
Les régulateurs font face à la question délicate des DAO

La finance décentralisée (DeFi) peut être définie comme un système financier alternatif au système traditionnel. Son infrastructure s’appuie sur la technologie des blockchains publiques, essentiellement Ethereum, via laquelle circulent des cryptoactifs. «Elle a véritablement été lancée en 2017 et a explosé à l’été 2020. Aujourd’hui, nous sommes à la queue de comète de cette première vague», explique Simon Polrot, figure historique de l’écosystème français et président de l’European Crypto Initiative sur la scène du Forum Fintech organisé ce mercredi, conjointement par l’Autorité des marché financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
En décembre 2020, la valeur totale bloquée dans les protocoles de la DeFi atteignait environ 15 milliards de dollars pour atteindre jusqu'à 220 milliards, à la veille de la chute de l’écosystème Terra-Luna début mai 2022. «Les données montrent qu’il y a un intérêt fort et croissant des investisseurs institutionnels et professionnels», analyse Iota-Kaousar Nassr, économiste et analyste réglementaire à l’OCDE.
La DeFi fonctionne actuellement en vase clos en étant essentiellement utilisée pour spéculer et présente encore peu de connexions avec le monde réel. Ses poids lourds ambitionnent à terme de fournir les mêmes services financiers que le système traditionnel mais de manière plus optimisée, moins coûteuse, avec une meilleure transparence et une meilleure inclusion financière en supprimant de nombreux intermédiaires. C’est ce dernier point qui pose le plus problème à la réglementation qui est largement basée, notamment pour des questions de responsabilité, sur les intermédiaires.
«On ne va pas pouvoir réglementer la DeFi comme on sait le faire avec les intermédiaires, il va falloir être un peu plus imaginatif», déclarait à L’Agefi la présidente de l’Association pour le développement des actifs numériques Faustine Fleuret. C’est le cheval de bataille de l’industrie depuis plusieurs années, qui clame que simplement calquer la réglementation telle quelle à la DeFi «tuerait l’innovation». Une idée qui a fait publiquement son chemin à Bercy à en croire les propres récents du ministre de l’Économie Bruno le Maire et de son ministre délégué au Numérique Jean-Noël Barrot.
Problème de responsabilité
L’écosystème des organisations autonomes décentralisée (DAO) est au cœur des difficultés rencontrées par les régulateurs. Ces entités sont la partie gouvernance des écosystèmes comme Aave ou MakerDAO, les deux poids lourds de la DeFi qui veulent mettre à disposition des outils financiers sur lesquels seuls les utilisateurs pourraient décider d’en modifier les objectifs et le fonctionnement.
De manière générale, ces écosystèmes se composent d’une entreprise qui réalise des activités de développement et qui lance un protocole proposant un certain nombre de services financiers. Ce protocole a vocation à terme d’être décentralisé, c’est-à-dire gouverné par l’ensemble des utilisateurs via une DAO avec une perte volontaire d’l’influence de l’entreprise à l’origine du protocole. Une fois la décentralisation complétée, les utilisateurs vont voter en fonction du nombre de jetons de gouvernance qu’ils possèdent via la DAO. Celle-ci pourra alors en quelque sorte être assimilée à une combinaison d’un conseil d’administration et d’une assemblée générale mais accessible à tous les participants. L’entreprise mère sera alors mandatée pour mettre en œuvre les décisions. La promesse est donc une finance plus démocratique via des outils technologiques accessibles à tous et débarrassés de l’influence d’une entreprise centralisée, moins attentive aux besoins de ses utilisateurs.
Les régulateurs se retrouvent donc face à des organisations dont la structure rassemble fortement à des sociétés de fait ou immatriculée avec une absence d’enregistrement puisqu’il n’existe pas encore de cadre légal défini. «Récemment, la CFTC aux États-Unis a engagé une action contre une DAO en considérant que tous les participants portent une responsabilité illimitée dans l’activité. Ainsi, n’importe quelle personne ayant simplement voté une fois peut être désignée comme responsable de l’ensemble des activités de la DAO depuis sa création», explique Simon Polrot. «C’est un cadre complètement inadapté et il n’existe pas de solutions juridiques pratiques. Cela nécessiterait une initiative vraiment ambitieuse au niveau du droit civil national», complète-t-il. C’est notamment pour ces raisons que l’Union européenne a éludé cette question au sein de MiCa, le texte encadrant l’usage des cryptoactifs en Europe.
Rassurer les régulateurs
En l’absence de cadre réglementaire, certains acteurs traditionnels comme la Société Générale, via sa filiale SG Forge, tentent de trouver des chemins réglementaires pour développer des applications financières avec les protocoles de la DeFi. En témoignent les expérimentations menées entre la filiale du groupe Société Générale et MakerDAO pour notamment générer et emprunter du Dai, le stablecoin dont MakerDAO propose l’émission. «L’enjeu pour nous était de sélectionner le cas d’usage pertinent pour une première expérimentation explicable en interne et au régulateur», explique le secrétaire général de SG Forge, Stéphane Blémus. «Ce qui était innovant, c’est ce cadre contractuel que l’on a réussi à trouver avec MakerDAO, un acteur non-régulé, pour être en phase avec le régulateur», poursuit-il.
Au-delà des initiatives particulières, l’absence de cadre clair empêche à ce stade l’émergence de standard permettant à des acteurs bancaires régulés d’étendre ces montages juridiques à un ensemble de leurs clients et donc de bénéficier de l’innovation proposée par des protocole comme Aave ou MakerDAO.
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