
«Le calcul des contributions au fonds de résolution européen est inacceptable»

- L’Agefi: Les récentes Assises du financement et de l’investissement ont mis l’accent sur le développement de la titrisation en France. Comment les banques françaises y travaillent-elles?
- M-A Barbat-Layani: En France, il n’y a pas aujourd’hui de problème d’offre de crédit. L’encours de crédit à l’économie a progressé de 2,3% sur un an. Mais le développement d’une titrisation sûre et transparente est nécessaire en raison de la pression réglementaire sur le bilan des banques. Nous devons en effet nous mettre en situation, tant au niveau français qu’européen, de pouvoir accompagner une reprise de la demande de crédit. En France, le gisement majeur de titrisation sur lequel nous travaillons est le crédit immobilier, qui représente un encours de 830 milliards d’euros, constitué d’un ensemble de créances homogènes et peu risquées.
- Peut-on relever le niveau des marges sur le crédit immobilier, qui constitue aujourd’hui un frein à la titrisation ?
- C’est un sujet complexe car le secteur bancaire français est très concurrentiel. La question du niveau des taux de la nouvelle production de crédits se posera cependant si la titrisation doit se développer.
- Attendez-vous pour le secteur des avancées dans le projet de loi de finances 2015 ?
- Nous souhaitons que la taxe systémique, qui a coûté au secteur bancaire plus de 800 millions d’euros en 2013, serve à financer le futur fonds européen de résolution bancaire. Il pouvait paraître logique que cette taxe, à sa création, soit affectée au budget de l’Etat, car susceptible d’être appelé en direct en cas de difficulté d’un établissement. Mais le nouveau système mis en place en Europe, fondé sur un principe de renflouement interne (bail-in) et un fonds de résolution ad hoc, protège désormais le contribuable. Nous sommes conscients du contexte budgétaire tendu mais nous espérons un premier signal de la réaffectation de la taxe systémique au fonds de résolution européen dès la loi de Finances pour 2015.
De même, nous souhaitons une mise en extinction progressive de la taxe sur les salaires, qui pèse sur l’emploi et qui a coûté aux banques françaises 2 milliards d’euros l’an dernier. Il faudrait a minima supprimer la tranche de 20% sur les hauts salaires qui a été adoptée en 2012 et qui pénalise la Place de Paris.
- La contribution des banques françaises au futur fonds de résolution européen se précise-t-elle ?
- La constitution de ce fonds de résolution unique, d’un montant de 55 milliards d’euros en 8 ans, sera une charge considérable qui aura un impact sur le financement de l'économie. La répartition entre les secteurs bancaires va être décidée dans les prochaines semaines. Mais, selon de premières informations, le mode de calcul retenu ne prend pas suffisamment en compte les encours pondérés reflétant les risques des établissements. Il en ressort que les banques françaises qui ont pourtant bien traversé la crise, seraient pénalisées et pourraient payer une part de 30%, soit une contribution de 16,5 milliards d’euros, alors que la France représente 21,5% des risques pondérés des banques de la zone euro. Nous avons alerté les pouvoirs publics, car c’est inacceptable pour l’économie française.
- Que faut-il faire ?
- Introduire un plafond par pays, ou revoir les critères de calcul des contributions pour mieux tenir compte du risque de chaque banque, afin d’éviter un transfert de charges entre secteurs bancaires de différents pays. Il serait légitime que la contribution des banques françaises soit d’un peu plus de 20% du total, un niveau comparable à celui de l’Allemagne, qui a obtenu des dérogations pour ses petites banques.
- Craignez-vous l’arrivée du T-LAC, le projet de capacité d’absorption des pertes pour les très grandes banques, dont le G20 s’est saisi ?
- L’Europe a déjà mis en place tout un dispositif, le MREL (minimum requirement for eligible liabilities, ndlr). Soit le régulateur considère que le MREL est suffisant, soit il faut un recouvrement entre les deux systèmes, en permettant que les instruments européens soient comptabilisés aussi dans le T-LAC. Le G20 ne peut pas créer un deuxième coussin de sécurité sans prendre en compte ce qui a déjà été fait. L’Europe, qui a fait un pas colossal avec l’Union bancaire et la création du premier superviseur non-national au monde, doit davantage faire entendre sa voix dans ces instances internationales.
- T-LAC, ratio de levier… Ces projets ne remettent-ils pas en cause le modèle français de banque universelle ?
- Ces différents projets d’inspiration anglo-saxonne sont une menace pour notre modèle, et pénalisants pour le financement de notre économie. Il est indispensable de préserver le modèle de banque universelle à l’heure où le recours aux marchés se développe. Le projet européen sur l’organisation des banques, s’il devait être poursuivi, devrait prendre en compte cette exigence. Nous contestons cette idée que l’Europe souffrirait de la taille de ses banques ou d’une sur-bancarisation en oubliant que le secteur bancaire américain est plus concentré et que des réponses appropriées ont été apportées à la question du too big to fail. D’une manière générale, l’Europe doit mieux défendre ses spécificités et faire valoir ses évolutions réglementaires spectaculaires.
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Denpasar - L’Indonésie et l’Union européenne (UE) ont conclu mardi à Bali un accord de libre-échange à l’issue de longues négociations qui se sont accélérées après la hausse des droits de douane américains. Paraphé par le ministre indonésien de l’Economie, Airlangga Hartarto, et le commissaire européen au Commerce, le Slovaque Maros Sefcovic, l’accord va faciliter les échanges entre les 27 nations du bloc européen et la plus grande économie d’Asie du Sud-Est. «L’UE et l’Indonésie envoient un message fort au monde selon lequel nous sommes unis dans notre engagement en faveur d’un commerce international ouvert, fondé sur des règles et mutuellement bénéfique», a déclaré M. Sefcovic. Retardés notamment par l'épineuse question des produits issus de la déforestation, les pourparlers se sont accélérés après la décision du président américain Donald Trump d’imposer une hausse des droits de douane à de nombreux pays. Alors que ses produits exportés vers les Etats-Unis sont désormais taxés à 19%, Jakarta s’est tourné vers l’UE pour obtenir un accès préférentiel. De leur côté, également visés par l’administration Trump, les Vingt-Sept cherchent à diversifier leurs partenariats commerciaux. «Cette signature (...) a été finalisée en raison de la guerre tarifaire de Donald Trump. L’indonésie doit chercher un marché alternatif en Europe et l’Europe (...) a besoin d’un marché à pénétrer», a commenté pour l’AFP Bhima Yudhistira Adhinegara, directeur exécutif du Centre d'études économiques et juridiques de Jakarta. - Droits de douane à 0% - Selon l’accord, 80% des produits indonésiens exportés vers l’UE bénéficieront de droits de douane nuls, a indiqué M. Airlangga. Cela devrait bénéficier aux principaux produits indonésiens, notamment les chaussures, les textiles, les produits de la pêche ou encore l’huile de palme, a-t-il ajouté. «Notre accord avec l’Indonésie crée de nouvelles opportunités pour les entreprises et les agriculteurs» et «nous assure également un approvisionnement stable et prévisible en matières premières essentielles», a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, citée dans un communiqué. L’UE est le cinquième partenaire commercial de l’Indonésie, avec 30,1 milliards de dollars (25,6 milliards d’euros) d'échanges en 2024. Avec cet accord, «il sera plus facile pour les produits de (l’UE) d’entrer» en Indonésie, un marché de 280 millions d’habitants, souligne Deni Friawan, chercheur au Centre d'études internationales et stratégiques (CSIS). L’UE, en retour, ouvre des perspectives aux secteurs indonésiens comme le textile ou la chaussure, fortement concurrencés par le Vietnam, lequel a signé un accord commercial avec l’UE dès 2019, un an après Singapour. L’accord permettra également des investissements en Indonésie, notamment dans des secteurs stratégiques tels que les véhicules électriques, l'électronique et les produits pharmaceutiques. Au total, les exportateurs européens «économiseront quelque 600 millions d’euros par an en droits de douane sur leurs marchandises» entrant en Indonésie, ajoute le communiqué. Déforestation Les relations ont été tendues dernièrement entre Bruxelles et Jakarta du fait d’une interdiction d’importation proposée par l’UE sur les produits liés à la déforestation. Ceci a irrité l’Indonésie, important exportateur d’huile de palme. L’entrée en vigueur de cette législation a été reportée à la fin de cette année. L’accord «établit une plateforme de coopération, de dialogue et de facilitation des échanges sur un éventail de questions environnementales et climatiques liées au commerce, y compris dans le secteur de l’huile de palme». Selon M. Airlangga, M. Sefcovic avait promis d’accorder un «traitement spécial» à Jakarta concernant la politique de déforestation, sans donner plus de détails. Les défenseurs de l’environnement craignent que l’accord n’entraîne une accélération de la déforestation en raison d’une demande accrue d’huile de palme indonésienne. «Les forêts naturelles restantes dans les concessions de palmiers à huile seront potentiellement défrichées dans un avenir proche (et) converties en plantations», s’inquiète Syahrul Fitra de Greenpeace Indonésie. Les Parlements de chacun des 27 Etats européens et de l’Indonésie doivent encore ratifier le texte avant une entrée en vigueur espérer en 2027. Aldiv ALFASERA with Dessy SAGITA in Jakarta © Agence France-Presse -
Super typhon Ragasa: Hong Kong et Shenzhen en alerte maximale
Hong Kong - Les autorités de Hong Kong se préparent dans l’urgence à l’arrivée du super typhon Ragasa mardi, les autorités mettant en garde contre une «menace grave» comparable à certaines des tempêtes les plus destructrices de l’histoire récente de la ville. Selon le service météorologique de Hong Kong, Ragasa générait des vents d’une vitesse maximale soutenue de 220 km/h en son centre alors qu’il traversait la mer de Chine méridionale tôt mardi matin, après avoir déjà frappé certaines régions des Philippines. Le centre financier se préparait à des perturbations et des dégâts importants, tandis que Shenzhen, le pôle technologique chinois voisin, a ordonné l'évacuation de 400.000 personnes. «Ragasa représentera une menace grave pour Hong Kong, qui pourrait atteindre les niveaux de Hato en 2017 et de Mangkhut en 2018", a prévenu lundi Eric Chan, le numéro deux de Hong Kong, en référence aux deux super typhons qui ont chacun causé des centaines de millions de dollars de dégâts matériels. L’aéroport de Hong Kong restera ouvert, mais il y aura «d’importantes perturbations dans les opérations aériennes» à partir de 18H00 (10H00 GMT) mardi jusqu’au lendemain, a déclaré l’autorité aéroportuaire. Plus de 500 vols de la compagnie aérienne hongkongaise Cathay Pacific devraient être annulés. L’Observatoire météorologique de Hong Kong a déclaré qu’il émettrait son troisième niveau d’alerte au typhon le plus élevé («T8») mardi à 14H20 (06H20 GMT , heure à laquelle les commerces fermeront et la plupart des transports seront interrompus. «De meilleures précautions» Les habitants se sont précipités pour faire des provisions avant l’arrivée de Ragasa, vidant les rayons des supermarchés de leurs produits frais, légumes et pains. «Il y a forcément de quoi s’inquiéter», souffle Zhu Yifan, un étudiant chinois de 22 ans qui fait ses courses au supermarché. Zoe Chan, âgée d’une cinquantaine d’années, a empilé des sacs de sable devant sa boutique de vêtements dans le quartier de Wanchai, affirmant qu’elle s’attendait à ce que son commerce soit «ruiné» par les dégâts causés par l’eau. «Le plus important est de prendre de meilleures précautions, afin que je puisse être plus tranquille», a souligné Mme Chan auprès de l’AFP. Les cours seront suspendus dans les écoles mardi et mercredi. La bourse de Hong Kong a modifié ses règles cette année afin de maintenir les marchés ouverts pendant les typhons, son opérateur ayant déclaré à Bloomberg News qu’il «surveillait de près» la situation. Les autorités ont demandé aux habitants des zones basses d'être vigilants face aux inondations, tout en ouvrant 46 refuges temporaires. Ragasa, qui tire son nom du mot philippin signifiant «mouvement rapide», sera au plus près de Hong Kong et de Macao mercredi matin, selon les services météorologiques chinois. Rayons vides à Shenzhen Les rayons de viande fraîche et de légumes étaient presque vides lundi soir dans un supermarché du district de Bao’an à Shenzhen, ont constaté des journalistes de l’AFP. Les files d’attente aux caisses étaient longues dans ce magasin très fréquenté, où les gens se dépêchaient de faire leurs courses. Un employé du supermarché a déclaré à l’AFP que le pain était déjà épuisé à midi, ajoutant : «Ce n’est pas comme ça normalement». Les autorités ferroviaires de Canton ont annoncé qu’aucun train ne circulerait mercredi, a rapporté le South China Morning Post. Selon les scientifiques, le changement climatique provoque des phénomènes météorologiques extrêmes plus fréquents et plus intenses partout dans le monde. Les Philippines ont évacué plus de 10.000 personnes et fermé les écoles et les bureaux gouvernementaux dans tout le pays en réponse au super typhon. Holmes CHAN with Peter CATTERALL in Shenzhen © Agence France-Presse