
Le cours de l’or évolue entre valeur refuge et poids mort
Difficile de trouver un abri pour se protéger de la baisse des marchés. Depuis le début de l’année, l’ensemble des classes d’actifs sont à la peine. Même l’or a perdu de son lustre, le cours reculant de presque 8 % depuis son plus haut point de cette année atteint début mars (2.040 dollars l’once, proche du prix record de 2.067 dollars en 2020).
Depuis janvier, le métal jaune est en effet balancé entre plusieurs facteurs contradictoires. Malgré la baisse des marchés actions et des marchés obligataires, qui devraient pousser à rechercher de la protection, le prix de l’or est resté à peu près stable, autour de 1.800 dollars l’once. Jusqu’à mi-février, les anticipations de resserrement monétaire ont ainsi contribué à maintenir les cours à des niveaux relativement constants : l’actif est sans rendement, et une remontée des taux rend plus coûteuse sa détention en portefeuille.
Coût d’opportunité
Mais le choc de la guerre en Ukraine a poussé les investisseurs vers la matière première. « L’or a joué son rôle de valeur refuge en février et mars, les flux entrants sur les ETP (exchange-traded products, produits cotés en Bourse) dans la région Emea ayant dépassé 8 milliards de dollars », résume Chris Mellor, responsable Emea ETF actions et matières premières chez Invesco. A l’échelle mondiale, les actifs des ETP or ont progressé de 187 tonnes en mars, contre un total de 51 tonnes pour les deux mois précédents. Avant que les marchés ne se reprennent : le point d’inflexion est venu de la Fed qui, le 16 mars, a relevé ses taux de 50 points de base (pb). « Depuis, les flux se sont taris, la hausse des taux de la Fed augmentant le coût d’opportunité de la détention d’or dans un portefeuille », confirme Chris Mellor.
Par ailleurs, corollaire de ce resserrement, la force du dollar a écrasé la performance du métal : le cours de l’or en dollars a baissé de 0,3 % depuis le début de l’année, mais progresse de 9,7 % en euros (et de 12,7 % en yens). La conjoncture ne semble aujourd’hui pas favoriser le métal précieux. « Les marchés anticipent une remontée des taux réels, l’inflation devant ralentir tandis que la Fed remontera ses taux. La situation n’est donc pas bonne pour l’or, qui profite généralement des taux réels négatifs », rappelle Vincent Juvyns, stratégiste pour JPMorgan AM. Selon des calculs réalisés par le World Gold Council, la performance de l’or est divisée par deux lorsque les taux réels deviennent positifs (passant de 18 % en régime négatif à 8,7 % lorsque les taux réels sont inférieurs à 4 %). Aux Etats-Unis, ces taux sont passés de -1,1 % début 2022 à 0,3 % aujourd’hui.
Pourtant, « aux niveaux de taux réels actuels, l’histoire dicterait plutôt un cours de l’or entre 1.400 et 1.500 dollars l’once (contre 1.850 dollars environ aujourd’hui, NDLR), calcule Arnaud du Plessis, gérant actions thématiques chez CPR AM. Deux éléments peuvent expliquer cette prime importante : un affaiblissement du billet vert, qui a perdu du terrain ces derniers jours notamment face à l’euro. Et les perspectives économiques s’assombrissent, ce qui pourrait forcer la Fed à tempérer son discours et remonter moins agressivement ses taux. » Sans compter qu’un scénario de récession ou de stagflation est positif pour le métal, qui profiterait de son rôle d’actif refuge. Une inflation qui diminuerait enlèverait aussi de la pression sur l’or.
Enfin, si l’incertitude géopolitique est déjà bien intégrée dans les cours, elle devrait en tout cas inciter les investisseurs à demeurer exposés à l’actif : les ETP détenaient mi-mai 3.811 tonnes d’or, une augmentation de 255 tonnes depuis le début de l’année, un niveau record. Tant que les conditions économiques ne se raffermissent pas et que se poursuit la guerre en Ukraine, les marchés devraient continuer à être acheteurs nets.
Un élément pourrait, à la marge, soutenir aussi les prix. La demande en or des banques centrales va demeurer importante : une partie des institutions émergentes, qui en sont les principales acheteuses, doivent reconstituer leurs stocks vendus pendant la crise du Covid. Par ailleurs, ces acteurs institutionnels pourraient chercher à diversifier leurs réserves et acheter davantage d’or, plutôt que des actifs en dollars. Le World Gold Hub s’attend ainsi à ce que les institutions restent acheteuses nettes d’or en 2022, mais prévient que l’inflation et le ralentissement de la croissance pourraient contraindre la demande à court terme.

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