
Le conseil d’EDF donne de justesse son feu vert à l’offre de l’Etat

Soulagement pour l’Etat mais pas pour les minoritaires d’EDF. Le conseil d’administration de l’énergéticien a rendu jeudi soir un avis favorable au projet d’offre publique d’achat simplifiée (OPAS) de l’Etat, au prix de 12 euros par action et de 15,52 euros par Oceane.
Pour autant, cet avis est loin d’être unanime. Les administrateurs nommés par l’Etat et le représentant de l’Etat n’ayant pas participé au vote, seuls douze membres se sont exprimés, le PDG, les cinq indépendants et les six représentants des salariés. Sachant que cinq de ces salariés ont explicitement dit avoir voté contre et que la sixième a déclaré « ne pas [pouvoir] porter de vote positif », le PDG et les cinq indépendants ont nécessairement soutenu l’offre de l’Etat. Si les six salariés ont voté contre, le vote prépondérant du président l’a emporté.
Un vote qui pose question en termes de bonne gouvernance et d’indépendance. Le PDG et les indépendants ont tous voté dans le sens de l’Etat. Alors même qu’ils ne sont pas vraiment concernés par l’offre, puisque seuls Colette Lewiner (avec 1.348 actions) et Philippe Petitcolin (avec 10 actions) détiennent des titres. Les autres, le PDG, Jean-Bernard Lévy, Nathalie Collin, Bruno Crémel et Claire Pedini ne détiennent aucune action EDF. Et pourtant, ce sont eux qui décident pour les minoritaires. De plus, cette absence de détention, qui démontre le non-alignement d’intérêts entres les mandataires sociaux et les actionnaires, est contraire à la recommandation du code Afep-Medef. Non-respect pour lequel EDF n’apporte aucune explication dans son document d’enregistrement universel. De quoi donner du grain à moudre au Haut Comité de gouvernement d’entreprise (HCGE).
Une offre «équitable» d’un point de vue financier
L’expert indépendant, Finexsi, a conclu que les termes de l’offre sont «équitables» d’un point de vue financier pour les actionnaires d’EDF, y compris en cas de mise en œuvre d’un retrait obligatoire. Dans la foulée, le comité ad hoc, composé de trois indépendants et d’un salarié, recommande, à la majorité de ses membres, au conseil d’administration, de conclure que l’offre est dans l’intérêt de la société, de ses actionnaires et de ses salariés. Avis suivi par le conseil, qui recommande ainsi aux actionnaires et porteurs d’Oceane d’apporter leurs titres à l’offre.
Ceux qui espéraient une analyse différente de l’expert indépendant, et notamment une prise en compte de la demande indemnitaire d’EDF de 8,34 milliards d’euros auprès de l’Etat, en sont pour leurs frais. Un rapport qui a coûté 1,5 million d’euros. Pourtant, dans son courrier de fin août à Colette Neuville, Jean-Bernard Lévy précisait qu’il «revient à l’expert indépendant de procéder à la valorisation de la société, y compris en tenant compte de l’impact éventuel des demandes formulées par EDF le 9 août». Mais pour l’expert indépendant, en tenant compte de la demande indemnitaire de 8,34 milliards d’euros, la prime observée sur le prix d’offre «couvre 100% de la valeur actualisée de la demande indemnitaire (1,36 euro par action), mais la prime alors extériorisée ressort dans une fourchette de +0,4 % à +40,6 %». En réalité, l’expert indépendant reprend le raisonnement des banques initiatrices de l’offre. Autrement dit, en cas de succès du recours d’EDF contre l’Etat, déposé seulement hier matin devant le tribunal administratif de Paris, «l’Etat va s’approprier la totalité de l’indemnité, s’insurge Colette Neuville. C’est scandaleux et non conforme à l’équité. L’Etat devrait a minima verser aux minoritaires un complément de prix».
Le dossier est maintenant dans les mains de l’AMF qui doit se prononcer sur la conformité du projet d’offre. Dans ce dossier hautement politique, le rôle de la nouvelle présidente de l’AMF, encore en poste à Bercy en début de semaine, sera scruté de près. En attendant d’éventuels rebondissements…
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