
Les tensions entre les Etats-Unis et la Chine menacent le commerce mondial

La visite à Taïwan de la présidente de la Chambre des représentants des Etats-Unis pourrait être lourde de conséquences pour le commerce mondial. La venue de Nancy Pelosi a d’ores et déjà fait réagir la Chine qui a annoncé la suspension de sa coopération avec les Etats-Unis dans divers domaines comme les discussions climatiques, la lutte contre la criminalité transfrontalière ou la sécurité militaire des zones maritimes. Outre ces sanctions, qui vont encore aggraver l’état des relations sino-américaines mais qui ont jusqu’ici laissé de marbre les marchés, ce sont surtout les conséquences de l’exercice militaire lancé par Pékin autour de l’île qui inquiètent. Débuté jeudi avec des tirs de missiles et le déploiement de son aviation et sa marine de guerre dans six zones autour de Taïwan, il devait prendre fin dimanche après avoir provoqué des retards dans les transports maritimes mondiaux en bloquant une partie du détroit de Taïwan, ou détroit de Formose. Ce bras de mer de 180 kilomètres de largeur entre la Chine et Taïwan a été emprunté par près de la moitié de la flotte mondiale de conteneurs cette année selon Bloomberg, et même 88% des plus gros porte-conteneurs.
«Si la situation n’est pas désamorcée rapidement, les implications économiques seront certainement plus importantes que les trois crises majeures du détroit de Taïwan dans le passé, car le monde est plus globalisé, la taille de la Chine continentale est plus grande et Taïwan est devenu un producteur essentiel dans les secteurs des semi-conducteurs et des technologies de l’information et de la communication (TIC)», préviennent dans une note Alicia Garcia Herrero et Gary Ng, économistes chez Natixis. En 1954, 1958 et 1995, trois crises avaient déjà éclaté entre Pékin et Taipei, bloquant le passage et accroissant les tensions entre les Etats-Unis et la Chine.
Impact sur l’économie surmontable
«Nous ne pensons pas que cette séquence d’événements augure nécessairement un conflit déstabilisateur immédiat dans la région», rassure dans une note Homin Lee, économiste chez Lombard Odier, qui anticipe qu'à «plus long terme cependant, les investisseurs devront probablement affronter un risque élevé de découpage accéléré, voire de possible confrontation directe entre la Chine et les Etats-Unis.» Pour les économistes, le scénario le plus probable est celui de manœuvres militaires ponctuelles dans les deux prochaines années autour de l’île «provoquant des perturbations intermittentes des flux commerciaux qui transitent par le détroit de Formose». Vendredi, le ministre de la Défense taïwanais avait déjà déclaré que la Chine avait gravement endommagé le statu quo du détroit.
Si ce scénario ne modifierait pas la situation globale entre les pays, il rendrait les perspectives à long terme incertaines. «Les marchés seraient confrontés à des accès de volatilité au gré de l’évolution du sentiment à l’égard du risque de confrontation direct entre les Etats-Unis et la Chine», résume l’économiste de Lombard Odier, qui estime que «l’impact sur l’économie mondiale resterait certes négatif, mais pourrait être plus surmontable». En l’espèce, des revers déjà «probablement pris en compte par les marchés» pourraient avoir lieu sur des discussions sino-américaines sur la levée des droits de douane ou la radiation de la cote d’entreprises chinoises aux Etats-Unis.
Blocus potentiel et pénurie de semi-conducteurs
Dans un scénario moins probable, les perturbations des chaînes d’approvisionnement concerneraient surtout les semi-conducteurs par l’imposition d’une sorte de blocus sur Taïwan, l’un des plus gros producteurs mondiaux. Mark Liu, président du premier sous-traitant mondial de puces électroniques installé sur l'île, Taiwan Semi conductor Manufacturing (TSMC), a déjà prévenu en début de semaine dernière que «tout le monde serait perdant s’il devait y avoir une guerre entre la Chine et Taïwan». La pénurie de composants entraînée par les conséquences du Covid touchant déjà l’économie, il faudrait s’attendre à encore plus d’attentes pour certains secteurs.
«Un blocus potentiel affecterait les secteurs qui dépendent davantage des semi-conducteurs, tels que l’informatique à haute performance, l’internet des objets, les centres de données et les véhicules électriques. L'électronique grand public souffrira également, mais la baisse de la demande et l’augmentation du niveau des stocks feront office de tampon», résument les économistes de Natixis. Selon leur présentation et en citant des données de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (UNCTAD), 40% des importations de semi-conducteurs du Japon dépendent de l’île, contre 25% pour la Corée, 10% pour les Etats-Unis et 5% pour l’Europe. Cette option paraît toutefois peu probable car elle entraînerait une rupture presque actée des relations avec les Etats-Unis. Surtout, plus de 30% des importations de semi-conducteurs de la Chine sont dépendantes de Taipei.
L’enventualité d’une solution militaire, qui provoquerait «des ondes de chocs massives», n’est pas oubliée par les économistes. Les analystes s’accordent toutefois à dire que Pékin ne souhaite pas pour le moment une confrontation armée qui aboutirait à une «guerre ouverte» entre les Etats-Unis et la Chine. Les yeux resteront rivés sur le détroit de Taïwan dans les jours et semaines à venir.
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