
L’AMF prononce des sanctions historiques dans le scandale H2O

Les montants sont impressionnants, et jamais vus en France. La Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) a suivi la quasi-totalité du réquisitoire du Collège, l’autorité de poursuite, dans le dossier H2O AM. Elle a annoncé le 3 janvier infliger une amende de 75 millions d’euros assortie d’un blâme à la société de gestion, ex-affiliée de Natixis. Son cofondateur Bruno Crastes écope d’une amende de 15 millions d’euros, assortie d’une interdiction d’exercer pendant une durée de 5 ans l’activité de gérant, directement ou par délégation, ou de diriger une société de gestion dans l’Union européenne. Une amende de 3 millions d’euros assortie d’un blâme a été infligée à Vincent Chailley, le deuxième cofondateur. Le Collège avait toutefois demandé une interdiction d’exercer de 10 ans pour Bruno Crastes.
H2O AM a annoncé mercredi matin faire appel de cette décision.
L’affaire est liée aux conditions dans lesquelles plusieurs fonds de H2O AM, coqueluche des conseillers en gestion de patrimoine et des assureurs vie, ont investi pour 1,6 milliard d’euros dans des titres illiquides liés aux sociétés du financier allemand Lars Windhorst. Révélée en juin 2019, la présence de ces obligations illiquides avait entraîné un vaste mouvement de retraits des clients, puis, en août 2020, le gel des fonds concernés, avant la création de fonds de cantonnement.
Griefs multiples
Dans sa décision, la Commission a retenu l’ensemble des griefs notifiés. Les titres financiers émis par des sociétés du groupe Tennor, la holding de Lars Windhorst, n’étaient pas éligibles à l’actif de plusieurs des fonds de H2O AM. Non seulement le défaut de liquidité de ces instruments financiers «compromettait la capacité des OPCVM à honorer les demandes de rachat des porteurs», mais l’asset manager n’a pas pris en compte «de façon appropriée ce risque de liquidité au moment des investissements ». L’AMF explique ensuite que ces titres financiers n’entraient pas dans le cadre de la politique d’investissement fixée par les prospectus des fonds «à défaut d’être notés par une agence de notation ou d’être émis par un émetteur noté par une agence de notation ». Toujours selon l’AMF, H2O AM «ne disposait pas d’informations suffisantes pour valoriser ces instruments financiers de façon fiable. »
La Commission a par ailleurs estimé que H2O AM n’avait pas respecté le ratio d’emprise applicable à ces OPCVM, puisque certains ont détenu plus de 10 % de titres de créance émis par un même émetteur du groupe Tennor.
Enfin, dans le cadre d’autres opérations complexes opérées par la société (dites de buy & sell back), elle a considéré que H2O AM « n’avait pas pris en compte de façon appropriée les risques qui empêchaient les fonds de dénouer ces opérations à leur valeur de marché, à leur initiative et à tout moment. Elle a également constaté que certaines de ces opérations n’étaient pas prises en compte pour le calcul de l’exposition maximale de 5 % au risque de contrepartie sur un même cocontractant. »
La Commission précise que ces manquements sont imputables à Bruno Crastes et Vincent Chailley qui étaient, respectivement, directeur général et directeur des investissements de H2O AM à l’époque des faits, une interprétation juridique qui a été contestée par la défense durant l’audience. Celle-ci peut interjeter appel devant le Conseil d’Etat.
Remboursement des porteurs de parts
Le même jour, quelques heures avant la publication de la décision de la Commission, la société de gestion H2O AM a annoncé qu’elle allait prochainement verser un premier remboursement aux porteurs de parts de ses fonds cantonnés issus de l’affaire Lars Windhorst. Les investisseurs concernés recevront prochainement une lettre spécifiant les détails de l’opération.
La société de gestion a reçu un premier remboursement partiel de la first super senior secured note (FSSSN), un titre structuré en mai 2021 pour agréger la majorité des obligations d’entreprises liées à Tennor et qui étaient détenues par les fonds cantonnés de H2O AM. De ce fait, le « nominal sera […] réduit de 250 millions d’euros et la première phase de remboursement des porteurs de parts sera mise en œuvre dans les prochains jours », précise la société de gestion. Cette formulation ne permet pas de savoir pour le moment si le nominal correspond à celui du titre FSSSN ou aux valorisations des side pockets, souligne un spécialiste du dossier.
Le titre FSSSN représente la majorité des encours de six des sept fonds cantonnés. Il a permis d’agréger initialement pour 1,45 milliard d’euros d’obligations d’entreprises liées au groupe Tennor, soit la quasi-totalité des 1,6 milliard d’euros logés dans les side pockets. Toutefois, la valorisation de l’ensemble des titres en portefeuille a été revue à la baisse fin 2021. Au dernier décompte, au 31 décembre 2021, la valeur totale était légèrement inférieure au milliard d’euros. Les six fonds qui possèdent des titres FSSSN contiennent également d’autres obligations de sociétés appartenant au groupe Tennor, et parfois de petites expositions à des obligations d’ADS Securities Funding, une société financière dubaïote qui n’appartient pas au groupe Tennor. Seule le side pocket de H2O Multiequities, dernièrement valorisée à 11,6 millions d’euros, ne possède pas de titre FSSSN.
H2O AM, qui est elle-même porteuse de parts de fonds cantonnés, rappelle dans son communiqué qu’elle traitera « tous les porteurs de parts de manière égalitaire lors de l’exécution de ces remboursements. Tout recours à des associations tierces ne dérogera pas au principe d’égalité des porteurs auquel H2O AM est tenue ». Cette formulation fait sans aucun doute référence à l’association Collectif Porteurs H2O, qui veut rassembler un maximum de porteurs de parts en vue d’un futur procès. Celle-ci va clôturer ses inscriptions dans le courant du mois de janvier afin de pouvoir assigner H2O AM vers février-mars. La sanction prononcée par l’AMF lui donne des arguments.
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