
La critique environnementale monte contre la BCE

La Banque centrale européenne (BCE) fait de nouveau face à la justice, de manière indirecte, pour l’un de ses programmes d’achats d’actifs. Après les débats sur le caractère proportionnel de son programme d’achat de dettes publiques (PSPP) en Allemagne l’an dernier, c’est au tour de son programme d’achat de dettes d’entreprises (CSSP) d’être attaqué devant les tribunaux en Belgique.
L’organisation de protection de l’environnement britannique ClientEarth a annoncé mardi qu’elle poursuivait la Banque nationale de Belgique pour avoir failli à ses engagements en matière de protection de l’environnement et des droits humains. En cause, le CSSP de la BCE que la banque centrale belge se charge d’appliquer localement et qui, selon ClientEarth, finance beaucoup trop les sociétés polluantes. L’organisation estime que ce programme est «invalide» en raison de son coût pour l’environnement et les droits humains. Faisant écho à l’argumentaire défendu par d’autres ONG telles que Reclaim Finance sur le sujet, ClientEarth soutient que plus de la moitié des achats d’obligations d’entreprises de la BCE bénéficient à des sociétés parmi les plus polluantes.
«En achetant des obligations hautement carbonées, la banque nationale belge fournit un accès au financement à bas coût à certaines sociétés parmi les plus polluantes d’Europe et facilite l’expansion de leurs activités endommageant le climat», explique Me Jamie Sawyer, avocat de ClientEarth.
La Cour européenne de justice devra trancher
La justice belge a déjà transféré la plainte à la cour européenne de justice (CJUE). Elle devra déterminer si le CSSP de la BCE est valide ou non, pour, de fait, déterminer la légalité des achats de la banque nationale belge liés au CSSP.
«Nous soutenons que le programme de la BCE a manqué à son obligation d’évaluer l’impact climatique de l’achat de ces dettes d’entreprises. Si le programme de la BCE est invalidé, ClientEarth demande à la justice belge d’ordonner l’arrêt des achats d’obligations liés au CSSP par la banque centrale belge», précise l’organisation. Sollicitée par L’Agefi, la banque nationale belge n’a pas souhaité commenter l’affaire.
Cette judiciarisation du CSSP intervient alors qu’une revue stratégique de la BCE est attendue à l’automne et que l’institution a récemment établi un centre du changement climatique. Une étude de la BCE publiée en décembre 2020 jugeait qu’un quantitative easing vert était «un outil efficace pour atténuer les émissions nocives» mais aurait un effet limité sur la réduction de la pollution.
Justice climatique
ClientEarth peut-elle à elle seule faire stopper le CSSP de la BCE ? L’Union européenne étant elle-même signataire de l’Accord de Paris, les institutions qui lui sont liées, y compris la BCE, voient leurs responsabilités engagées en matière de lutte contre le changement climatique, explique à L’Agefi Fabrice Cassin, avocat associé au cabinet LPA-CGR et spécialiste du droit de l’énergie et de l’environnement.
«En d’autres termes, la BCE ne peut pas ignorer l’Accord de Paris dans la mise en œuvre de ses programmes d’investissements. Elle doit s’interroger sur les mesures qu’elle prend dans ses attributions pour atteindre le nouvel objectif européen d’au moins 55% de baisse des émissions à 2030 par rapport à 1990. Elle ne devrait pas, en conséquence, financer des entreprises émettrices de gaz à effet de serre, polluantes ou actives dans les énergies fossiles, d’autant plus que la commission européenne promeut le Green Deal. Il y a là une question de cohérence entre les traités internationaux signés par l’UE et la politique des diverses institutions européennes», poursuit-il. Si la BCE peut selon l’avocat se prévaloir de l’excuse de «neutralité de marché», elle doit concilier cet intérêt avec l’impératif de la lutte contre le changement climatique.
Cette affaire s’inscrit aussi dans un contexte plus général d’une justice climatique en pleine expansion. Depuis une dizaine d’années, les associations attaquent Etats et institutions devant les tribunaux pour les contraindre à prendre des mesures pour lutter contre le changement climatique. «On utilise le juge pour qu’Etats et institutions démontrent et tiennent leurs engagements en matière climatique. Un récent rapport des Nations unies recensait 1.500 affaires judiciaires liées au changement climatique dans une quarantaine de pays en 2020 contre 800 en 2017. Le nombre a quasiment doublé en trois ans», souligne Fabrice Cassin.
L’engagement au cœur des débats
La France n’est pas exempte avec entre autres jurisprudences «climatiques», la condamnation du gouvernement en février dernier dans le dossier dit de l’Affaire du Siècle. La première jurisprudence retentissante a été celle obtenue devant le tribunal de La Haye par la fondation Urgenda face au gouvernement des Pays-Bas en décembre 2019. Cette décision, fondée sur le droit à la vie et à mener une vie familiale normale affirmé par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), a obligé le gouvernement néerlandais à prendre des mesures supplémentaires comme la fermeture de centrales à charbon ouvertes en 2015 et 2016 pour être cohérent avec ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre. Mais les succès ne sont pas toujours au rendez-vous pour les ONG, relève Fabrice Cassin, certaines juridictions n’ayant pas jugé pertinentes ces mêmes stipulations de la CEDH.
L’autre question qui se pose derrière cette judiciarisation du climat est celle de la crédibilité de la parole des gouvernements et des institutions publiques, analyse-t-il : «Les juges ne font que s’assurer que les engagements contraignants pris en matière de réduction de gaz à effet de serre et de neutralité carbone traduits dans le droit national ou international sont respectés ou non. Maintenant soit on dit que les objectifs sont trop ambitieux à horizon 2030 et 2050 et on les revoit à la baisse voire on y renonce, soit on prend des mesures concrètes et parfois difficiles pour les atteindre.»
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Paris - Rien ne va plus entre Emmanuel Macron, président en difficulté ne pouvant se représenter, et Gabriel Attal, prétendant à la succession exfiltré de Matignon par la dissolution. Une mésentente au sommet, sur fond de crise politique et d’incertitude sur l’issue du quinquennat. Juillet 2025. Devant les Jeunes avec Macron, Gabriel Attal fait un pas vers la présidentielle. Quelques minutes plus tard, le président débarque, rabroue ceux qui «ne pens(ent) qu'à 2027" et électrise les jeunes militants en lançant avoir besoin d’eux «pour les cinq», «dix ans qui viennent». Mines crispées des attalistes et du premier d’entre eux. Un député s'étonne de «la manière dont le président a humilié Attal». Et ajoute: «il passe son temps à buter tous ceux qui veulent lui succéder». Un classique français ? La Ve République regorge de luttes entre présidents et successeurs potentiels. Surtout issus du même camp. De Gaulle-Pompidou, Giscard-Chirac, Chirac-Sarkozy... Nicolas Sarkozy, source d’inspiration pour Gabriel Attal, certes issu du PS mais dont une partie de l’entourage a fait ses classes à l’UMP, comme son bras droit Maxime Cordier. «Quand Attal a pris le parti après Matignon, il m’a dit: +je vais faire Sarko 2004, avec une grosse convention d’investiture+", relate un député PS. Il s'était déjà emparé du groupe macroniste à l’Assemblée contre la volonté de l’Elysée. Quelques semaines après la dissolution, point d’orgue d’une mésentente qui a débuté quasiment dès son arrivée à Matignon. La nomination du plus jeune Premier ministre de l’histoire était pourtant un coup personnel du président, contre l’avis de nombreux proches. Mais «deux semaines après, son entourage ne fait que nous savonner la planche», affirme un proche de M. Macron. En pleine crise, l’accueil de M. Macron au Salon de l’Agriculture est dantesque. Celui du Premier ministre plus apaisé. «Il lui sabote le Salon car il n’a pas géré la crise», «ça a été le moment où le président a été physiquement le plus en danger du quinquennat», fulmine cette source pour qui, dès lors, «la confiance est rompue». Front républicain L'épisode de la dissolution a été maintes fois raconté: un Gabriel Attal hors de la confidence, informé au dernier moment. Cloîtré vingt-quatre heures durant dans la résidence primo-ministérielle de Souzy-la-Briche (Essonne). Avant de prendre en main la campagne législative. Les premières sorties du président, qui entendait s’en occuper personnellement, sont jugées catastrophiques jusque dans son camp. En coulisses se noue un désaccord profond: le «front républicain» face à l’extrême-droite aux portes de Matignon. «La vérité, c’est que la dissolution était faite pour que (Jordan) Bardella gagne», «pour qu’ils se grillent et qu’on les vire deux ans après». Mais après le premier tour, «Attal et (Stéphane) Séjourné débarquent et disent: +on va sauver la France, tout le monde se retire+" dans les circonscriptions où le RN menace, affirme un cadre macroniste. «Attal me raconte que quand il appelait des mecs pour se désister, l’Élysée passait des coups de fil pour qu’ils se maintiennent», rapporte une source chez Renaissance. «Il avait une trouille absolue: l’image de lui sur le perron de Matignon serrant la main de Bardella», ajoute une ministre. Côté RN, un cadre l’affirme sans ambages: «c’est Attal qui nous a battus aux élections». Depuis, hors des réunions collectives, aucun échange. Dans cette brouille intestine, chacun se rejette la responsabilité. «Macron, il est président jusqu’au bout, quoi qu’en pense Gabriel», s’agace un soutien élyséen pour qui «Gabriel a fait un choix, de s’en distinguer, de s’en détacher, d’oublier d’où il vient». «Créature» «Attal cherche à harmoniser l’idéologie flottante du groupe, mais vous avez le président qui parasite ça par déloyauté personnelle. Tous ceux qui ont du poids sont traités par le président. En permanence, l’autorité d’Attal est minée», nuance un ancien député. L’après-Matignon fut compliqué pour le jeune patron de Renaissance, symbolisé par cette passation-spectacle avec Michel Barnier. Tous les macronistes ont relevé l’absence de ses proches dans le gouvernement Bayrou. Jusqu'à la nomination de Sébastien Lecornu, fidèle du président, quand à Renaissance, on s’inquiétait d’un nouveau Premier ministre issu du parti présidentiel, signe de «surdité démocratiques». Pour sa rentrée dimanche à Arras, M. Attal va continuer à s’affranchir du chef de l’État. A Renaissance, il multiplie les conventions thématiques. «Il reprend un parti qui n’en est pas un et qui n’a pas d’identité. C’est très compliqué», observe un cadre MoDem. Il déroute aussi certains soutiens par ses sorties, comme sur l’interdiction du voile aux mineures ou la «GPA éthique». «Je ne comprends rien. C’est un mystère pour moi», lâche un cadre centriste. Un Insoumis se dit «stratégiquement stupéfait» quand Attal «pourrait occuper un espace plus au centre-gauche». Ira-t-il jusqu’au bout, notamment face à Édouard Philippe ? «Attal ne sera pas président. Les gens ne voteront pas une troisième fois pour Macron». Car malgré la mésentente, «il en est la créature», juge un cadre d’Horizons. Baptiste PACE © Agence France-Presse -
Cyberattaque sur le logiciel MUSE : plusieurs aéroports européens touchés
Londres - Les aéroports européens de Bruxelles, Heathrow à Londres, et Berlin, sont perturbés samedi en raison d’une cyberattaque sur un logiciel fourni par une entreprise pour l’enregistrement des passagers, qui ont dû parfois attendre de longues heures avant de pouvoir effectuer cette formalité. «Nous sommes informés d’une perturbation d’origine cyber sur notre logiciel MUSE dans plusieurs aéroports», a indiqué l’entreprise Collins Aerospace dans une courte déclaration, ajoutant que l’impact «se limite à l’enregistrement électronique des clients et au dépôt des bagages». L’entreprise n’a pas donné plus de précision sur les modalités et l’origine de cette cyberattaque. Sur son site internet, l’aéroport de Bruxelles a précisé que cette «cyberattaque» s'était produite «vendredi soir». «Cela a eu des conséquences importantes sur le programme de vols et entraînera malheureusement des retards et des annulations», a-t-il ajouté. «La situation n’est pas résolue» samedi en mi-journée, a précisé l’aéroport à l’AFP, précisant qu’en milieu de matinée au moins 10 vols avaient été annulés et 17 vols connaissaient un retard de plus d’une heure, l’enregistrement et l’embarquement devant se faire de manière manuelle. Selon des images filmées par l’AFP, d’importantes files d’attente s'étaient formées près des guichets d’enregistrement. A Londres, à l’aéroport de Heathrow, principal aéroport international de la capitale, de longues queues sont également visibles devant la plupart des guichets, a contasté une journalite de l’AFP. L’aéroport a indiqué être également concerné par ces perturbations. «Il nous ont dit que le système ne fonctionnait pas (...) Il y a toujours beaucoup de monde mais aujourd’hui il y en a beaucoup plus», affirme Rowan, une architecte de 41 ans, qui devait s’envoler à 14h45 (13h45) pour l’Arabie saoudite. Une passagère algérienne de trente ans, qui n’a pas souhaité donner son nom, affirme attendre depuis plus d’une heure pour enregistrer son bagage. «Ca ne bouge pas du tout. Ils disent qu’ils doivent tout faire manuellement», dit-elle inquiète de rater son vol vers son pays. Maria Casey, originaire du Hampshire, devait partir samedi matin sur un vol Etihad pour la Thailande, via Abu Dhabi. Elle raconte avoir dû faire la queue pendant trois heures pour pouvoir enregistrer ses bagages. «Ils ont dû écrire nos étiquettes à la main», a-t-elle dit à l’agence PA. «Il y avait seulement deux guichets ouverts, nous étions furieux», ajoute-t-elle. Formalités rallongées Selon la BBC, l’organisme de surveillance du secteur aérien Eurocontrol a indiqué que les compagnies aériennes ont été appelées à annuler la moitié de leurs vols au départ et à destination de l’aéroport entre 4H00 GMT samedi et 02H00 GMT dimanche, à cause de cet incident. Heathrow conseille aux passagers de vérifier la situation de leur vol avec leur compagnie aérienne et de venir très en avance pour avoir le temps d’effectuer les formalités d’enregistrement. Sur son site internet, l’aéroport de Berlin indique aussi être touché par ce «problème technique chez un fournisseur». En revanche, le groupe ADP, qui gère notamment les aéroports parisiens de Roissy-Charles de Gaulle et Orly, a indiqué à l’AFP ne pas être concerné par cet incident. Collins Aerospace dit travailler à résoudre l’incident «aussi vite que possible». La société, spécialiste notamment du traitement des données dans l’aéronautique, est une filiale du groupe aémricain d’aéronautique et de défense RTX (ex-Raytheon). Des cyberattaques et pannes numériques ont perturbé le transport aérien dans le monde ces dernières années, le secteur dépendant de plus en plus de systèmes digitalisés. Dans un récent rapport sur la menace cyber dans le secteur aérien le groupe de défense et de technologies Thales faisait était de 27 cyberattaques au rançongiciel entre janvier 2024 et avril 2025 ans l’aviation, soit une hausse de 600% sur un an, visant les companies aériennes, les aéroports, les systèmes de navigation ou encore les sous-traitants. En juillet dernier la compagnie aérienne australienne Qantas a été ciblé par des hackers, qui ont pénétré dans un système abritant les données sensibles de six millions de ses clients. En décembre 2024, la compagnie Japan Airlines, avait également été visée. Akshata KAPOOR et Marie HEUCLIN © Agence France-Presse -
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