Yo Takatsuki : «JPMorgan AM n’a jamais soutenu le dépôt d’une résolution externe»

Dans un entretien accordé à L’Agefi, Yo Takatsuki, global head of stewarship chez JPMorgan AM, détaille les ressorts de la politique de vote et d’engagement du groupe.
Yo Takatsuki, Global head of stewardship, JP Morgan AM
Yo Takatsuki, global head of stewarship chez JPMorgan AM  - 

L’Agefi : quel bilan dressez-vous de la saison 2022 des assemblées générales (AG) ?

Yo Takatsuki : En 2022 nous avons voté plus de 100.000 résolutions, assisté à près de 9.000 assemblées générales, dans tous les marchés où se trouvent des sièges de sociétés. L’extension de l’exercice des droits de vote est une complexité à laquelle notre industrie doit s’adapter sur le moyen terme. La complexité augmente également avec la montée des thèmes liés à l’ESG [environnement, social, gouvernance]. S’il est relativement simple de se prononcer sur une politique de dividendes, en revanche les détails qui sous-tendent une résolution climat peuvent être très différents.

Avez-vous soutenu des résolutions climat externes en 2022 ?

JPMorgan AM n’a jamais soutenu le dépôt d’une résolution externe et ne prévoit pas de le faire en 2023. Cette approche ne nous convient pas. Nous trouvons qu’elle place les entreprises dans une position défensive. Le caractère public de la confrontation peut faire perdre de vue l’objectif principal, qui est la définition et la mise en œuvre d’une stratégie crédible de transition énergétique. De plus, il est très difficile de faire adopter de telles résolutions à la majorité.

Vous considérez donc qu’il n’est pas pertinent de relier la qualité de l’engagement actionnarial d’un investisseur au soutien qu’il apporte à ce genre de résolutions ?

Un taux de soutien qui se rapprocherait de 100% n’est pas nécessairement un signal positif. Sur 100 résolutions externes sur le climat, 15 à 20 d’entre elles peuvent être qualifiées d’utopiques. Sur certains marchés, comme la Suède, les règles de dépôt d’une résolution externe sont assez souples, et un grand nombre de résolutions sont déposées par des investisseurs individuels. Soutenir certaines d’entre elles serait dommageable pour une société du point de vue de la compétitivité, et ne servirait pas les intérêts des investisseurs. Un fort taux de soutien amènerait même à se demander si les actionnaires ont pris connaissance en profondeur des tenants et des aboutissants de cette résolution, ou bien s’ils lui apportent leur soutien uniquement parce qu’elle traite de la lutte contre le changement climatique.

La réponse à de telles questions est fréquemment plus complexe qu’un oui ou un non. Nous ne voulons pas apporter notre validation à un système qui permettrait et assurerait de mauvaises performances.

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Les entreprises devraient-elles soumettre un say-on-climate à l’approbation de leurs actionnaires dans ce cas ?

Le défi, concernant le say-on-climate, est relativement le même que pour le say-on-pay. Tout devient très complexe. En surface, les indicateurs de mesure peuvent paraître précis et bien documentés, mais ils sont dans les faits peu comparables. Les entreprises qui ont déjà publié des say-on-climate sont des leaders dans ce domaine et font la preuve de leur détermination. Mais ce sont également celles qui font face aux échanges les plus débattus, ce qui est tout à fait normal. L’an dernier, certains say-on-climate ont d’ailleurs été rejetés par les investisseurs.

Cependant, c’est une initiative qui engage la responsabilité des conseils d’administration et du management dans l’atteinte des objectifs de lutte contre le changement climatique, ce qui est très important pour nous, investisseurs. Nous considérons que davantage d’entreprises devraient se prêter à cet exercice. Sans cela, il n’y a que des promesses.

Quelles sont vos priorités pour la prochaine saison des AG ?

Nous étudions de très près les cas où la rémunération venant récompenser des objectifs atteints est très élevée. Cela peut être observé aux Etats-Unis, et maintenant au Royaume-Uni. Nous avons constaté, en particulier pendant la pandémie de Covid, que les comités de rémunération cherchaient à diluer les objectifs dans les plans de rémunération.

Nous surveillons également l’intégration de critères extra-financiers aux systèmes de rémunérations variables. Nous attendons des cibles matérielles, ambitieuses et objectivement mesurables. Trop souvent, les dirigeants remplissent les conditions pour percevoir cette rémunération, ce qui ne bénéficie à personne et surtout pas aux investisseurs. Nos constatations ont été confirmées par une étude récente de la London Business School.

Comment votre feuille de route «net zéro» se traduit-elle dans votre politique de vote et d’engagement ?

Nos engagements «Net Zero 2050» ont été définis dans le cadre de notre engagement au sein de la Net Zero Asset Management Initiative, et formalisés fin 2022. Pour la première étape, qui se situe à l’horizon 2030, nous allons demander aux entreprises cotées en portefeuille, représentant 55% de nos actifs sous gestion, de présenter des plans de décarbonation crédibles, validés sur le plan scientifique, mais pas forcément par la SBTi (Science Based Target Initiative).

Dans les deux ou trois ans à venir, notre politique de vote sera appelée à évoluer, car il nous faudra clarifier nos positions. Le but de l’engagement, pour nous, est bien que 55% de nos encours aient des cibles de décarbonation crédibles.

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