
La Cour des comptes européenne veut lever les freins à un marché unique des fonds

Depuis 1985, la Commission européenne s’est attelée, à travers de multiples directives, à modeler un environnement juridique favorable à la libre circulation des fonds d’investissement. Pourtant, le cadre réglementaire actuel n’a pas atteint son objectif de créer un marché unique des fonds d’investissement, estime la Cour des comptes européenne dans un rapport publié le 21 février.
Pour les auteurs du document, le régime de passeport européen de gestion et de commercialisation des fonds a unifié en théorie les marchés, mais cela ne se traduit que trop rarement dans les faits. « Il n’existe pas de réelle activité transfrontalière et […] les avantages pour les investisseurs restent limités », analysent-ils. Selon les statistiques de 2021 de l’association des gérants européens Efama, que les auditeurs ont retraitées, les deux tiers des fonds sont encore domiciliés et/ou vendus uniquement à l’intérieur de leurs frontières, contre 73% dix ans plus tôt. Dans le même temps, un nombre limité de juridictions concentre la grande majorité des fonds transfrontaliers. Il s’agit, sans surprise, de l’Irlande, du Luxembourg, de Malte et de Chypre. Le rapport ne prend pas en compte les fonds faussement transfrontaliers, qui sont vendus uniquement dans un seul pays « étranger » où se trouve en réalité leur promoteur.
La Cour note que « les baisses des frais de gestion grâce à la concurrence et l’innovation, ou l’accès à davantage de produits, ne se sont pas concrétisées » pour l’investisseur final. Comparés à ceux des fonds du marché américain, les coûts en Europe lui semblent encore élevés, et trop différents entre les Etats. Elle impute cette situation à une moindre représentation des fonds indiciels cotés sur le Vieux Continent, ainsi qu’à la taille moyenne plus modeste des véhicules européens.
Les fonds d’investissement ne sont toutefois pas casaniers par nature, veut croire la Cour. Leur libre circulation au sein de l’Union lui semble être bloquée par des distorsions des cadres réglementaires nationaux et de la présence de barrières à l’entrée des différents marchés.
Gouvernance de l’Esma
Les auteurs ont ainsi décelé des problèmes de cohérence et d’efficacité dans la surveillance des fonds. L’Autorité européenne des marchés financiers (Esma), qui promeut la convergence en matière de surveillance au sein de l’Union, fait parfois face à une mauvaise volonté des régulateurs nationaux, qui ne sont pas toujours obligés de participer aux travaux communs. Elle n’a, notamment, « été que partiellement efficace dans ses efforts pour promouvoir le bon fonctionnement des passeports de commercialisation et de gestion de l’UE », et « n’a pas réussi à éliminer les pratiques de surveillance qui créent des obstacles à l’entrée sur le marché », souligne le rapport.
Les régulateurs nationaux ne jouent pas non plus le jeu en ce qui concerne la publication des résultats des mesures de surveillance communes. « Les rapports finaux relatifs à ces mesures n’ont jamais été publiés », regrettent les auditeurs. Ceux-ci estiment par ailleurs que la présence des régulateurs nationaux dans les instances dirigeantes de l’Esma peut être un frein à une meilleure convergence. La Cour recommande donc à la Commission européenne de proposer des modifications de la structure de gouvernance de l’Esma, de simplifier la collecte des données et de mettre à jour les régimes de déclaration. Elle demande aussi à l’Esma d’accroître l’efficacité de ses travaux de convergence.
Arbitrages
Cette désunion réglementaire pourrait également être évitée si la Commission européenne modifiait son approche législative. Le mode actuel, qui consiste à publier des directives, a engendré un « nivellement par le bas » du cadre réglementaire et a favorisé des interprétations très différentes selon les juridictions.
« Les pays qui se contentent de transposer les exigences minimales contenues dans les directives disposent d’un avantage concurrentiel en tant que pays de domicile par rapport à ceux qui appliquent des normes plus sévères. Conjuguée à un régime fiscal favorable et à la possibilité de transférer les bénéfices, cette situation incite fortement le secteur des fonds d’investissement à rechercher les conditions les plus favorables, ce qui entraîne des distorsions de concurrence », juge le rapport. Pour répondre à ce problème, la Cour fait observer à la Commission que les règlements pourraient constituer des outils « plus appropriés pour créer des conditions de concurrence équitables dans l’UE ».
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse