La réforme des marchés financiers européens est mal embarquée

La révision de la réglementation MIF2, qui constitue l’épine dorsale des marchés financiers, ne semble plus une priorité.
Fabrice Anselmi

La Commission européenne (CE) avait formulé en novembre 2021 son projet de révision finale de la réglementation MIF2, entrée en vigueur en janvier 2018 pour fixer les règles des marchés financiers européens. La présidence française de l’Union européenne (UE) espérait bien faire avancer le débat, mais la guerre en Ukraine et d’autres priorités, comme la taxonomie verte ou les régulations des cryptoactifs (MiCA, Market in Crypto Assets) et des transferts de fonds (TFR), sont passées au premier plan… De même que la mauvaise volonté de certains Etats membres sur des points clés de la réforme, sur lesquels la présidence tchèque tentera de trouver un consensus. Des ajustements intermédiaires MIF2.5 avaient été adoptés en mars 2021 dans l’urgence de la pandémie, avec le CMU Recovery Package. Cette fois, les principales mesures de cette révision, aussi appelée MIF3, traiteront de transparence et de gestion des données: obligations de négociation, suppression de certaines exemptions à la transparence pre-trade, base de données consolidée, interdiction du «paiement pour flux d’ordres», suppression de l’obligation d’open access pour une chambre de compensation (CCP) sur des dérivés négociés sur d’autres plateformes que celle à laquelle elle est verticalement intégrée, suppression de l’obligation des plateformes de l’UE d’accepter qu’une CCP non affiliée puisse compenser leurs transactions, etc. «Quand cette révision prend du retard pour des raisons politiques, cela donne l’impression qu’on traite un peu les choses dans le désordre, car MIF reste l’‘épine dorsale’ des autres réglementations européennes sur les marchés, rappelle Thomas Verdin, directeur associé du pôle banques chez BM&A. Par exemple, le texte de MiCA – qui a été associé au règlement sur les transferts de fonds [TFR] – devrait être un complément de MIF sur les instruments qui s’échangent au travers de jetons sur ‘blockchain’. De même, la réglementation Emir [Emir Refit pour la version révisée en 2019] sur les infrastructures de marché et post-marché évolue inévitablement avec MIF.» MiCA couvre les règles d’offre au public et de négociations de jetons numériques, la prestation de services sur actifs numériques, et la prévention des abus de marché sur cryptoactifs. Problème des données extra-financières La révision intermédiaire de MIF2 a aussi instauré l’obligation pour les sociétés de gestion, en théorie à partir du 2 août, d’évaluer les préférences des clients en matière de durabilité et d’en tenir compte, par le biais des conseillers et les distributeurs de produits financiers. Tout cela en lien avec la taxonomie européenne, la réglementation SFDR sur les fonds ESG, et donc aussi la directive sur le reporting en matière de durabilité des entreprises (CSRD), encore en discussion. La chronologie peu judicieuse des textes a amené le régulateur français à repousser cette date au 1er janvier 2023 pour les conseillers en investissements financiers. «Paradoxalement, les législateurs tentent de faire avancer l’Union des marchés de capitaux [CMU] avec MIF3, mais les objectifs de liquidité-transparence-compétitivité amènent aussi à fragmenter les marchés. Par exemple, pour la cotation en Bourse, MIF tente d’uniformiser les exigences sur les lieux de négociation mais les entreprises connaissent plusieurs cadres de règles selon les marchés, réglementés ou non, poursuit Thomas Verdin. De ce point de vue, l’infrastructure de collecte des données financières induite par le format Esef pourrait être utile pour la collecte des données extra-financières, et plus globalement pour apporter aux émetteurs la logique d’harmonisation visée par MIF au niveau des investisseurs.»

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