Le crowdfunding reste en quête d’une harmonisation européenne

Réunis à Paris pour une journée d’échanges, les représentants du financement participatif européen ont souligné à la fois les difficultés et le grand intérêt du nouveau cadre règlementaire.
Alexandra Oubrier
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L’Europe compte 270 plateformes de financement participatif.  -  Fotolia.

Les plateformes de crowdfunding ayant obtenu un agrément européen de fournisseur de services de financement participatif (FSFP) sont au nombre de dix-huit, dont quatre françaises : Villyz (projets des collectivités territoriales), Enerfip (transition énergétique), BeeForDeal (immobilier) et Soul Invest (start-up à impact). Sept sont néerlandaises, quatre espagnoles et la Belgique, la Roumanie et la Lettonie ont chacune agréé une plateforme. Ce n’est pas satisfaisant : l’Europe compte 270 plateformes de financement participatif et la période de transition pour obtenir un agrément européen s’achève le 10 novembre prochain.

Les autorités nationales chargées de les délivrer font parfois traîner les choses. Il faut aussi préciser que l’Esma a mis du temps à clarifier le texte en publiant peu à peu différents règlements techniques et des questions-réponses. D’ailleurs, Francesca Fiamma, «policy officer» à l’Esma l’a admis lors d’une table ronde organisée à Paris le 14 février dernier, dans le cadre de «The Place to crowd», un événement créé à l’initiative de l’association Financement Participatif France : « les discussions se poursuivent sur des sujets clés », comme l’assurance des plateformes, par exemple. Si les instances européennes ont confiance dans la création d’un véritable marché européen du crowdfunding grâce au règlement publié en 2020, force est de constater que le chemin à parcourir reste long. Et qu’il va falloir accélérer les procédures d’agrément si l’on veut éviter que les plateformes soient hors la loi après la date fatidique.

Car obtenir cet agrément reste difficile, « cela nous a pris plus d’un an », a témoigné, lors d’une autre table ronde, Marta Lozano, conseil juridique de Crowdcube, agréée en Espagne. Et pourtant Crowdcube a bénéficié de l’obtention préalable d’un agrément national. Et le délai pourrait même s’allonger compte tenu du nombre de demandes à venir. En France, notamment, vingt-huit plateformes auraient déjà déposé leur dossier et cinquante pourraient le faire bientôt, selon Philippe Portier, associé du cabinet d’avocat Jeantet. L’AMF et l’ACPR seront-elles en mesure de les traiter dans les temps ? C’est peu probable, l’AMF a prévenu que le délai de traitement excédait souvent quatre mois…

Franchir les frontières, vraiment ?

Au-delà de ces difficultés règlementaires, les plateformes ayant déjà une activité transfrontalière se sont montrées prudentes sur la capacité à créer une activité de dimension réellement européenne. Pour Thorstern Seeger, CEO d’October en Allemagne, - October est présent dans cinq pays avec des agréments locaux-, « avoir un agrément n’est pas suffisant pour créer une activité à l’étranger, il faut une équipe locale car il est très difficile de réaliser une évaluation de risques sur des entreprises emprunteuses d’autres pays. » En outre, « le crowdfunding fonctionne beaucoup autour de communautés, a souligné Eric Bartha, chargé des start-up au sein de Seedblink, agréée en Roumanie et déjà présente dans plusieurs pays européens. Par exemple, lorsqu’une entreprise lève des fonds aux Pays-Bas, la moitié des investisseurs sont néerlandais. » L’internationalisation des flux est encore balbutiante et l’adaptation aux habitudes locales est nécessaire, elle peut d’ailleurs contraindre à refondre le parcours investisseurs - en Espagne, la plateforme doit collecter le numéro fiscal du client -, ou à accepter les moyens de paiement locaux.

Ces adaptations doivent être prises en compte dans l’équation économique des plateformes, au-delà des coûts liés à l’obtention de l’agrément. Ce qui laisse à penser que ce nouveau cadre européen a été conçu pour les grandes plateformes, au détriment des plus petites qui devront probablement se faire racheter ou cesser leur activité. « C’est une question de taille minimale pour assurer la sécurité de la plateforme, a assumé Diego Valiante, chef d’équipe à la Commission européenne. C’est aussi la condition de la confiance des investisseurs dans un secteur, les services financiers, où les acteurs sont en concurrence avec les banques. » L’enjeu reste de financer les petites et moyennes entreprises européennes. Une activité risquée.

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