Le nouveau règlement sur les subventions étrangères bouscule les processus M&A

Sous-tendu par la volonté de corriger les déséquilibres entre les aides d'État de l’UE et les subventions étrangères aux entreprises opérant dans l’UE, ce texte renforce le contrôle des autorités de la concurrence.
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Le régulateur européen veut que la concurrence ne soit plus faussée sur le marché intérieur au sein de l’UE.  - 

Il sera applicable pour les opérations dont le closing est prévu dès le 12 octobre prochain. Le nouveau Règlement sur les subventions étrangères, approuvé par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne (UE) en un temps record, en juin 2022, va perturber les processus de fusions-acquisitions.

Sous-jacente à ce règlement, la philosophie du régulateur européen consiste à corriger l’inégalité de traitement entre les aides d’État fournies par les pays membres de l’UE et les subventions étrangères accordées par des États non européens aux entreprises établies dans l’UE. Celles-ci étaient susceptibles de fausser la concurrence sur le marché intérieur et échappaient jusque-là au radar de la Commission européenne. Le tir est désormais rectifié.

Un contrôle de plus en plus accru

Les autorités européennes de concurrence ne cessent de resserrer l’étau sur le contrôle des opérations de fusions-acquisitions (M&A). Le retour du contrôle a posteriori des concentrations inquiétait déjà les acteurs du marché. Alors que les opérations de M&A et de private equity nécessitent une certaine prévisibilité et de la sécurité juridique, la Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 16 mars 2023, a réhabilité le contrôle a posteriori. Aux termes de cette décision, une opération passant sous les seuils européens et nationaux de contrôle ex ante, peut être remise en cause ex post par une autorité de concurrence nationale si elle soulève des problèmes de concurrence.

Avec ce nouveau dispositif, la Commission européenne vient rajouter une couche. «Nous assistons aujourd’hui à un renforcement considérable du contrôle des concentrations par les autorités de concurrence qui génère une charge supplémentaire importante, mais surtout une incertitude juridique et un impact sur le timing des opérations pour les acteurs du marché», regrette Charlotte Colin-Dubuisson, avocate associée chez Linklaters. Ainsi, l’accumulation des outils mis à la disposition des autorités de concurrence - un arsenal déjà bien fourni - rend assez compliquée la réalisation des opérations de fusion et d’acquisition (M&A).

Des processus M&A bousculés

Ce nouveau dispositif vient bousculer le calendrier des opérations M&A qui doivent désormais composer avec une charge administrative supplémentaire. Les acteurs du marché se sont certes préparés en conséquence mais «l’examen en amont de l’applicabilité du règlement, l’identification des subventions qui entrent dans le champ d’application de celui-ci, des entités ayant octroyé et reçu ces contributions et le niveau d’informations à fournir peuvent prendre plusieurs mois », pointe Charlotte Colin-Dubuisson. Cet exercice d’analyse colossal devra de surcroit être suivi d’un travail de mise à jour.

Désormais, les opérations dans lesquelles la cible ou l’entreprise commune génère un chiffre d’affaires au sein de l’UE supérieur à 500 millions d’euros, et où le montant cumulé des subventions étrangères reçues par les parties à l’opération dépasse 50 millions d’euros, seront assujetties à une notification obligatoire et suspensive auprès de la Commission. «Cela concerne tous les acteurs, qu’ils soient des industriels ou des investisseurs financiers. Par ailleurs, quand bien même le chiffre d’affaires de la cible généré au sein de l’UE ne représenterait qu’une petite part du chiffre d’affaires mondial, l’opération sera assujettie à cette notification suspensive si ces seuils sont franchis », souligne Mehdi Boumedine, avocat associé chez Linklaters.

Tous les acteurs ne sont pas pareillement armés. «Les acheteurs qui n’auraient pas fait cette analyse en amont d’un processus de vente compétitif pourraient se retrouver lésés», poursuit-il.

A lire aussi: Contrôle des subventions étrangères : le casse-tête de Bruxelles

Au-delà du caractère nouveau et du manque de recul, ce nouveau règlement suscite des problèmes de mise en œuvre, car l’étendue du champ d’application est très large. Si La Commission européenne a précisé certaines modalités de contrôle des subventions étrangères, des zones d’ombres subsistent. Les notifications commenceront le 12 octobre prochain, il ne reste plus qu’à surveiller comment ces domaines d’incertitude seront dissipés.

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