
Philippe Brassac: «Le Crédit Agricole a atteint ses objectifs avec un an d’avance»

L’Agefi : Comment pouvez-vous qualifier les résultats du Crédit Agricole pour 2021 ?
Philippe Brassac : Avec un bénéfice net publié de 9,1 milliards d’euros, le groupe a atteint un des meilleurs résultats de son histoire. La situation est identique pour Crédit Agricole SA et ses 5,8 milliards d’euros de bénéfice publié pour l’année passée. Nous avons en fait atteint avec un an d’avance les objectifs de notre plan à moyen terme 2019-2022.
Ces bons résultats sont à relier à la réussite de cette extraordinaire opération de protection de l’économie qui a été orchestrée par l’Etat et dans laquelle les banques se sont totalement investies. Cela a permis de faire baisser le coût du risque, même si nous sommes restés prudents en ne reprenant aucune de nos provisions prudentielles sur encours sains.
Rajoutons que tous nos métiers sont en croissance, avec une régularité dans le temps de nos revenus et de notre performance opérationnelle qui valident totalement notre modèle de banque universelle : chaque entité du groupe a ses propres objectifs d’efficacité, mais fait partie et contribue à un tout qui est supérieur à la somme des parties.
Faut-il craindre une inflation des coûts de la banque ?
Nous bénéficions d’un effet de ciseau positif, avec des revenus qui progressent plus rapidement que nos charges, tout en prenant en compte les dépenses liées à la reprise de Creval en Italie et à la réintégration de nos activités de crédit consommation au Pays Bas. Ces opérations expliquent d’ailleurs la très légère hausse de notre coefficient d’exploitation au quatrième trimestre. Sur l’année, avec un niveau de 57,8%, il demeure toutefois inférieur à 2020 et bien meilleur que la moyenne du secteur
Pourquoi le ratio de fonds propres durs de Crédit Agricole SA diminue-t-il ?
Pour Crédit Agricole SA, le ratio de solvabilité (CET1) se monte à 11,9%, contre 12,7% en septembre dernier, soit quatre points de pourcentage au-dessus des exigences réglementaires. La baisse provient du débouclage complet de notre mécanisme « switch », qui consistait à transférer aux caisses régionales une partie des exigences prudentielles de Crédit Agricole SA. Ce débouclage impacte notre ratio de solvabilité d’environ 60 points de base en 2021, mais en même temps, procure 100 millions d’euros de résultat supplémentaires. Là encore, nous avons pris de l’avance sur nos prévisions puisque nous nous étions engagés à déboucler ce mécanisme à 50% à horizon 2022.
Nous avons toujours pour cible un ratio CET1 de Crédit Agricole SA à 11%. Cela peut permettre d’améliorer encore notre retour sur capitaux propres tangibles (ROTE), même si celui-ci est déjà à 13,1%, bien au-dessus de la moyenne des autres banques européennes, depuis plusieurs années. Nous pouvons nous permettre d’optimiser notre CET1 pour notre entité cotée car le ratio de solvabilité du groupe dans son ensemble se monte à 17,5%.
Vous avez, en 2021, distribué une partie des dividendes que vous aviez conservés en 2020. Quelle est votre politique de distribution pour 2022 ?
En 2020, nous aurions dû verser 70 centimes, au titre de 2019. 30 centimes ont déjà été rendus aux actionnaires l’an dernier en les rajoutant aux dividendes normaux de l’exercice. Il reste ainsi 40 centimes à verser.
En 2022, nous avons l’intention de distribuer 1,05 euro de dividende par action Casa au titre de 2021, comprenant 20 centimes de rattrapage supplémentaire. Nous n’oublions pas qu’il nous restera encore 20 centimes supplémentaires à distribuer.
A ce stade, il n’est peut-être pas inutile de rappeler que du fait de notre modèle coopératif et mutualiste, plus des trois quarts des résultats du Groupe Crédit Agricole sont conservés pour être réinjectés dans l’économie.
Comment allez-vous faire évoluer cette politique ?
Sur l’ensemble de notre plan à moyen et long terme, nous aurons réellement tenus notre promesse de distribution de dividendes de 50%, sans impact final des limitations imposées pendant la crise. Avec le rattrapage de 2020, le taux de distribution effectif en 2022 sera de facto supérieur à 60%. Nous communiquerons sur notre politique de distribution à long terme lors de notre prochain plan stratégique le 22 juin prochain.
Craignez-vous que la sortie de crise se solde par une montée des défaillances des entreprises ?
Non, il n’y a pas de mur de la dette nette : dette brute et trésorerie ont crû en parallèle. Lorsque la crise est apparue, l’Etat est d’abord intervenu avec des aides directes et indirectes, financées in fine par de la création monétaire au niveau de la BCE. Ces aides sont venues compenser les manques de revenus commerciaux. Les prêts garantis par l’Etat (PGE) ont, par ailleurs et en plus, soutenu la trésorerie des entreprises. Or, si 140 milliards d’euros de PGE ont été distribués, dont un quart par le Crédit Agricole, ces PGE ont mécaniquement créé plus de 100 milliards de trésorerie supplémentaire dans les entreprises. Leur remboursement sur 6 années ne pose donc pas de problème systémique. A ce jour, 15 à 20% des PGE ont été complètement remboursés et près de la moitié des autres ont commencé à être remboursés en 2021 sans difficultés particulières. Il y aura des situations individuelles à traiter mais nous sommes outillés pour cela et c’est fondamentalement notre mission. Nous pouvons donc espérer ne subir qu’une remontée mécanique du risque vers son niveau moyen sur longue période.
Le changement de ton des banques centrales provoque une forte remontée des taux en Europe. Cette tendance sera-t-elle profitable au Crédit Agricole ?
Les banques centrales ont la capacité de maîtriser un retour progressif vers une normalisation monétaire synonyme de taux plus hauts. En ce qui nous concerne, et en tant que banques, nous sommes censés savoir neutraliser les effets des taux bas ou hauts sur nos marges d’intermédiation. Lorsque les taux sont bas, c’est l’emprunteur qui est gagnant ; lorsque les taux sont hauts, c’est l’épargnant. La banque, si elle gère correctement sa transformation actif-passif, doit neutraliser par des outils de couverture, les effets souvent négatifs de la période d’ajustement : pour des raisons de stock mais aussi de concurrence, les taux de crédits baissent souvent plus vite que les taux de l’épargne, et les taux de l’épargne remontent en général plus vite que les taux des crédits. Par ailleurs, lorsque les taux des crédits étaient au plus bas, la Banque centrale européenne a compensé en partie l’impact potentiel sur la marge d’intermédiation par des injections de liquidité bancaire à taux négatifs (TLTRO). En France, la baisse des marges d’intérêts, qui sont passées de 140 points de base sur le crédit immobilier il y a 30 ans à moins de 100 points de base aujourd’hui, est moins liée à la baisse des taux qu’à la concurrence accrue des banques.
Crédit Agricole Assurances est actionnaire de Korian. L’affaire Orpea remet-elle en cause le modèle des gestionnaires privés d’Ehpad et votre soutien au secteur ?
La société française doit financer la santé et la dépendance, et le Crédit Agricole continuera à le faire, que ce soit en accompagnant les structures d’accueil ou avec des services permettant le bien vieillir à domicile. Cependant, cette crise montre que le secteur a besoin d’être davantage normé, comme c’est le cas pour les hôpitaux et les cliniques. Elle illustre aussi l’importance de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) : il ne faut pas opposer rentabilité et qualité des prestations, au contraire. Pour qu’une entreprise ait des profits durables, il faut absolument que ses prestations soient vertueuses. C’est vrai pour tous les secteurs, la santé ou l’automobile comme le secteur financier.
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse