Le virage ESG du monde d’après

Alexandre Garabedian
alexandre Garabedian
 -  Crédit photo : Pierre Chiquelin

Rien ne vaut une bonne récession pour lutter contre le réchauffement climatique. Usines à l’arrêt, avions cloués au sol et voitures au garage, le confinement a entraîné une baisse spectaculaire des émissions de carbone. Il n’était point besoin d’en arriver à la paralysie pour admettre l’impératif du développement durable de nos économies. La crise sanitaire ne fait que remettre en lumière des tendances déjà établies : le vieillissement des populations, la surexploitation des ressources naturelles, la perte de biodiversité propice à la transmission de virus de l’animal vers l’homme, les fractures sociales… Dans cet après-coronavirus qu’il faut préparer dès maintenant se dessinent sans doute un recours accru au télétravail, une accélération du commerce en ligne, une régionalisation de certaines chaînes de valeur. Mais jusqu’où poussera-t-on la transformation socio-environnementale de notre modèle de croissance ?

Il convient de rester humble devant la promesse de nouveaux mondes qui, avec le recul, ressemblent furieusement à l’ancien (lire aussi la Table ronde page 6). Rien ne devait plus être comme avant, et rien n’a vraiment changé à la suite de la crise de 2008. Cette fois encore, les résistances seront nombreuses. Au sortir d’une récession sans équivalent depuis la Seconde guerre mondiale, la tentation sera grande de privilégier une relance classique et de remiser aux calendes grecques des engagements verts qu’il est toujours tentant d’opposer à l’emploi. Déjà, les secteurs les plus affaiblis, comme les compagnies aériennes, le réclament. Aux Etats-Unis, en Allemagne, en France, les gouvernements auront un œil fixé sur la courbe du chômage et l’autre sur celle des sondages en prévision des élections. Et s’ils coiffent de surcroît leur casquette d’actionnaire après avoir nationalisé quelques fleurons en perdition, l’arbitrage sera vite rendu. Facteur aggravant, le plongeon des prix du pétrole sert aujourd’hui les intérêts des entreprises les plus polluantes et favorise la consommation des énergies fossiles au détriment du renouvelable.

De cette pandémie qui n’arrive qu’une fois par siècle, il faudra bien pourtant tirer les leçons afin de se préparer aux prochaines crises. Or le Covid passe les entreprises au révélateur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Chacune devra à l’avenir tester et démontrer sa résistance à de nouveaux chocs – virus, changement climatique irréversible ou autre catastrophe. La capacité à créer durablement de la valeur sans épuiser son écosystème marquera les différences, y compris sur les marchés financiers, où les fonds dits ESG ont remarquablement résisté durant la tempête boursière du mois de mars. C’est une bonne nouvelle : plus que jamais, les investisseurs ont le pouvoir de façonner le « monde d’après ».

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