
Banques, le nouvel équilibre

Reprise de SG Capital Europe par son équipe d’investissement en 2009, cession d’Ixen, NI Partners et Initiative & Finance par Natixis en 2010, vente de Crédit Agricole Private Equity en 2012 par la banque verte…Dans le sillage de la crise et du durcissement des contraintes réglementaires, les banques ont réduit la voilure dans le capital-investissement. « L’activité est consommatrice de fonds propres, et si le rendement peut in fine être correct, elle impose une immobilisation assez longue. La rentabilité est donc directement dépendante de la volonté ou non du régulateur de favoriser l’intervention des banques dans le capital des entreprises », estime Bertrand Corbeau, directeur général adjoint de Crédit Agricole SA, en charge du pôle développement, client et innovation. Dans le cadre d’investissements directs, « si les participations prises sont minoritaires et diversifiées au sein du portefeuille, la pondération des encours s’élève à 190 % dans le calcul du risque. Cette pondération grimpe à 370 % dans le cas d’engagements majoritaires ou non diversifiés, nécessitant de doubler la performance pour obtenir un rendement similaire », détaille François Rivolier, responsable de Société Générale (SG) Capital Partenaires.
Les banques se sont donc adaptées, redéveloppant cette classe d’actifs en privilégiant les prises de participations minoritaires. « Elles reviennent sur le private equity et tendent à accroître leur exposition globale, en augmentant notamment les tickets d’investissement », observe Jean-Christel Trabarel, associé de la société de conseil Jasmin Capital, ajoutant que l’activité présente l’avantage de dégager des rendements dépassant les 10 %. Une performance notable dans l’environnement actuel de taux bas. Par ailleurs, « le private equity représente un vrai enjeu en termes d’image pour les banques, qui peuvent ainsi mettre en avant leur rôle dans le financement de l’économie réelle », poursuit Jean-Christel Trabarel.
Si certains acteurs comme Naxicap Partners (Natixis) développent une vraie stratégie à l’égard de la classe d’actifs, l’objectif des banques repose essentiellement sur un développement de l’offre client. « Le private equity constitue une brique complémentaire au dispositif mis en place pour mieux accompagner le chef d’entreprise », synthétise Nicolas Contat, en charge du capital-investissement pour le réseau des Caisses d’Epargne. « Le capital-investissement est un outil d’accompagnement de notre cœur de clientèle, que sont les PME », appuie Olivier Mespoulet, responsable ingénierie financière au sein des Banques Populaires. « Il s’agit d’une activité rentable, assortie d’un fort potentiel de synergies et de perspectives de gains de parts de marché significatifs pour Société Générale », enchaîne François Rivolier.
A chacun son modèle
Les modèles choisis diffèrent selon chaque histoire et positionnement. Le Crédit Agricole représente l’un des principaux acteurs avec plus de 3,5 milliards d’euros sous gestion directe (plus de 15 milliards d’euros en intégrant CA Assurances et l’activité fonds de fonds d’Amundi) à fin 2017. Le dispositif de la banque intègre dix-huit sociétés d’investissement en régions (un milliard d’euros gérés), auquel s’ajoute Idia Capital Investissement, structure nationale dédiée au capital-développement (1,4 milliard d’euros gérés) et Amundi (1,2 milliard sous gestion directe pour compte de tiers). « Les sociétés de capital-investissement du groupe et CA Assurances injectent environ 700 millions d’euros par an en rythme de croisière dans les participations minoritaires », informe Bertrand Corbeau. Le ticket moyen avoisine les 5 millions d’euros en province et les 25 millions pour Idia. Le Crédit Agricole vient par ailleurs de mobiliser 300 millions d’euros dans le cadre d’un fonds baptisé Card (géré par Idia) afin d’accompagner les clients PME et ETI du groupe.
Les autres banques mutualistes, déployées en régions, développent également des véhicules à portée nationale. Les Caisses d’Epargne, qui disposent de dix-sept structures régionales (400 millions d’euros gérés, avec des tickets allant jusqu’à 3 millions d’euros), ont créé en 2015 Caisse d’Epargne Développement, un fonds destiné à intervenir sur des montants supérieurs, notamment en co-investissement. « Doté de 100 millions d’euros par les Caisses d’Epargne, il est aujourd’hui quasi intégralement investi et devrait faire l’objet d’une augmentation de capital », projette Nicolas Contat.
Ce véhicule est géré par Alliance Entreprendre (Natixis), structure avec laquelle neuf Caisses d’Epargne ont par ailleurs noué un partenariat pour accélérer leur croissance. Dans les activités de capital-risque développées par certaines structures régionales, ces dernières s’appuient par ailleurs sur l’expertise de Seventure (Natixis). « Un fonds de 50 millions d’euros, Digital Opportunities, dans lequel les Caisses d’Epargne ont investi aux côtés de Natixis et BPCE, a par ailleurs été levé en juillet 2016 pour soutenir les entreprises innovantes », ajoute Nicolas Contat. En incluant les montants engagés dans des fonds régionaux externes, les investissements réalisés par les Caisses d’Epargne s’élevaient à 900 millions d’euros fin 2017, marquant une croissance annuelle de 25 %.
Les Banques Populaires, à travers une dizaine de structures en régions, gèrent 500 millions d’euros (ticket de 1 à 2 millions d’euros). « Les montants gérés suivent une progression linéaire, reflétant une hausse du ticket moyen engagé », explique Olivier Mespoulet. Les Banques Populaires disposent également d’un dispositif national avec BP Développement (740 millions d’euros gérés), détenu aux deux tiers par le réseau et au tiers par Naxicap. « Cette échelle régionale et nationale nous permet de couvrir l’ensemble des besoins de nos clients PME », estime Olivier Mespoulet.
Synergies
Au sein de BPCE, Natixis développe une stratégie différenciée par rapport au secteur dans son ensemble, en ayant réorienté ses activités vers la gestion pour compte de tiers. « Notre objectif est de confirmer cet ancrage en développant les classes alternatives pour répondre aux besoins d’investisseurs externes », affirme Dominique Sabassier, responsable des activités de capital-investissement au sein de Natixis Investment Managers. De quinze sociétés de private equity avant la crise, le dispositif en compte aujourd’hui cinq, sur différents segments : Seventure dans le capital-risque (700 millions d’euros d’encours à fin 2017), Naxicap (LBO/3,1 milliards gérés), Alliance Entreprendre (capital-développement et petits LBO/400 millions d’euros). Dans le fonds de fonds et le conseil, Euro Private Equity et Caspian gèrent 3,9 milliards d’euros en cumulé.
« De 2 milliards d’euros en 2011, nos encours dans le private equity dépassent aujourd’hui les 8 milliards », se félicite Dominique Sabassier, ajoutant que ce quadruplement a en outre été réalisé parallèlement à une réduction des engagements de Natixis dans les fonds de private equity.
Chez d’autres banques, les structures à dimension nationale peuvent se teinter d’une touche régionale. « Notre activité de capital-investissement pour compte propre a été relancée en 2008 et déployée avec des ouvertures de bureaux en régions et des recrutements », déclare François Rivolier. SG Capital Partenaires dispose d’une enveloppe de 700 millions d’euros (300 millions d’euros investis). « Notre rythme d’investissement a vocation à passer de 70 à 120 millions d’euros par an, porté notamment par un accroissement du ticket pouvant aller jusqu’à 35 millions d’euros, contre 20 millions initialement. Cela est notamment permis grâce à une alliance avec la filiale d’assurance Sogecap, à laquelle nous offrons des possibilités de co-investissement », explique François Rivolier.
Quel que soit le positionnement, la logique est au développement de synergies. « L’un des objectifs est d’accroître les synergies commerciales en proposant au dirigeant un accompagnement global, incluant le financement de son entreprise et le volet patrimonial avec la banque privée », développe Nicolas Contat. « De plus en plus de caisses régionales investissent dans des fonds externes à leurs groupes, leur permettant de développer des ventes croisées dans le financement », ajoute Jean-Christel Trabarel. Chez SG Capital Partenaires, alors qu’un tiers des opérations réalisées concerne des prospects, ceux-ci deviennent dans la quasi-totalité des cas souscripteurs d’autres activités du groupe. Un atout notable pour l’activité, qui s’insère aujourd’hui dans une offre à 360 degrés pour le client.

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Immigration: les entrées irrégulières et les demandes d'asile baissent, et pourtant la pression reste très forte pour serrer la vis
Bruxelles - Moins d’entrées irrégulières, moins de demandes d’asile... Et pourtant, l’Europe subit toujours une pression très forte pour durcir sa politique migratoire, une dynamique qui se reflète dans les propositions en débat parmi les Vingt-Sept. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Au cours de la première moitié de l’année, le nombre d’entrées irrégulières sur le territoire européen a chuté de 20% selon l’agence européenne de frontières Frontex. Elles ont dégringolé sur la route des Balkans et se concentrent désormais en Méditerranée. Les demandes d’asiles enregistrées dans les pays de l’Union européenne et ses voisins ont elles aussi reculé de 23% par rapport à la même période l’an dernier, selon des données publiées lundi. Face à la poussée de la droite et de l’extrême droite, l’Europe a pourtant rarement été sous une telle pression pour serrer la vis sur l’immigration. «Il y a au niveau politique ce sentiment qu’il faut répondre aux attentes des citoyens», note Camille Le Coz, directrice du centre de réflexion Migration Policy Institute Europe, évoquant la «montée de partis anti-migrants» partout sur le continent. Pour ces groupes politiques, la baisse du nombre d’arrivées est loin d'être suffisante. «Cela ne peut pas être le seul critère à prendre en compte», souligne, dans un entretien à l’AFP, l’eurodéputé du Rassemblement national et ancien patron de Frontex Fabrice Leggeri, plaidant pour qu’elle se conjugue avec une hausse significative des renvois. Moins de 20% des décisions d’expulsion de migrants sont actuellement suivies d’effets au sein de l’UE, une statistique régulièrement brandie par les partisans d’une ligne migratoire plus ferme. «Alléger la pression» Pressée à agir sur cette question, tout particulièrement par l’Allemagne, l’Autriche et les pays scandinaves, la Commission avance à marche forcée. Quelques mois seulement après l’adoption d’une loi titanesque sur la migration, qui doit entrer en vigueur en 2026, l’exécutif européen a mis trois propositions supplémentaires sur la table. Elles permettront «d’alléger la pression sur nos systèmes d’asile», a assuré lundi le commissaire chargé des questions migratoires, Magnus Brunner. Si elles venaient à être adoptées, les nouvelles propositions de la Commission permettraient aux Etats membres: - D’ouvrir des centres en dehors des frontières de l’UE pour y envoyer les migrants dont la demande d’asile aurait été rejetée, les fameux «hubs de retours». - De sanctionner plus durement les migrants qui refusent de quitter le territoire européen, via notamment des périodes de détention plus longues. - De renvoyer des migrants vers des pays dont ils ne sont pas originaires mais que l’Europe considère comme «sûrs». «Popcorn» Autant de mesures qualifiées de «cruelles» par la gauche et les associations de protection de migrants. Mais sur lesquelles les groupes de droite au Parlement et les Etats membres veulent avancer vite. Sous l’impulsion du Danemark, qui assure la présidence tournante de l’Union européenne, les Vingt-Sept ont déjà entamé l’examen de plusieurs de ces mesures, ont affirmé plusieurs sources à l’AFP. Ils espèrent adopter une position commune d’ici la fin de l’année, malgré des réticences exprimées notamment par l’Espagne, l’Irlande et le Portugal sur les questions de respect des droits humains. L’objectif est d’entamer des négociations en début d’année prochaine avec le Parlement, théâtre de tractations très difficiles, notamment sur la question des «hubs de retour», selon plusieurs eurodéputés qui y prennent part. Des discussions extrêmement périlleuses sont par ailleurs en cours entre les Etats membres et la Commission sur une nouvelle répartition des demandeurs d’asile sur le continent. L’idée est d’identifier quels sont les pays de l’UE les plus confrontés à une «pression migratoire». Et de déterminer, sur cette base, combien de migrants les autres Etats membres sont prêts à «relocaliser» sur leur sol, ou quelle aide financière ils sont prêts à leur verser. L’exécutif européen doit présenter sa copie aux Vingt-Sept le 15 octobre. «Préparez le popcorn», glisse un fonctionnaire européen, prédisant des négociations extrêmement «sensibles». Camille CAMDESSUS © Agence France-Presse