
La Fed fait profil bas

C’est en octobre 2017 que la Réserve fédérale a viré sa cuti en passant du QE (quantitative easing, assouplissement quantitatif) au QT (quantitative tightening, resserrement quantitatif). A partir de cette date, la banque centrale a décidé de ne plus réinvestir la totalité des tombées de Treasuries et de MBS (mortgages backed securities ) de son portefeuille constitué pendant la phase de QE. L’opération s’est faite en douceur, de manière progressive et sur le mode « pilotage automatique ». Au point que c’est seulement maintenant que le QT fait parler de lui sur les marchés. Tout comme le QE fut décrié à son lancement comme vecteur d’hyperinflation entre autres choses, le QT est rendu coupable de nombreux maux, dont la bourrasque sur les marchés au mois de décembre dernier. D’où un succès d’estime sur Google avec une recension du sigle QT qui a explosé courant janvier.
Graduel, le retour dans le marché des titres détenus par la Fed est aujourd’hui de 50 milliards de dollars chaque mois. Aux premières heures de la crise financière (août 2007), le bilan de la Fed se situait à 870 milliards de dollars. Il atteignait, à son apogée en avril 2015, quelque 4.500 milliards, et s’apprête dans les prochaines semaines à passer sous le niveau des 4.000 milliards. Jusqu’à la réunion du comité fédéral de l’Open Market (FOMC) des 29 et 30 janvier, la banque centrale ne s’était pas engagée sur un plancher minimal à la baisse. La seule référence était un sondage de la Fed de New York mené auprès des primary dealers anticipant une stabilisation vers le seuil de 3.500 milliards. Lors de la conférence de presse de fin janvier, Jerome Powell, le président de la Fed, a répondu aux attentes et aux anticipations du marché (mais aussi aux « tweets » du président Donald Trump), indiquant que la normalisation se terminera plus tôt, avec un bilan plus étoffé que prévu. Des précisions seront apportées lors des prochaines réunions du FOMC, a-t-il ajouté. Le même Jerome Powell indiquait encore en juin dernier devant le Congrès que la normalisation du bilan de la banque centrale allait prendre probablement trois ou quatre ans. Les économistes ont sorti leur calculette : à la vitesse actuelle du runoff, il arrivera à terme fin 2019 ou tout début 2020. A un niveau autour de « 3.750 milliards de dollars », selon Frederik Ducrozet, stratégiste chez Pictet Wealth Management.
Critiques du marché
Ces dernières semaines, les QT était sous les feux des critiques des analystes, essentiellement des intervenants des marchés actions. Les deux principaux reproches adressés à la reprise de liquidités par le QT portaient « sur la remise des titres du Trésor détenus par la Fed dans le marché qui allait générer une hausse des taux d’intérêt à long terme et sur l’absorption de cash et donc un prélèvement dans le marché monétaire », explique Stéphane Déo, stratégiste à La Banque Postale AM. Or, en décembre, « ces deux marqueurs n’ont montré aucun stress sur les taux longs et une tension sur le marché monétaire habituelle en cette période de de l’année ». Les critiques sont surfaites. Pour Stéphane Déo, le principal sujet d’inquiétude cette année sont les 1.000 milliards de dollars de déficit du budget fédéral à financer, qui vont s’ajouter aux tombées non-réinvesties de la Fed de 600 milliards. Le marché devra montrer sa capacité à absorber la totalité, « le risque étant de voir les taux longs se tendre et la courbe des taux se ‘pentifier’ », ajoute le stratégiste de LBPAM.
A plus long terme, moins de désinvestissements que d’investissements sur des durées différentes, le chemin du retour ne devrait pas ressembler à celui de l’aller. Pourtant, des économistes font part de leurs craintes sur l’impact futur du QT sur les marchés. Ils craignent la survenue d’un risque systémique créé par des contraintes de liquidités et réclament un QD (quantitative delay). Le QT est appréhendé comme le miroir ou le symétrique du QE. Exemple : la fuite vers les actifs risqués provoquée par le QE va laisser la place à un délestage de ces mêmes actifs pendant le QT. D’autres poussent le raisonnement plus loin. Le QE et les taux bas ont poussé les entreprises américaines à s’endetter et à investir dans des actifs financiers (rachats d’actions, M&A) et à délaisser les projets d’équipement et de productivité. Faire machine arrière trop loin s’annoncerait problématique. Avec les déclarations de Jerome Powell lors du dernier FOMC, la Fed s’est rangée à ce genre d’arguments en vogue dans le marché.
Parmi les banques centrales du G3 (Etats-Unis, zone euro et Japon), la Fed est la première et, pour l’instant la seule, à avoir entamé le repli de son bilan (de 10 % jusqu’à présent). « Les actifs totaux des banques centrales du G3 exprimés en dollars ont enregistré leur première baisse sur un an en décembre dernier depuis le démarrage du QE de la Banque centrale européenne début 2015 », rappelle Frederik Ducrozet. Il n’empêche que faire maigrir les bilans des banques centrales s’annonce plus compliqué que prévu.

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L'ambassadeur britannique aux Etats-Unis limogé, pour ses liens avec Jeffrey Epstein
Londres - L’ambassadeur britannique aux Etats-Unis, Peter Mandelson, a été limogé jeudi en raison de ses liens avec le délinquant sexuel américain Jeffrey Epstein, un revers de plus pour le Premier ministre Keir Starmer avant la visite d’Etat de Donald Trump au Royaume-Uni. La pression montait depuis plusieurs jours sur Keir Starmer, qui avait nommé il y a moins d’un an cet architecte du «New Labour» de Tony Blair, pour tenter de consolider les liens entre son gouvernement et la nouvelle administration Trump. Des mails entre le vétéran du parti travailliste de 71 ans et le financier américain, mort en prison en 2019, révélés cette semaine, «montrent que la profondeur et l'étendue des relations de Peter Mandelson avec Jeffrey Epstein sont sensiblement différentes de celles connues au moment de sa nomination», a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué. «Compte tenu de cela, et par égard pour les victimes des crimes d’Epstein, il a été révoqué comme ambassadeur avec effet immédiat», a ajouté le Foreign Office. Dans une lettre écrite par Peter Mandelson pour les 50 ans de Jeffrey Epstein en 2003, et publiée en début de semaine par des parlementaires à Washington, le Britannique affirme que le financier américain est son «meilleur ami». Interrogé mercredi après la publication de cette lettre, le Premier ministre Keir Starmer lui avait apporté son soutien, assurant que Peter Mandelson avait «exprimé à plusieurs reprises son profond regret d’avoir été associé» à Jeffrey Epstein. Mais cette position est rapidement devenue intenable. En fin de journée mercredi, des médias britanniques, dont le tabloïd The Sun, ont rapporté que M. Mandelson avait envoyé des mails de soutien à Jeffrey Epstein alors que ce dernier était poursuivi en Floride pour trafic de mineures. Juste avant que M. Epstein ne plaide coupable pour conclure un arrangement dans cette affaire en 2008, Peter Mandelson lui aurait écrit: «Je pense énormément à toi et je me sens impuissant et furieux à propos de ce qui est arrivé», l’incitant à "(se) battre pour une libération anticipée». «Je regrette vraiment très profondément d’avoir entretenu cette relation avec lui bien plus longtemps que je n’aurais dû», avait tenté de se défendre l’ambassadeur dans un entretien diffusé mercredi sur la chaîne YouTube du Sun. Il y a affirmé n’avoir «jamais été témoin d’actes répréhensibles» ou «de preuves d’activités criminelles». «Sérieuses questions» «L’affirmation de Peter Mandelson selon laquelle la première condamnation de Jeffrey Epstein était injustifiée et devait être contestée constitue une nouvelle information», a fait valoir le Foreign Office pour expliquer la décision de le limoger. Dans une lettre au personnel de l’ambassade, citée jeudi soir par la BBC, Peter Mandelson affirme que ce poste a été le «privilège» de sa vie. «Je regrette profondément les circonstances qui entourent l’annonce faite aujourd’hui», ajoute-t-il. Les relations entre Londres et Washington sont «en très bonne posture», se félicite l’ex-ambassadeur, disant en tirer une «fierté personnelle» Pour Keir Starmer, ce départ, à une semaine de la visite d’Etat du président Donald Trump au Royaume-Uni les 17 et 18 septembre, est un nouveau coup dur. Le dirigeant travailliste, au plus bas dans les sondages, a déjà dû se séparer il y a quelques jours de sa vice-Première ministre, Angela Rayner, emportée par une affaire fiscale, ce qui a déclenché un remaniement de taille du gouvernement. Trois fois ministre et commissaire européen, Peter Mandelson était le premier responsable politique nommé ambassadeur à Washington, un poste traditionnellement réservé à des diplomates chevronnés. Cet homme de réseaux et d’influence, surnommé le «Prince des ténèbres», était déjà tombé à deux reprises par le passé en raison d’accusations de comportements répréhensibles ou compromettants. La cheffe de l’opposition conservatrice Kemi Badenoch a fustigé le «manque de courage» de Keir Starmer, qui «a encore échoué à un test de son leadership». Marie HEUCLIN © Agence France-Presse