
Les assureurs cyber veulent clarifier les exclusions liées à la guerre
L’assurance partage le vieux dicton populaire selon lequel il vaut mieux prévenir que guérir. Alors que le risque de cyberattaques ne fait que grimper avec le conflit en Ukraine, les assureurs du risque cyberse mobilisent pour obtenir une clarification des clauses d’exclusion en cas de cyberguerre. Après que plusieurs d’entre eux ont remonté leurs attentes à France Assureurs, la fédération a créé un groupe de travail ad hoc au sein de son comité juridique pour plancher sur la définition de guerre et proposer une modification du Code des assurances, rapportent plusieurs sources à L’Agefi. «Les assureurs ont identifié il y a déjà quelque temps l’intérêt de clarifier la définition juridique de la guerre. Dans un contexte de montée des risques cyber à la suite de la crise sanitaire et de la généralisation du télétravail, et comme le propose le Haut Comité juridique de la place financière de Paris dans son rapport du 28 janvier, il s’agit de clarifier l’application des contrats en cas d’attaque cyber impliquant des Etats», confirme à L’Agefi Franck Le Vallois, directeur général de France Assureurs.
Définition
Fin février, un rapport du Haut Comité juridique de la Place financière de Paris (HCJP) portant sur l’assurabilité des risques cyber pointait en effet du doigt la nécessaire clarification sur le sujet. Si l’article L121-8 du Code des assurances dispose que «l’assureur ne répond pas, sauf convention contrainte, des pertes et dommages occasionnés soit par la guerre étrangère, soit par la guerre civile, soit par émeutes ou par des mouvements populaires», le HCJP souligne notamment la difficulté de lier la cyberguerre et la notion de guerre étrangère liée à un Etat qui a les attributs d’un risque systémique inassurable. Dans les contrats, l’exclusion liée à un fait générateur de nature cybernétique ne s’applique que lorsqu’elle est stipulée. Surtout, l’exclusion en raison d’une guerre étrangère «a été introduite en droit des assurances par la loi du 13 juillet 1930 dans un environnement où le concept de guerre étrangère était attendu selon une acception juridique classique différente de celle actuelle, marquée par les évolutions des conflits entre les Etats et les évolutions du droit international public», souligne le HCJP. Or, la guerre d’aujourd’hui est qualifiée d’hybride par les experts, mêlant guerre physique, économique mais aussi cyber.
Cette évolution n’est pas nouvelle, mais prend une autre ampleur du fait de l’activité cybercriminelle de la Russie et de groupes de criminels qui y sont rattachés. «Cette interrogation juridique sur la notion de guerre telle qu’introduite par une loi de 1930 pour les contrats d’assurance est récurrente», explique Franck Le Vallois. Pour faire avancer les choses, le HCJP propose de modifier le Code des assurances pour ajouter un alinéa définissant la guerre étrangère «y compris en l’absence de déclaration formelle de guerre ou d’attribution publique, tout conflit armé international impliquant un Etat, ou une, ou plusieurs personnes agissant sous le contrôle ou au service des intérêts de cet Etat, y compris en cas de mise en œuvre d’armes ou de moyens cybernétiques ».
Clarifer les contrats
Le groupe de travail formé par France Assureurs planche lui aussi sur une véritable définition juridique de la notion de guerre en constatant que les conflits sont désormais protéiformes. Alors qu’ils n’en sont encore qu’au début des réflexions, «il est très probable que la proposition retenue soit d’étendre la définition de guerre étrangère à guerre par tous les moyens», juge un assureur. Après lagrande concertation nationale sur l’assurance cyber lancée par la Direction générale du Trésor l’an dernier dont les conclusions, initialement attendues à la fin du premier trimestre 2022, devraient finalement être rendues à la suite des élections législatives, une potentielle modification de la loi reste dans les mains de la prochaine législature. «France Assureurs a naturellement entamé une réflexion pour contribuer le moment venu à la clarification proposée par le HCJP si les pouvoirs publics décident de se saisir de la question», explique le directeur général de la fédération.
Un autre moyen est de clarifier le plus possible dans les contrats les clauses d’exclusion en cas de cyberguerre. L’Association du marché du Lloyd’s a ainsi anticipé en publiant dès la fin 2021 quatre modèles de clause d’exclusion de la cyberguerre. Le réassureurs Munich Re, qui est le réassureur le plus exposé au risque cyber selon les analystes d’UBS, prévoit aussi de nouvelles formulations dans les polices d’assurance pour exclure la guerre. «La pandémie a enseigné à notre industrie comme il est douloureux d’avoir des formulations peu claires », a déclaré Jurgen Reinhart, qui dirige la souscription cyber chez Munich Re.
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