
Euro, une ambiguïté française

L’euro a 20 ans, et pour paraphraser Paul Nizan, on ne laissera personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. Pour une monnaie aussi, ce pourrait être l’âge le plus dangereux où l’indulgence s’effrite, où commencent à compter engagements non tenus et renoncements. L’euro, c’est vrai, a tenu beaucoup de ses promesses : outil d’une grande résistance dans les épreuves qui n’ont pas manqué, il n’a cessé d’attirer de nouveaux membres qui y ont vu, comme ses concepteurs, une chance de donner à leurs économies une stabilité inespérée. Leur récompense a souvent été, comme l’espérait l’un des inspirateurs de l’euro, le Prix Nobel Robert Mundell, « transparence des prix, stabilité des anticipations, baisse des coûts de transactions ». L’Europe ne serait plus la première puissance commerciale du monde si elle ne s’était dotée d’une telle arme monétaire.
Puissamment soutenue par une BCE à la hauteur de sa tâche, l’euro ne le cède qu’au dollar parmi les monnaies internationales. Le degré de confiance parmi ses utilisateurs est historiquement élevé, même dans les pays où les clameurs populistes sont les plus vives, et dans ceux qui, comme le Portugal ou la Grèce, ont le plus durement appris que l’ère de la compétitivité maintenue à coups de dévaluations était bien close. Le dernier baromètre en la matière est clair : la confiance des Européens dans la monnaie unique est au plus haut depuis une décennie, à 64 %, et la défiance au plus bas, à 25 %. Voilà un beau sujet de réflexion pour ceux qui rêvent encore d’enterrer l’Europe.
Pour autant, on ne peut se cacher que l’euro est en danger. Largement dépendante de ses objectifs commerciaux, l’Europe n’a rien à gagner au recul de la cause multilatérale dans le monde ; la monnaie unique non plus. En outre, alors que nombre de ses partisans voyaient en l’euro une machine à faire converger les économies de ses membres, la convergence initiale de leurs taux de marchés a trompé tous les observateurs. En 2012, le réveil a été violent, et le pire, c’est que même depuis la crise grecque, les économies ne convergent pas. Au contraire, les tentations de s’affranchir des règles communes sont partout, au sein de gouvernements eurosceptiques mais aussi, hélas, chez certains de ses partisans les plus affichés, comme la France.
C’est pourquoi, à quelques mois d’échéances électorales capitales pour l’Europe, Paris a une responsabilité première quant à l’avenir de l’euro. A vouloir à tout prix donner priorité à la réforme de la gouvernance de la monnaie unique avant celle de la remise en ordre de ses finances publiques, l’équipe Macron fait fausse route. Tant que le chiffre de 3 % sera tenu pour acceptable et non pour un repoussoir, la France affaiblira l’euro au lieu de le renforcer. Jamais le partenaire allemand n’acceptera plus d’intégration monétaire et fiscale tant que son grand partenaire sera à la merci d’un retournement conjoncturel. Œuvrer pour l’euro, c’est d’abord lever l’ambiguïté. S’il est un vœu à formuler pour 2019, c’est que Paris s’y résolve clairement, Gilets jaunes ou pas.
L’Agefi Hebdo souhaite une excellente année 2019 à ses lecteurs.
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