Le retour de l’affaire EADS repose la question de la double peine

L’affaire de délit d’initié présumé, jugée au tribunal correctionnel aujourd’hui après l’avoir été par l’AMF, pose le problème de façon inédite.
Solenn Poullennec
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Le délit d’initié présumé concernant l’A380 revient sur le devant de la scène. A partir d’aujourd’hui, le tribunal correctionnel de Paris va tenter de déterminer si, en 2006, des dirigeants d’EADS et d’Airbus, mais aussi les sociétés Lagardère et Daimler, ont commis un délit d’initié en utilisant notamment des informations sur les difficultés de production des A350 et A380.

Il y a près de cinq ans pourtant, la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) avait mis hors de cause les personnes incriminées dans la même affaire, estimant qu’elles n’avaient pas eu d’information privilégiée.

Selon les avocats de la défense, cette procédure pénale va à l’encontre de la jurisprudence européenne de façon inédite. En mars, la Cour européenne des droits de l’homme dans son arrêt Grande Stevens a estimé qu’il n’était pas possible de cumuler sanction administrative et sanction pénale en vertu du principe de non bis in idem. «Cette configuration ne s’est jamais présentée en jurisprudence. Même la décision rendue le 26 septembre dans l’affaire Pechiney concerne un cas classique de «double condamnation» et «double sanction», avance Aurélien Hamelle, avocat chez Allen & Overy, conseil de Daimler. A ses yeux, le système de cumul des sanctions «sape intégralement la confiance des investisseurs dans le marché français».

«C’est absolument inenvisageable dans un Etat de droit d’être jugé deux fois pour les mêmes faits», considère Frédéric Peltier, conseil d’Alain Flourens, membre du comité exécutif d’Airbus à l’époque des faits. «Le juge d’instruction a enquêté exactement sur les mêmes faits, c’est le même dossier, voire avec moins de pièces, il fait simplement une appréciation différente des faits», assure-t-il. «Le débat, c’est celui de la nature de l’AMF : est-elle une juridiction ou une autorité administrative?», soutient l’avocat Frederik-karel Canoy, qui défend au contraire la possibilité du cumul des sanctions au nom de deux actionnaires individuels.

Confrontée à la question du cumul de la sanction administrative et pénale, «la France est contrainte au changement», estime Jonathan Mattout, associé chez Herbert Smith Freehills. Alors que l’AMF a initié une réflexion en interne à ce sujet, plusieurs avocats estiment qu’il serait possible d’avoir une enquête conjointe entre le régulateur financier et le parquet. Les dossiers seraient aiguillés vers l’AMF ou le juge pénal en fonction de la gravité des griefs reprochés.

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