
LBO, un univers de controverses

Il convient de distinguer trois types de private equity. Cette distinction est extrêmement importante car les enjeux diffèrent selon ces trois types. Le premier est le capital-risque (VC). Les VC injectent des fonds propres dans de jeunes entreprises et fournissent des conseils à l’entrepreneur. Le capital-risque ne fait l’objet d’aucune controverse sociétale majeure. Au contraire, il est le chouchou des citoyens et de leurs représentants. La plupart des pays accordent des subventions importantes au secteur du capital-risque, directement ou indirectement, au motif qu’il stimule l’innovation et, partant, la croissance du PIB et l’emploi. Cette causalité entre les investissements en capital-risque et les avantages pour la société n’est étayée par aucune preuve empirique solide ; il s’agit surtout d’une croyance communément admise, mais qui semble assez inoffensive.
La deuxième catégorie est le capital croissance (growth capital). Il s’agit du type de capital-investissement le plus répandu dans tous les pays du monde, à l’exception des Etats-Unis et du Royaume-Uni. Ces fonds injectent des capitaux dans des entreprises (généralement) rentables qui ont le potentiel de se développer de manière significative. Ils ne prennent généralement pas le contrôle de l’entreprise, mais influencent son destin en tant qu’actionnaire principal. On pourrait regrouper cette catégorie avec celle du capital-risque, car les deux sont assez proches en termes de
caractéristiques principales. Le capital croissance n’est pas aussi séduisant que le VC, mais assez populaire dans l’ensemble.
Le péché originel du LBO
Le troisième type est constitué des fameux LBO. Les leveraged buy-out sont les plus courants aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, mais d’importants LBO ont eu lieu dans d’autres pays, dont la France. Dès sa naissance, il a été controversé et a reçu de nombreux surnoms, des barbares aux sauterelles. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas aimé du public. Pourquoi ? Tout d’abord, contrairement aux deux autres types, une transaction LBO est principalement une transaction sur le marché secondaire, ce qui signifie qu’un actionnaire remplace un autre actionnaire. Il n’injecte pas beaucoup d’argent frais dans l’entreprise dont il prend le contrôle. Ensuite, les fonds prennent le contrôle total de l’entreprise et le font avec beaucoup de dettes. Le tour de force est assez subtil : la dette qu’ils utilisent ne pèse pas sur eux, mais sur l’entreprise qu’ils ciblent. Supposons que je veuille prendre le contrôle de Carrefour par le biais d’un LBO. J’ai besoin d’un total de 25 milliards d’euros, et Carrefour a un Ebitda de 4 milliards d’euros. Je vais créer une société écran qui recevra 5 milliards d’euros de liquidités de mes investisseurs (fonds propres) et qui empruntera 20 milliards d’euros (cinq fois l’Ebitda). Avec ces 25 milliards, la société écran rachète l’ensemble de Carrefour, mais cette société est désormais Carrefour et c’est ainsi que la dette que j’ai contractée est inscrite dans les comptes de Carrefour. Si je vends, la dette – et le problème – resteront chez l’entreprise. Cette opération signifie que si la valeur de Carrefour augmente de seulement 5 milliards, à 30 milliards d’euros, je fais un malheur parce que mes capitaux propres ont doublé de valeur grâce à l’effet de levier. En revanche, si Carrefour perd seulement 5 milliards, il est pratiquement en faillite.
Les LBO sont des cas d'école en matière d'économie : les entreprises maximisent leurs profits
Bien sûr, cela signifie que je perds mon capital, mais beaucoup d’autres personnes en souffriront aussi. Et si tout s'était bien passé, j’en aurais beaucoup profité, alors que le reste de la société n’aurait pas vraiment partagé mes gains. C’est un premier point de tension avec la société. Mais le plus aigu survient lorsque j’ai gagné de l’argent et que, plus tard, l’entreprise fait faillite. Par exemple, supposons que l’Ebitda de Carrefour ait augmenté d’un milliard d’euros et sa valeur de 5 milliards. Dans cette situation, il est courant d’obtenir une dette supplémentaire. Les prêteurs multiplient l’Ebitda par cinq et sont maintenant prêts à m’accorder 5 milliards d’euros de dette supplémentaire. Carrefour emprunte alors ce montant et verse un dividende de 5 milliards : c’est ce qu’on appelle un dividend recap. Dans mon exemple, j’ai en fait récupéré ma mise de départ, car j’avais investi (enfin, mon fonds) 5 milliards d’euros de fonds propres. Mais dorénavant Carrefour porte 25 milliards d’euros de dettes. Une hausse des taux d’intérêt (s’ils n’ont pas été couverts), une pandémie, un ralentissement économique, la concurrence en ligne, tout événement, même petit, peut entraîner la faillite. Inévitablement, certaines entreprises rencontrent des difficultés, les gestionnaires du LBO gagnent de l’argent et l’entreprise coule. L’opinion publique est alors furieuse. Il y a eu un certain nombre d'épisodes de ce genre dans le monde.
Cependant, compte tenu du risque qu’ils prennent, les LBO qui échouent sont étonnamment peu nombreux. Cela s’explique par une autre caractéristique essentielle de ces transactions. Les dirigeants sont couverts d’or si l’opération fonctionne, mais perdent leurs propres économies dans le cas contraire. Les LBO sont des cas d'école en matière d'économie : les entreprises maximisent leurs profits. Le management se concentre entièrement sur la maximisation des profits. Malgré la croyance populaire, ce n’est généralement pas le cas pour les sociétés cotées en Bourse ou les entreprises familiales. Dans le cadre d’un LBO, les dirigeants achètent une tranche très junior de capitaux propres avec leur propre argent, et ce au juste prix. Cela signifie que toutes sortes de miracles se produisent parce que la direction est obsédée par la rentabilité.
Mais, tout compte fait, cela signifie-t-il que les fonds LBO gagnent beaucoup d’argent, ou pas ? Ils en gagnent, mais moins que ce que les commerciaux affirment à longueur de journée. La raison n’en est pas tant les faillites que les frais gigantesques qu’ils prélèvent. Tous facturent des frais de 2-20, mais ce sont les notes de bas de page qui comptent. Les fonds les plus connus, par exemple les grands fonds américains, auront tendance à facturer beaucoup, les fonds LBO français beaucoup moins. Pour donner un ordre de grandeur, 2 % de frais de gestion sont en général prélevés sur le capital engagé et non investi. Avec la présence de quelques autres frais, les management fees (la partie fixe) s'élèvent à environ 3 % par an. Brut de frais, les fonds LBO ont en moyenne, aux Etats-Unis comme en Europe, un rendement d’environ 20 % par an, ce qui est énorme à tous points de vue. Si l’on soustrait 3 % de ce chiffre et que l’on prend la participation (carry) de 20 % du rendement net (17 %), on obtient 3,4 % de carry. Ce qui donne des frais totaux de 6,4 % et un rendement net de frais de l’ordre de 13 % à 14 %. Ces chiffres sont désormais largement acceptés. Nous disposons de suffisamment de bases de données pour connaître le rendement, nous sommes moins sûrs des frais parce qu’ils sont bien cachés, mais différentes méthodes donnent cette fourchette de 6 % à 7 %. Là encore, le chiffre se situera sous la limite inférieure pour un fonds LBO français et légèrement au-dessus pour un célèbre fonds américain, mais nous n’en sommes pas tout à fait sûrs.
Indice de référence
La controverse réside dans l’indice de référence. Les commerciaux s’empresseront de souligner que des rendements de 13 % sont bien supérieurs au rendement des actions cotées en Europe, quel que soit l’horizon, et ils ont raison. Le problème est que nous comparons des pommes et des oranges. Les indices boursiers européens reflètent principalement quatre secteurs, les banques et les compagnies pétrolières représentant une part particulièrement importante. De même, du point de vue des pays, de nombreuses actions européennes sont basées en Suisse, par exemple. Mais les LBO européens investissent beaucoup dans la technologie et les petites entreprises du secteur de la santé, et la Scandinavie est relativement importante en termes de volume de LBO. Il n’est donc pas vraiment judicieux de comparer les rendements des actions cotées et non cotées en Europe. Personne n’a effectué d’analyse approfondie, mais il est certain que les rendements des LBO européens ne sont pas mauvais. Ils n’atteignent cependant pas les 20 %-30 % souvent affichés par les commerciaux.
La plupart des consultants et des commerciaux se contentent de mélanger les LBO américains et européens et de les comparer au MSCI World, dont les rendements sont bas
Aux Etats-Unis, la comparaison est plus facile parce qu’il y a beaucoup d’actions technologiques cotées. Le marché boursier est plus diversifié. A partir du millésime 2006, les rendements des fonds d’actions cotées et du private equity aux Etats-Unis ont été très proches. Avant 2006, cela dépend de l’indice de référence, car les grandes capitalisations boursières américaines ont connu la pire décennie du siècle entre 1998 et 2008. Les fonds LBO n’investissent pas dans les grandes capitalisations. Cela n’empêchera évidemment pas les commerciaux d’utiliser les indices large cap d’avant 2006 pour comparer les rendements des LBO et affirmer que ces derniers sont bien plus élevés. Si nous prenons n’importe quel indice de petites et moyennes capitalisations aux Etats-Unis, à l’exception d’un seul qui a été construit pour être une référence basse (et c’est pourquoi les vendeurs adorent l’utiliser : le Russell 2000, dont la méthodologie a été modifiée récemment), les rendements des LBO étaient également similaires à ceux des actions américaines avant 2006. Aujourd’hui, la plupart des consultants et des commerciaux se contentent de mélanger les LBO américains et européens et de les comparer au MSCI World, dont les rendements sont bas en raison de la faiblesse des rendements des actions européennes et de l’appréciation du dollar américain. En résumé, si les gens peuvent choisir leur indice de référence et gagner beaucoup d’argent en vendant des produits coûteux, ils ne manqueront pas de montrer que les produits coûteux sont excellents.
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L’icône «Super Mario Bros.», qui a révolutionné l’industrie du jeu vidéo, fête ses 40 ans
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Vivement concurrencé sur l'IA, Apple va dévoiler sa nouvelle gamme d'iPhone
San Francisco - La présentation de la nouvelle gamme d’iPhone est attendue mardi dans la Silicon Valley, à l’heure où la guerre commerciale sino-américaine renchérit les coûts de production d’Apple, sous pression pour rattraper son retard dans l’intelligence artificielle (IA). Comme à son habitude, le constructeur californien est resté silencieux sur le contenu de l'événement organisé à son siège de Cupertino, au moment où il dévoile sa nouvelle génération d’iPhone, moteur de ses revenus. Malgré la position dominante des iPhone dans le haut de gamme, Apple doit encore prouver qu’il peut suivre le rythme dans la course à l’IA générative. «Apple est vu comme étant un retardataire dans la grande fête de l’IA, ce qui représente un défi majeur» pour le géant technologique, notent les analystes de l’agence Canalys. Les smartphones rivaux, dotés du système Android soutenu par Google, «ont massivement amélioré l’intégration de l’IA» tandis que «le déploiement plus lent d’Apple» a poussé des consommateurs à retarder l’achat d’un nouvel iPhone, poursuit la note. Il y a moins d’un an, Apple a lancé ses fonctionnalités d’IA, «Apple Intelligence», qui ont déçu les utilisateurs, notamment les améliorations de l’assistant vocal, Siri, jugées trop minimes. Selon certains médias, l’entreprise prévoirait d’intégrer l’IA dans la recherche en ligne en 2026, en parallèle d’une refonte de Siri, mais ces affirmations n’ont pas été confirmées. Apple travaillerait aussi sur un partenariat avec Google pour améliorer son expertise en recherche et IA, selon d’autres articles de presse. «Je serai surpris s’il y a une annonce majeure sur la stratégie IA d’Apple», prévient Thomas Husson, analyste chez Forrester. «J’ai peur que l’approche d’innovation incrémentale d’Apple avec l’iPhone 17 commence à atteindre ses limites - surtout pour ceux qui ont soif de plus d’innovation», estime-t-il dans une note. Ultra-fin L’attraction principale mardi devrait être les nouveaux modèles d’iPhone, en particulier une variante ultra-fine nommée «Air». La plupart des observateurs y voient un pivot stratégique: Apple mise sur la finesse plutôt que sur la taille d'écran pour garder la main sur le marché haut de gamme. Un iPhone ultra-fin pourrait aussi préparer le terrain à une version pliable, dans les années à venir. Qui devrait toutefois affronter deux défis: une surcoût de production pour la prouesse technique et la réduction de l’espace pour la batterie. Les prix des nouveaux iPhone devraient augmenter aux Etats-Unis en raison des droits de douane imposés par le président Donald Trump, qui alourdissent les coûts de production en Chine, toujours le principal centre de fabrication de la marque à la pomme. «Apple navigue dans un équilibre délicat entre ses deux plus grands marchés - les États-Unis et la Chine - au milieu de tensions commerciales croissantes», souligne Canalys. L’impact financier de cette guerre commerciale est déjà considérable: le PDG Tim Cook a dévoilé que les droits de douane ont coûté 800 millions de dollars à Apple au dernier trimestre, avec un manque à gagner estimé à 1,1 milliard de dollars pour le trimestre en cours. Glenn CHAPMAN et Benjamin LEGENDRE © Agence France-Presse -
Népal: levée du blocage des réseaux sociaux après des manifestations meurtrières
Katmandou - Le gouvernement népalais a rétabli mardi le fonctionnement des réseaux sociaux et ordonné une enquête au lendemain de la mort lundi de 19 personnes lors de manifestations contre leur blocage sévèrement réprimées par la police. A l’issue d’une réunion d’urgence, le Premier ministre KP Sharma Oli a promis dans la nuit qu’une commission chargée «d’analyser les événements (...) leur déroulement et leurs causes» rendrait des conclusions «sous quinze jours pour empêcher que de tels accidents se reproduisent». Le chef du gouvernement s’est dit «profondément attristé» par ce qu’il a qualifié de «tragique incident». Dès le petit matin mardi, la plupart des plateformes de réseaux sociaux étaient à nouveau opérationnelles, a constaté une journaliste de l’AFP. Cité par les médias locaux, le ministre de la Communication Prithvi Subba Gurung a confirmé que le gouvernement avait levé le blocage lors d’une réunion d’urgence qui s’est tenue lundi soir. La semaine dernière, son administration avait suspendu 26 plateformes, dont Facebook, Youtube, X et Linkedin, qui ne s'étaient pas enregistrées auprès de lui dans les délais, provoquant la colère et la frustration de millions de leurs usagers. Lundi matin, des milliers de jeunes se sont rassemblés dans les rues de Katmandou et d’autres villes pour exiger le rétablissement de leur réseau favori et dénoncer le fléau de la corruption qui, selon eux, mine le petit pays himalayen. Tirs à balles réelles A Katmandou, la situation a dérapé lorsque les forces de l’ordre ont empêché le cortège de s’approcher du parlement avec force gaz lacrymogènes, canons à eau, matraques, balles en caoutchouc et tirs à balles réelles, selon des journalistes de l’AFP et des témoins. Au moins 17 manifestants ont été tués et plus de 400 personnes, dont une centaine de policiers, blessées dans la capitale, selon un bilan du porte-parole de la police, Shekhar Khanal. «La situation a été causée par l’infiltration dans le cortège d'éléments animés par divers intérêts personnels», a affirmé le Premier ministre. Deux autres personnes ont été tuées lors d’une manifestation dans le district de Sunsari, dans l’est du Népal, ont rapporté les médias locaux. «Les gens jetaient des pierres quand, soudain, j’ai été touché par une balle», a raconté lundi à l’AFP Ronish Regmi, un étudiant de 20 ans hospitalisé dans la capitale. «Quand j’ai repris mes esprits, j'étais dans une ambulance», a-t-il ajouté. «Le gouvernement n’a pas hésité à recourir à la force», a rapporté un autre blessé, Iman Magar, 20 ans. «Ce n'était pas une balle en caoutchouc mais une balle en métal et elle a emporté une partie de ma main», a-t-il poursuivi. Amnesty International a exigé «une enquête complète, indépendante et impartiale» sur les circonstances de l’intervention de la police. La porte-parole du bureau des droits de l’Homme de l’ONU, Ravina Shamdasani, a fait de même, se déclarant «choquée par les morts et les blessés». Protection Le gouvernement avait annoncé jeudi le blocage des réseaux sociaux en application d’un arrêt rendu en 2023 par la Cour suprême exigeant qu’elles nomment un représentant local et une personne chargée de réguler leurs contenus. «Le gouvernement ne souhaitait pas bloquer l’usage des médias sociaux», a répété le Premier ministre dans sa déclaration. «Il souhaite simplement protéger le cadre de leur utilisation», a-t-il insisté, «ce n'était pas la peine de manifester pour ça». Motivées initialement par le blocage, les manifestations de lundi ont largement viré à la dénonciation de la corruption des autorités. «Nous dénonçons aussi la corruption institutionnalisée au Népal», a déclaré lundi à l’AFP un étudiant, Yujan Rajbhandari, 24 ans, qui défilait dans les rues de Katmandou. «Cette décision traduit les pratiques autoritaires du gouvernement et nous voulons que ça change», a renchéri un autre, Ikshama Tumrok, 20 ans. Depuis l’entrée en vigueur du blocage, les plateformes encore en service, comme Tik Tok, sont inondées de vidéos mettant en cause la vie luxueuse des enfants de responsables politiques. Le blocage décrété la semaine dernière n’est pas inédit au Népal. En juillet dernier, le gouvernement avait déjà suspendu la messagerie Telegram en raison, selon lui, d’une hausse des fraudes en ligne. pm-pa/lgo © Agence France-Presse