
Les inspecteurs prennent de la hauteur

Des collaborateurs de l’inspection générale (IG) pris en photo en train de sauter en l’air pour illustrer le compte Instagram de leur banque. A première vue, l’initiative peut surprendre venant d’un métier certes prestigieux dans le monde bancaire, mais qui peut véhiculer une image un peu austère. « L’objectif était de communiquer sur la mobilité à l’IG pour donner aux candidats extérieurs l’envie de nous rejoindre », précise un porte-parole de BPCE, où l’IG a envahi les réseaux sociaux cette année pour sa traditionnelle campagne de recrutement. Instagram donc, mais aussi Snapchat, LinkedIn (la page affiche plus de 1.300 « followers »), Twitter et YouTube ont été mis à profit afin d’attirer des jeunes diplômés ou ayant une première expérience.
Recrutement sélectif
Si le géant mutualiste a investi ces plates-formes très prisées de la « génération Y » (nés entre 1980 et 2000), c’est afin de convaincre ces derniers de participer à un dispositif de recrutement très spécifique, comparable à nul autre au sein des grands établissements bancaires. « Il faut passer un parcours de sélection pour intégrer l’IG. Différentes aptitudes ne reposant pas sur des connaissances sont évaluées au cours de plusieurs épreuves écrites et orales, explique Maxime Crespel, inspecteur principal au sein de BPCE et secrétaire général de l’inspection générale du groupe. Tout récemment, nos candidats ont participé à la dernière épreuve de recrutement : le jury final. Il s’agit d’une épreuve orale devant l’inspecteur général et des dirigeants du groupe (filiales et établissements du groupe). Ceux qui seront retenus constitueront la promotion qui nous rejoindra en début d’année 2018. »
Jérémy Mercon est inspecteur au sein du groupe BPCE. Le jeune homme de 25 ans a intégré l’IG en septembre 2016. « J’avais candidaté pour ce métier car j’avais vu qu’il offrait une diversité de sujets à traiter, des déplacements au sein des entreprises, un travail approfondi sur les métiers… Je me disais qu’être inspecteur m’apporterait une expérience technique, une méthode de travail solide, un peu comme les classes préparatoires, raconte ce diplômé de Skema Business School. Le parcours de sélection m’a laissé un très bon souvenir. C’est très exigeant, il y a plusieurs étapes à passer mais les exercices sont intéressants car on est évalué sur notre capacité de raisonnement et pas uniquement sur les diplômes, le parcours professionnel, etc. Cela rend le recrutement plus objectif à mon sens. » Les inspecteurs de BPCE travaillent trois à six ans avant d’évoluer vers des postes opérationnels au sein du groupe. « Nous recrutons des jeunes diplômés d’écoles de commerce/d’ingénieurs et de l’université. Il faut des ‘têtes bien faites’ qui ont la volonté d’apprendre et de se former pendant cinq, six années, déclare de son côté Aurélien Pennerat, 31 ans, inspecteur principal au sein du groupe Société Générale. Ce manager qui exerce à l’IG de la banque au logo rouge et noir depuis juin 2006, gère avec ses collègues inspecteurs généraux 140 inspecteurs au total. On attend beaucoup d’eux pendant cet apprentissage. L’IG, qui fait partie de la 3e ligne de défense (contrôle périodique), constitue le niveau le plus élevé du contrôle interne au sein de la banque. Les jeunes inspecteurs ont aussi face à eux des interlocuteurs de haut niveau. »
un Métier formateur
L’approche est différente chez Axa. « Depuis octobre 2016, j’ai constitué une nouvelle équipe – d’environ 10 collaborateurs – afin de développer le contrôle interne au niveau du groupe, explique Céline Samain, responsable du risque opérationnel groupe et du contrôle interne. L’objectif de cette équipe est de définir une méthode commune et d’accompagner sa mise en œuvre dans toutes les entités Axa. Nous avons des équipes relais au sein des entités. » Le recrutement interne est favorisé dans cette fonction. « Le métier du contrôle interne consiste à s’assurer d’un bon niveau de contrôles face à nos risques majeurs, ce qui nécessite une très bonne compréhension de nos activités, souligne Céline Samain. Par conséquent, nos profils sont plutôt expérimentés (environ 10 ans d’expérience professionnelle). »
Une expérience au sein de l’IG ou du contrôle interne d’une institution financière présente un triple avantage : la possibilité d’acquérir des connaissances techniques sur une grande palette de métiers, de développer des aptitudes sur le plan relationnel et managérial, et de se créer en interne un réseau de contacts de dirigeants. Les missions des inspecteurs ne sont pas uniquement de nature financière, comme le fait observer Maxime Crespel : « Les thématiques d’audit que l’on nous confie requièrent une appréciation du risque au sens large. Nous examinons les risques financiers et non financiers tels la stratégie, les RH, les risques d’image… Nous allons au-delà des données financières car les risques potentiels ne sont pas uniquement dans les chiffres. Par exemple, nous sommes attentifs au traitement des réclamations des clients ou à la QVT (qualité de vie au travail) au sein d’une entité. » « Au cours d’une mission, on ne se concentre pas uniquement sur la sphère financière, confirme Jérémy Mercon. Les sujets à dimension stratégique, commerciale, réglementaire, informatique, juridique, RH, de gouvernance, font aussi partie de notre champs d’investigations. » Le jeune inspecteur a déjà réalisé trois missions en un peu plus d’un an. « La première à Nouméa en Nouvelle-Calédonie (Banque de Nouvelle Calédonie), la deuxième au sein d’un GIE détenu par plusieurs Caisses d’Epargne, avec des déplacements à Créteil, Montpellier et Reims. Et la troisième à la Caisse d’Epargne Ile-de-France, détaille-t-il. J’ai également participé à un ‘tour de banque’ à la Banque Populaire Atlantique à Nantes, qui offre une vision globale du fonctionnement d’une banque. J’ai ainsi assisté à des entretiens avec des clients en agence. Ma prochaine mission couvre plusieurs entités de private equity. » Ces investigations, qui se font avec le concours de dirigeants/responsables opérationnels, permettent aux inspecteurs/contrôleurs internes d’affiner leurs « soft skills » (compétences « douces »). « Les compétences techniques sont essentielles dans notre métier (90 % des collaborateurs sont régulièrement formés à chaque intermission) mais toute une série de compétences complémentaires sont aussi nécessaires, insiste Maxime Crespel. Les inspecteurs doivent avoir le sens de la pédagogie, de la diplomatie aussi car on peut avoir des points de désaccords avec les audités. Il faut savoir écouter les interlocuteurs, être humble, faire preuve de courage pour défendre ses positions et être capable de convaincre. » « Il faut des gens courageux et diplomates, soutient Céline Samain. C’est fondamental quand on travaille sur des sujets liés aux risques car on est parfois le porteur de mauvaises nouvelles. »
Le numérique aussi
Dans cette fonction où les données financières constituent une base de travail de plus en plus grande et complexe, la digitalisation est un enjeu fort. « Axa est bien sûr impacté par l’automatisation et se transforme. Par conséquent, notre métier aussi, note Céline Samain. Par ailleurs, l’automatisation nous touche dans notre quotidien car nous mettons actuellement en œuvre un outil de suivi afin d’améliorer, entre autres, nos reportings de contrôle interne pour les dirigeants du groupe. » « A la Société Générale, notre travail au quotidien évolue avec le digital et l’usage de nouveaux outils de traitement des données, plus rapides et puissants. Nous sommes entrés dans l’ère du ‘big data’ et avons conçu en interne une plate-forme spécifiquement dédiée au traitement des données », dévoile Aurélien Pennerat. De nouveaux profils font leur apparition. « Ces dernières années, nous avons donc intégré des informaticiens à nos équipes. Et depuis 18 mois, nous avons accueilli des spécialistes des données, ‘data scientists’, qui interviennent en complément des inspecteurs, sur le traitement des données », poursuit l’inspecteur principal. Les déploiements de grande envergure arrivent bientôt. « On parle de longue date d’automatisation mais tous les leviers ne sont pas encore utilisés. Dans deux, trois ans, les solutions technologiques devraient être largement déployées », prévoit Anne-Claude Tessier, associée KPMG, finance transformation & digitalisation. « Les informaticiens ne vont pas remplacer les contrôleurs internes ! Cela étant, la gestion du changement va être primordiale ; il faudra intégrer de nouvelles connaissances, développer des compétences différentes. Ce mouvement est déjà en cours », constate Yohann Vermeren, associé, IT risk consulting chez KPMG.
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