Les internalisateurs systématiques participent peu à la formation des prix

Une étude de l’AMF relativise l’utilité de ces systèmes censés prendre des risques sur leur compte propre.
Fabrice Anselmi
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Les améliorations de prix par l’intermédiaire des SI ne sont pas significatives.  -  photo StockSnap Pixabay

En pleine réflexion sur la révision de la réglementation MIF 2, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a examiné le rôle des 36 internalisateurs systématiques (SI) présents sur le marché français des actions, et conclu dans une étude publiée fin mai que «leur apport à la transparence sur les intérêts à l’achat et à la vente dans le marché est très limité». Née de la directive MIF 1, l’internalisation systématique permet d’exécuter les ordres de clients face à son compte propre et non sur les bourses traditionnelles. Avec MIF 2 depuis 2018, les courtiers doivent obligatoirement négocier les actions sur des marchés réglementés (MR), des systèmes multilatéraux de négociation (MTF) ou sur des SI. Mais l’Autorité européenne (Esma) se questionne sur l’utilité de ces derniers.

Banques d’investissement (Bank SI) ou apporteurs de liquidité électroniques à haute fréquence (ELP), ces internalisateurs ont encore représenté entre 15% et 20% des montants échangés sur les actions françaises au premier trimestre, contre 1% à 2%avant MIF 2. Mais en excluant les transactions ne participant pas au processus de formation des prix (déclarées comme telles) et les transactions intragroupes, les internalisateurs participeraient à la formation des prix pour 8% à 10% des volumes échangés sur le marché. Sur ce périmètre spécifique, l’étude montre que les transactions faisant l’objet de transparence pré-négociation ne représentent que 22% des montants échangés sur SI durant la phase continue des échanges (donc seulement 1,4% des montants totaux échangés hors fixing de clôture). Sachant que les SI ne sont tenus de publier des cotations que pour des actions liquides au sens d’une taille d’ordres de marché standard (SMS), le plus souvent fixée à 10.000 euros en France.

Concernant la qualité des prix proposés, 95% de ceux déclarés par les ELP s’insèrent dans la fourchette d’Euronext, à l’exception des opérations de grande taille (large-in-scale ou LIS, souvent au-dessus de 500.000 euros), et 23% pour les Bank SI qui traitent de plus gros montants (au-dessus de 200.000 euros). Pour éviter les probables erreurs d’horodatage sur des marchés très rapides, l’étude s’est concentrée sur les montants exécutés sur SI dans la fourchette d’Euronext : 54% sont réalisés au même prix que celui coté au même moment dans le carnet français, 46% à un prix amélioré.

«Les améliorations sont majoritairement dues aux ELP, et non significatives. Or l’enjeu est bien, si les améliorations ne sont pas significatives, de ramener ces petits ordres sur les marchés transparents où ils seraient utiles à la formation des prix», explique Philippe Guillot, directeur des marchés de l’AMF, rappelant cependant une certaine diversité dans les modèles (et donc dans l’utilité) des SI.

Utilité limitée

Ainsi, 12% des ordres exécutés sur internalisateur systématique apportent une amélioration significative, c’est-à-dire supérieure à un «tick» («pas de cotation», ou plus petit écart possible entre deux prix), qui est bien l’autre enjeu de l’étude. En effet, pour réparer un «oubli», le législateur a complété MIF 2 en 2019 afin d’harmoniserle régime de «tick size» des SI avec celui des autres plates-formes en 2020. L’AMF montre que près de 40% des volumes échangés sont traités à un prix «légèrement amélioré» qui, étant inférieur à 1 tick, ne sera plus possible avec l’application du nouveau régime à partir de juillet, ce qui devrait amener les internalisateurs à revoir leur offre pour démontrer leur utilité aux investisseurs et aux gestionnaires même si ces derniers réclament (étonnamment) de les protéger.

Sur la base de cette étude, le régulateur français a répondu à la consultation en cours de la Commission européenne sur la révision de MIF 2. «Les SI ont une utilité mais uniquement pour les ordres LIS, pour lesquels il n’y a pas d’obligation de transparence pre-trade. La logique voudrait donc qu’on remonte également la taille SMS pour qu’elle converge vers ce critère LIS», conclut Patrice Aguesse, directeur régulation des marchés à la Direction de la régulation et des affaires internationales de l’AMF.

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