
La finance se met en ordre de bataille face au défi climatique

Quelle sera demain la place financière la plus « verte » dans le monde ? Cette préoccupation peut paraître secondaire aujourd’hui, mais pourrait bien devenir un enjeu stratégique pour ces places demain, si l’on en croit Maria Scolan et Pierre Ducret, respectivement directrice de projets climat à la direction de la stratégie de la CDC et président de I4CE.
Ces deux économistes ont publié le 20 octobre un livre consacré aux avancées récemment accomplies par la finance dans la prise de conscience du risque climatique. Intitulé « Climat, un défi pour la finance », cet ouvrage, édité par les Petits matins, contraste avec le ton catastrophiste d’usage s’agissant de dérèglements climatiques. Pour Pierre Ducret, qui est aussi conseiller de la CDC pour le changement climatique, et Maria Scolan les dates charnières de la prise en compte du climat sont 2010 d’une part, avec l’apparition de concepts comme les « stranded assets » ou le « carbon bubble », et 2014-2015 d’autre part avec l’impulsion politique donnée par le Sommet mondial sur le climat organisé par l’ONU, relayée peu après par l’accord conclu à la COP21.
« Nous sommes passés d’une thématique marginale à un enjeu compris par environ la moitié des acteurs financiers de long terme », écrivent les deux auteurs qui citent les investisseurs institutionnels (fonds de pension, compagnies d’assurance, fonds souverain …). Les investisseurs prennent « de plus en plus conscience de l’influence réelle du changement climatique sur la valeur de leurs portefeuilles » et sont « de mieux en mieux outillés pour en tenir compte, grâce à la démarche de l’investissement socialement responsable » (ISR), soulignent-ils.
Aujourd’hui le marché de l’ISR atteint 30% des actifs gérés à travers le monde, et même 60% en Europe, précisent les deux experts, citant une étude de 2014 de la fédération mondiale des forums d’investisseurs ISR, le GSIA.
Cette dynamique a été entretenue par les prises de position officielles de banquiers centraux comme Mark Carney, gouverneur de la Banque d’Angleterre, par l’introduction de nouveaux outils sur lesquels travaillent les banques de développement pour mieux orienter les capitaux et, en France, par l’article 173 de la loi de la transition énergétique vers la croissance verte.
Pierre Ducret et Maria Scolan pêchent-ils par excès d’enthousiasme lorsqu’ils voient poindre l’ère de la « finance climat » ? L’objectif est à présent de « basculer l’ensemble des flux financiers » pour contenir le réchauffement de la planète en deçà de 2°C d’ici 2100 par rapport à l’ère préindustrielle, disent-ils. « Ce n’est pas utopique », réagissent les deux spécialistes qui rappellent que ce principe est bel et bien gravé dans l’accord de Paris.
Pour l’heure, la finance est encore loin d’être sur le bon cap, soulignent les auteurs. Pour mettre la finance en ordre de bataille, les auteurs préconisent d’actionner le levier de la réglementation comme a commencé à le faire l’Europe (normes de consommation d’énergie ou d’émission de GES dans le bâtiment, l’industrie ou l’automobile), mais aussi celui des incitations (soutien aux énergies renouvelables par des garanties d’achat à des tarifs fixés à l’avance).
Ils recommandent aussi d’étendre l’obligation de transparence et de reporting comme l’a fait la France, et bien sûr de muscler la tarification carbone dont le principe est enraciné en Europe, en Amérique du nord et prend pied en Chine. Question de bon sens disent-ils : « Donner un prix au carbone consiste, selon le principe économique du pollueur-payeur, à faire payer les externalités négatives – c’est-à-dire les dommages et les nuisances – causées par les émissions de GES à ceux qui en sont directement responsables ».
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La Havane - Une nouvelle panne générale d'électricité touche Cuba mercredi, la cinquième en moins d’un an sur l'île, qui fragilise l’activité économique du pays et met à rude épreuve la vie quotidienne des habitants. «Il y a eu une déconnexion totale du système électrique qui pourrait être liée à une panne inattendue» de la centrale électrique Antonio Guiteras, située au centre de l'île, a indiqué le ministère de l'Énergie et des Mines sur son compte X. Les autorités ont précisé par la suite que la panne, qui s’est produite aux alentours de 09H15 locales (13H15 GMT), était due à un signal erroné de surchauffe dans la chaudière de la centrale électrique, la plus importante du pays, ce qui a provoqué son arrêt et l’effondrement de l’ensemble du réseau. Le Premier ministre, Manuel Marrero Cruz, a assuré sur X que le pays avait «une stratégie bien définie» pour rétablir l'électricité «dans les plus brefs délais». Depuis octobre 2024, l'île communiste de 9,7 millions d’habitants a déjà subi quatre pannes généralisées, dont certaines ont duré plusieurs jours. Dans les rues de la capitale, de rares feux de signalisation fonctionnent, récemment équipés de panneaux solaires, tandis que de nombreuses personnes ont regagné leur domicile pour tenter de se préparer à l'éventualité d’une panne prolongée. «A nouveau, une journée de perdue ! Agonie et tristesse et pour certains désespoir», déplore auprès de l’AFP Alina Gutiérrez, 62 ans, qui a appris la nouvelle de la panne alors qu’elle faisait des achats sur un marché de fruits et légumes dans un quartier central de La Havane. Elle se hâte maintenant de rentrer chez elle, pour «prendre toute l’eau possible» de réserve et «attendre pour voir combien de temps cela va durer», alors que de nombreux immeubles dans la capitale sont alimentés en eau grâce à des pompes électriques. Dimanche, cinq des quinze provinces de l'île avaient déjà été plongées plusieurs heures dans l’obscurité en raison d’une panne sur une ligne du réseau électrique. «Dépense importante» Outre les grands hôtels et certains hôpitaux, dotés de groupes électrogènes, de plus en plus de familles et de propriétaires de petits commerces privés ont acquis de petits générateurs électriques pour pallier les pannes et délestages toujours plus fréquents. Mercredi, dans les quartiers les plus aisés de La Havane, le ronronnement de générateurs est continu, mais les coupures fragilisent notamment les petits commerces privés, qui ont fleuri depuis leur autorisation en 2021. «Cela nous affecte beaucoup», explique à l’AFP Odette Leon, 34 ans, propriétaire d’une pâtisserie dans l’ouest de la capitale. «Nous avons un générateur, mais cela entraîne une dépense plus importante parce qu’il faut du carburant, qui en ce moment n’est pas très facile à trouver», explique-t-elle, en demandant à ses employés d’annuler les commandes jusqu'à nouvel ordre. Cuba est en proie depuis cinq ans à une profonde crise économique, avec un manque cruel de devises, et le système électrique vétuste souffre d’avaries fréquentes et de pénuries de combustible. Les huit centrales électriques du pays ont presque toutes été inaugurées dans les années 1980 et 1990. Elles tombent régulièrement en panne ou doivent être arrêtées pour de longues semaines de maintenance. Deux centrales flottantes louées à une entreprise turque et des générateurs, qui complètent le réseau énergétique, sont alimentés par des combustibles que Cuba importe difficilement. L’installation récente de trente parcs photovoltaïques, soutenue par la Chine, sur les 52 prévus pour cette année, n’a pas permis pour l’heure de faire diminuer les coupures. Pendant l'été, alors que la consommation atteint des pics en raison des températures élevées, les délestages se sont multipliés. Selon les autorités, ces coupures programmées ont duré en moyenne près de quinze heures par jour en août et seize heures en juillet, dans tout le pays. Cuba traverse sa pire crise économique depuis trois décennies. Outre les coupures d'électricité, les habitants souffrent de pénuries en tous genres et d’une forte inflation. Aux faiblesses structurelles de son économie planifiée et centralisée s’ajoutent l'échec d’une réforme monétaire récente et un renforcement de l’embargo américain, en vigueur depuis 1962. Jordane BERTRAND © Agence France-Presse -
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