Société Générale : La revue stratégique débute par l’Afrique

A rebours des autres banques françaises, le groupe de La Défense avait renforcé ses investissements sur le continent. Mais la crise du Covid puis la montée du risque géopolitique l’amènent à resserrer sa présence.
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La Société Générale, rare banque française à maintenir sa présence sur le continent africain, se déleste de quatre filiales  - 

Après le rééquilibrage de sa banque de financement et d’investissement et la fusion de ses réseaux de banque de détail en France, la Société Générale s’attèle à un nouveau chantier : la rationalisation de sa présence à l’international. La banque rouge et noire a annoncé ce jeudi 8 juin la cession de ses filiales au Congo et en Guinée Equatoriale au groupe panafricain Vista ainsi que ses filiales en Mauritanie et au Tchad au groupe Coris. Elle déclare, par ailleurs, «avoir ouvert une réflexion stratégique sur sa participation de 52,34% au capital de l’Union Internationale de Banques (UIB), filiale de Société Générale en Tunisie».

Bien qu’annoncé quelques semaines après la prise de fonction de son nouveau directeur général Slawomir Krupa, ce recentrage géographique a été décidé dans les mois qui ont suivi l’éclatement du conflit en Ukraine. «La Société Générale mène régulièrement des revues stratégiques de son activité, en tenant compte de plusieurs paramètres, dont les facteurs géopolitiques», explique une source proche. Le groupe de La Défense avait ainsi entrepris, entre 2016 et 2019, de rééquilibrer sa présence en Europe de l’Est et dans les Balkans en cédant des filiales en Pologne, en Bulgarie, en Croatie, en Serbie et en Albanie.

Un risque géopolitique élevé

Après le choc de mars 2022, qui a amené à la vente de sa filiale russe Rosbank, les questions sur sa présence en Afrique se sont faites plus pressantes de la part des investisseurs et des analystes. «Le risque géopolitique est redevenu un facteur prépondérant dans l’analyse globale des risques. Dans certains de ces pays d’Afrique, il a tendance à demeurer plus élevé que sur d’autres marchés», rappelle Rafael Quina, analyste chez Fitch Ratings. Et d’ajouter : «La cession de ces filiales, dans des pays où elle n’a pas la taille critique, est de ce point de vue un signal positif».

Le produit net bancaire (PNB) réalisé par la Société Générale au Congo, en Guinée Equatoriale, au Tchad et en Mauritanie n’excède, pas en effet, 30 millions d’euros dans chacun de ces pays. Une contribution modeste au regard des investissements nécessaires pour s’y développer. Par ailleurs, «le coût du risque de ces activités est aussi structurellement plus élevé et le poids de ces filiales dans les encours douteux de la banque excède leur contribution au PNB du groupe», souligne Rafael Quina.

Une position de leader dans des marchés historiques

La Société Générale se défend, pour autant, de vouloir se désengager du continent africain. «L’Afrique est une zone géographique à potentiel de croissance où le groupe a bâti une présence historique et entend concentrer ses ressources sur les marchés où il peut se positionner parmi les banques de tout premier plan, en synergie avec les autres métiers du groupe et avec une taille critique permettant une contribution satisfaisante et durable à la création de valeur», justifie le groupe dans un communiqué.

La Société Générale dispose d’un ancrage historique en Côte d’Ivoire où elle est la première banque du pays, ainsi qu’au Sénégal et au Cameroun où elle revendique la deuxième place du marché. Au Maroc, où le groupe est présent depuis 1913, il occupe la cinquième position avec 469 millions d’euros de PNB en 2022.

Tandis que le Crédit Agricole et BPCE se sont quasiment retirés du continent, et que BNP Paribas a restreint sa présence, la Société Générale n’a jamais souhaité se défaire de cet héritage. Elle affichait, au contraire, avant la crise du Covid de fortes ambitions, souhaitant faire du continent africain «un relais de croissance». Elle a ainsi mis en place une organisation régionale renforcée avec des hubs à Casablanca, Abidjan, et Douala, recruté des dirigeants locaux et transféré ses équipes informatiques sur le continent.

La rentabilité en question

Dans le cadre de son plan à horizon 2020 «transform to grow», la banque déclarait viser une croissance annuelle moyenne des revenus de 8% sur la période 2016-2020 et une rentabilité des fonds propres (RONE) supérieure à 15%. «L’Afrique représente 5 % des revenus du groupe aujourd’hui. En 2030, ce sera peut-être 10 à 12 %», prédisait dans nos colonnes Philippe Heim, qui occupait alors la fonction de directeur général délégué de la Société Générale. En 2022, la banque de détail en Afrique a généré 1,8 milliard d’euros de PNB, soit un peu plus de 6% des revenus totaux du groupe. Le RONE de la zone Afrique, bassin méditerranéen et outre-mer s’est élevé à 13%, en deçà de la cible définie en 2017.

Pour le groupe, qui souhaitait accélérer, y compris dans les pays anglophones d’Afrique de l’Est où il n’était pas encore implanté, l’heure est désormais au recentrage. La crise du Covid a, en effet, abîmé la santé économique du continent, tandis que la concurrence s’est intensifiée, les acteurs marocains, sud-africains ou issus d’Afrique de l’Ouest devenant des acteurs panafricains. Signal de ce recul, la Société Générale a déjà mis fin en 2022 à Yup, sa solution de paiement mobile lancée en 2018. Elle avait pourtant dépassé son objectif de conquête en revendiquant deux millions de clients, mais n’a pas su trouver son modèle face à des concurrents offensifs comme Orange Money.

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