Flambée en trompe-l’œil du bitcoin au Nigeria

Ce lundi, l’affirmation selon laquelle le prix du bitcoin au Nigéria serait plus élevé qu’ailleurs s’est répandue sur les réseaux sociaux. Pourtant, aucune donnée ne permet de l’attester.
Louis Tellier
bitcoin
Au 30 janvier, le taux de change du bitcoin était de 17 millions de Naira, la monnaie nigériane, soit 37.000 dollars au taux officiel.  -  AdobeStock

Un bitcoin à près de 40.000 dollars ? Au 30 janvier, le taux de change du cryptoactif était de 17 millions de Naira, soit l’équivalent de 37.000 dollars sur Paxfull, une des plateformes les plus populaires au Nigeria pour l’échange de bitcoins de pair à pair. Un prix supérieur d’environ 60% par rapport à celui affiché par les plateformes d’échanges parmi les plus utilisées du marché à l’échelle mondiale comme Coinbase et Binance où le prix d’achat de la cryptomonnaies se situe autour des 23.000 dollars.

Face à ce constat, le media Cointelegraph et de nombreux adeptes du bitcoin en ont conclu que les Nigérians s’arrachaient la cryptomonnaie, le résultat d’une défiance envers les institutions du pays où l’inflation a atteint environ 20% fin 2022. Si ce lundi, le Nigeria est devenu le premier pays associé à la recherche «Acheter du bitcoin» via le moteur de recherche Google, aucune donnée ne suggère une augmentation du prix du bitcoin dans ce pays où le taux d’adoption des cryptomonnaies est parmi les plus élevés du monde.

Taux officieux de change

A cause du manque de confiance envers les institutions, il existe un taux de change officiel fixé par la Banque centrale qui est actuellement de 460 nairas pour un dollar. Mais aussi un taux de change officieux qui se situe autour de 750 nairas pour un dollar et déterminé par les opérateurs du marché parallèle les plus influents, pour l’essentiel situés à Lagos, plus grande ville du pays. Cette situation est assez classique dans des pays ayant un fort taux d’inflation comme en Argentine ou encore au Liban. Ces taux n’ont pas augmenté depuis le début de l’année.

«Depuis février 2021, il existe une ‘interdiction implicite’ pour les banques au Nigeria de faciliter les transferts d’argent vers les plateformes d’échanges de cryptomonnaies. L’achat de bitcoins ou d’autres cryptoactifs ne peut donc se faire que de pair à pair via le marché parallèle», explique Dramane Meite, chef de produit au niveau international pour Hashdex, société spécialisée dans l’investissement crypto lancée au Brésil en 2018. Les plateformes les plus connues sont Paxful ou Local Bitcoins. La solution technologique mise à disposition par la plateforme Binance est également très utilisée au Nigeria. A cause de cette situation, il est quasiment impossible d’acheter du bitcoin au taux officiel puisqu’il s’échange sur le marché parallèle, rendant les opérations d’arbitrages très difficiles.

Forcer l’adoption du eNaira

Selon Chainalysis, le Nigeria est le premier pays d’Afrique en termes d’adoption pour les cryptomonnaies. «Ce que tentent actuellement de faire les autorités économiques pourrait encore renforcer la défiance des citoyens et donc accélérer encore un peu plus l’adoption des cryptomonnaies», assure Dramane Meite.

Ce pays d’Afrique de l’ouest est l’un des premier au monde à avoir lancé sa monnaie numérique de banque centrale en octobre 2021, le eNaira, et peine à convaincre. Au 25 octobre, moins de 0,5% des Nigérians déclaraient l’avoir utilisé selon Bloomberg . Depuis le 9 janvier, les autorités ont limité les retraits en liquide à 20.000 nairas par jour, soit environ 45 dollars pour les particuliers qui ne peuvent que retirer 500.000 nairas, soit un peu plus de 1.000 dollars sur une semaine. Au-delà de cette limite, une pénalité de 5% est appliquée.

En parallèle, les autorités ont mis en circulation de nouveaux billets de banque pour lutter contre le blanchiment d’argent et tenter de réduire le niveau d’inflation actuellement autour des 20%. De nombreux médias locaux affirment qu’il n’y aurait pas assez de nouveaux billets. Ces décisions sont perçues comme des manœuvres ayant pour but d’obliger les citoyens à se tourner vers le eNaira.

Un évènement L’AGEFI

Plus d'articles Crypto

Contenu de nos partenaires

Les plus lus de
A lire sur ...