
L’avenir est aux assemblées générales hybrides

Poursuite des assemblées générales à huis clos. Le décret prolongeant cette mesure d’exception jusqu’au 31 juillet 2021 sera publié dans les tout prochains jours, a confié Julien Bracq, de la direction générale du Trésor, lors d’une conférence organisée par Euronext et le Cercle des Administrateurs. La date butoir actuelle fixée par l’ordonnance du 2 décembre 2020 est au 1er avril.
Si la première saison des assemblées générales (AG) à huis clos a montré des avantages, des limites sont aussi apparues : qualité du débat actionnarial, droit des actionnaires minoritaires, etc. Dès mars 2020, l’Autorité des marchés financiers (AMF) avait émis des recommandations pour assurer l’effectivité de l’exercice des droits des actionnaires. Pourtant, le gendarme des marchés a tiré quelques mois plus tard un bilan contrasté. D’un côté, les sociétés ont fait des efforts importants pour organiser des AG à huis clos dans des délais contraints ; de l’autre, les actionnaires n’ont pas pu, en séance, voter, déposer des résolutions ou révoquer des administrateurs, précise Astrid Milsan, secrétaire générale adjointe de l’AMF. Une rupture d’égalité de droit pourrait même être invoquée. «Les quelques actionnaires et administrateurs présents en séance conservent leurs droits avec possibilité de proposer des nominations et de révoquer des administrateurs en séance», souligne Loïc Dessaint, directeur général de Proxinvest. Sur la demande du régulateur, plus d’un quart des sociétés ont fait preuve de souplesse sur la réception et le traitement des questions des actionnaires, mais l’AMF demande plus de transparence, en particulier sur les sélections des questions.
Le huis clos reste un régime d’exception
Sébastien Valentin, directeur de la communication d’Accor, avoue un «sentiment mêlé de complexité et de simplification» face aux AG à huis clos, se félicitant de pouvoir accueillir plus d’actionnaires et d’aller directement à l’essentiel. Lors d’un autre événement organisé par le Medef, Sophie L’Hélias, administratrice de sociétés, a salué un engagement plus fort des actionnaires lors des AG virtuelles, avec une participation bien plus importante et des questions plus nombreuses.
Le premier objectif de sécurité juridique et de continuité a été assuré, souligne Julien Bracq. Mais, devant ces atteintes à certains droits fondamentaux et des interprétations très libérales, notamment sur la composition du bureau, Bercy a resserré la vis, avec l’ordonnance du 2 décembre 2020 et le décret du 18 décembre. L’appréciation de la tenue de l’AG à huis clos se fait désormais in concreto, et le conseil d’administration doit justifier sa décision. «On ne peut pas partir du principe que les conditions des AG à huis clos sont réunies, il faut faire du cas par cas, insiste Astrid Milsan. Le huis clos doit rester un régime d’exception.» Désormais, l’assemblée doit être retransmise en direct et en différé, toute question posée doit faire l’objet d’une réponse.
Le Covid a révélé le retard de la France
«L’avenir sera aux AG hybrides avec possibilité de poser des questions en séance et de voter en séance, anticipe Astrid Milsan. A l’étranger des efforts considérables ont été faits pour permettre le vote en séance. Paris doit se hisser au niveau des meilleurs en matière de digitalisation. C’est une question de volonté de tous les acteurs pour faire les investissements nécessaires. Cela doit être effectif en 2022.» Le vote en direct à distance «va venir. C’est une certitude. 2022 nous semble raisonnable», ajoute Sébastien Valentin.
L’AG hybride «s’intéresse à toute la base actionnariale, alors que l’assemblée physique s’intéresse aux petits porteurs, souligne Loïc Dessaint. Pour les investisseurs, la capacité de voter à distance serait un vrai progrès. Le vote en direct permet un meilleur dialogue, même s’il génère plus d’incertitude pour l’entreprise, mais c’est aussi cela la démocratie actionnariale». Alors qu’actuellement, l’émetteur connait 80% à 90% des résultats avant la tenue de l’AG, «n’est-ce pas constitutif d’une information privilégiée qui doit être diffusée au plus tôt au marché ?», s’interroge Astrid Milsan.
Le Trésor espère aussi un vote électronique dès 2022, rappelant qu’il est autorisé juridiquement depuis la loi NRE de 2001 et que le «Covid a été un révélateur du retard sur cette question». L’association française des grandes entreprises (Afep) et l’Association française des professionnels des titres (Afti) ont déjà mis en place un groupe de travail. L’AMF insiste également sur la qualité de l’information des actionnaires et sur le fonctionnement technique des AG dématérialisées, notamment sur le décompte des votes, rappelant que sa commission des sanctions a prononcé une sanction – qui fait l’objet d’un appel – d’un million d’euros pour un tel manquement. D’ailleurs, le Trésor invite à une réflexion plus globale sur l’ensemble de la chaine du vote, tandis que la fin de la transposition de la directive droits des actionnaires (SRD2), en particulier sur l’accusé de réception du vote et la confirmation du vote doit intervenir dans les prochains mois. «Les émetteurs sont très intéressés, alors que les réticences viennent des banquiers conservateurs, craignant des erreurs sur l’identification des actionnaires et des incidents techniques en direct», conclut Loïc Dessaint.
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