des analystes. Entretien publié initialement dans L’Agefi Actifs

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