
Les investisseurs dans l’expectative

Fin mai, Denizbank, cinquième banque à capitaux privés, derrière trois établissements turcs et Garanti Bankasi (détenue à 50 % par UniCredit), a changé de mains. Sberbank, qui l’avait achetée à Dexia en 2012, l’a cédée à Emirates NBD pour 14,6 milliards de livres turques (2,7 milliards d’euros). Depuis le « miracle » turc de ces dernières années, nombre de groupes étrangers misent sur le potentiel du secteur bancaire. Ainsi, début 2017, l’espagnol BBVA s’est encore renforcé dans Yapi Kredi Bank. D’autres tiennent le cap, tels BNP Paribas, HSBC, ING ou UniCredit. Toutefois, « le ralentissement de la croissance en Turquie a conduit à déprécier la totalité de la survaleur de TEB pour 172 millions d’euros », a indiqué BNP Paribas lors de ses résultats du troisième trimestre 2017 à propos de sa filiale. Chacun réduit la voilure. Faute d’avoir pu vendre en 2015, HSBC a fermé 210 agences, réduisant de 73 % son réseau en Turquie et de 56 % ses effectifs (de 2.200 salariés), bien plus qu’ING qui a aussi ajusté son dispositif (55 agences fermées soit 17 % de réduction et 1.200 postes supprimés, soit 20 %) et que l’ensemble des banques étrangères (lire l’entretien). Tous privilégient une stratégie de croissance sélective, réduisant leur part d’actifs sur le marché pour préserver leur rentabilité.
Il y a trois semaines, l’agence Moody’s a rappelé ce qui sous-tend sa perspective négative sur le secteur bancaire turc : une croissance anticipée en baisse (4 % en 2018), une politique monétaire non orthodoxe, la dépréciation de la monnaie, une érosion de la solidité des institutions et un chômage élevé. Dans leur publication du 29 mai, les analystes de Syz Asset Management soulignent « la combinaison subtile d’un ralentissement de [la] croissance, d’une inflation obstinément élevée et d’une aggravation des déséquilibres externes et des incertitudes tant sur le plan géopolitique que sur la scène intérieure » que doit affronter la 17e économie mondiale. « Face à la chute actuelle de la livre, la banque centrale n’aura d’autres choix que de finalement relever agressivement ses taux, ce qui pèsera sur la consommation intérieure », poursuivent les auteurs. L’institution turque a bien relevé son principal taux d’intérêt, mais moins qu’attendu. Le président Erdogan reste opposé à cette politique qui n’a rien de populaire, alors qu’il a convoqué des élections anticipées, ce 24 juin, pour s’assurer un nouveau mandat avant que la situation économique ne devienne « vraiment catastrophique », selon les termes de Syz AM. Lui qui assimile la chute de la livre à un coup d’Etat économique, a tonné en campagne télévisée : « Les taux d’intérêt sont le père et la mère de tous les maux (…), la cause de l’inflation. (…) Je sortirai vainqueur face à ce fléau. »
HAut de cycle
Le Point du 24 mai 2018 relayait une « dérive dictatoriale » qui effraie de plus en plus Européens et Américains, après une année 2016 marquée par une tentative de putsch et des tensions avec la Russie, puis le vote de pouvoirs renforcés à Erdogan. Mais la Turquie est membre de l’Otan et a entamé un processus de candidature à l’Union européenne. Dès lors, ses alliés ne laisseront pas s’effondrer son secteur bancaire comme celui de l’Ukraine, d’autant que ses fondamentaux restent bons. Moody’s ne voit pas de détérioration en termes de capital et de rendement. Parmi les 17 banques que l’agence considère, représentant 94 % du système, douze conservent une perspective stable à leur note. En février, Standard & Poor’s a estimé que les banques turques restent correctement capitalisées. Même si la qualité des fonds propres pourrait aller en se détériorant. Mais l’agence anticipe une baisse de leur profitabilité en 2018, du fait notamment d’une contraction de la marge nette d’intérêt et d’un moindre volume de crédits. Elle projette aussi une augmentation marginale du coût du risque à 150 points de base en 2018, mais avec une détérioration modérée de la qualité des actifs. Si le haut de cycle a été atteint, nul ne sait anticiper précisément le retournement.
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« Aucun regret » : les manifestants népalais blessés fiers d'avoir porté le changement
Katmandou - Le 8 septembre, l’étudiant Aditya Rawal a vu 14 personnes tomber devant lui sous les balles de la police près du Parlement népalais où il manifestait contre le blocage des réseaux sociaux et la corruption du gouvernement. Il s’est précipité, les mains en l’air, pour aider l’un de ses camarades quand il a été lui-même atteint à un bras et au ventre. «J’avais entendu quelque part qu’en levant les deux mains, ils ne nous tireraient pas dessus», raconte à l’AFP ce jeune spécialiste de marketing numérique de 22 ans, depuis son lit d’un hôpital de la capitale Katmandou. «Mais j'étais leur cible», ajoute-t-il. Ce lundi-là, Aditya Rawal avait rejoint le cortège de milliers de jeunes, réunis sous la bannière de la «Génération Z», qui dénonçaient un gouvernement à leur yeux corrompu et incapable de satisfaire leurs exigences, notamment en matière d’emploi. Plus de 20% des jeunes Népalais de 15 à 24 ans sont au chômage, selon les estimations de la Banque mondiale. «Il y avait eu beaucoup de manifestations auxquelles participaient des personnes plus âgées, mais lors de la nôtre, ils ont eu recours à des armes à feu», se désole-t-il. Au lendemain de la manifestation, la colère s’est prolongée dans les rues de la capitale, où les principaux symboles du pouvoir - Parlement, bâtiments gouvernementaux, résidences d'élus - ont été incendiés ou détruits. Selon le dernier bilan officiel, ces émeutes, les plus graves depuis l’abolition de la monarchie au Népal en 2008, ont fait au moins 72 morts. Et 191 blessés étaient encore hospitalisés dimanche, comme Aditya Rawal. Le Premier ministre KP Sharma Oli n’a eu d’autre choix que de démissionner, remplacé vendredi par l’ex-cheffe de la Cour suprême Sushila Kalki, 73 ans, à la tête d’un gouvernement provisoire jusqu’aux élections prévues le 5 mars 2026. «Du courage» L’infirmière Usha Khanal, 36 ans, raconte avoir soigné des blessés avec des gants «imbibés de sang» au milieu des gaz lacrymogènes tirés à proximité par les forces de l’ordre. L’hôpital public de Katmandou a admis 458 manifestants blessés, six y sont morts dont quatre âgés de moins de 30 ans. «Nous voulons un gouvernement transparent, sans corruption et pas une dictature», met en garde Aditya Rawal. «S’il n’y a pas de changement, nous avons encore le temps de nous battre.» La cousine d’Aditya Rawal, Puja Kunwar, 20 ans, reste à son chevet depuis lundi. «Il a agi pour notre pays», assure la jeune femme, «cela me donne vraiment du courage». Dans le même service, Subash Dhakal, un manifestant de 19 ans grièvement blessé aux genoux, a été informé par ses médecins. Il devra rester alité pendant six mois. Les sacrifices des victimes «ne doivent pas être vains», souligne-t-il. «Ce que nous avons fait a fait tomber le gouvernement et permis d’en nommer un autre (...) nous ne voulons pas que le pays retourne en arrière». Sa mère enseignante dans une école publique, Bhawani Dhakal, 45 ans, lui avait donné de l’argent pour rejoindre en bus les manifestations depuis leur ville natale, à 30 km de Katmandou. Elle raconte avoir elle-même manifesté, il y a quelques mois, avec des collègues contre un projet de loi sur l'éducation. Sans résultat. «C’est incroyable qu’ils aient réussi à susciter un tel changement en seulement vingt-quatre heures», se félicite-t-elle. «Nos enfants ont fait partir tous les dirigeants corrompus.» Subash Dhakal est tout aussi fier. «Je n’ai aucun regret,» affirme-t-il. «Je ne l’ai pas fait que pour moi mais pour tout le monde, de ma famille à tous les frères. La douleur (de ma blessure) est éphémère, elle aura surtout permis des changements». Glenda KWEK and Anup OJHA © Agence France-Presse -
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