«Le calcul des contributions au fonds de résolution européen est inacceptable»

Selon Marie-Anne Barbat-Layani, directrice générale de la Fédération bancaire française, la facture atteindrait 16,5 milliards d’euros pour les prêteurs français
A. Garabedian et S. Poullennec
Marie-Anne Barbat-Layani, directrice générale de la FBF. Photo DR.
Marie-Anne Barbat-Layani, directrice générale de la FBF. Photo DR.  - 

- L’Agefi: Les récentes Assises du financement et de l’investissement ont mis l’accent sur le développement de la titrisation en France. Comment les banques françaises y travaillent-elles?

- M-A Barbat-Layani: En France, il n’y a pas aujourd’hui de problème d’offre de crédit. L’encours de crédit à l’économie a progressé de 2,3% sur un an. Mais le développement d’une titrisation sûre et transparente est nécessaire en raison de la pression réglementaire sur le bilan des banques. Nous devons en effet nous mettre en situation, tant au niveau français qu’européen, de pouvoir accompagner une reprise de la demande de crédit. En France, le gisement majeur de titrisation sur lequel nous travaillons est le crédit immobilier, qui représente un encours de 830 milliards d’euros, constitué d’un ensemble de créances homogènes et peu risquées.

- Peut-on relever le niveau des marges sur le crédit immobilier, qui constitue aujourd’hui un frein à la titrisation ?

- C’est un sujet complexe car le secteur bancaire français est très concurrentiel. La question du niveau des taux de la nouvelle production de crédits se posera cependant si la titrisation doit se développer.

- Attendez-vous pour le secteur des avancées dans le projet de loi de finances 2015 ?

- Nous souhaitons que la taxe systémique, qui a coûté au secteur bancaire plus de 800 millions d’euros en 2013, serve à financer le futur fonds européen de résolution bancaire. Il pouvait paraître logique que cette taxe, à sa création, soit affectée au budget de l’Etat, car susceptible d’être appelé en direct en cas de difficulté d’un établissement. Mais le nouveau système mis en place en Europe, fondé sur un principe de renflouement interne (bail-in) et un fonds de résolution ad hoc, protège désormais le contribuable. Nous sommes conscients du contexte budgétaire tendu mais nous espérons un premier signal de la réaffectation de la taxe systémique au fonds de résolution européen dès la loi de Finances pour 2015.

De même, nous souhaitons une mise en extinction progressive de la taxe sur les salaires, qui pèse sur l’emploi et qui a coûté aux banques françaises 2 milliards d’euros l’an dernier. Il faudrait a minima supprimer la tranche de 20% sur les hauts salaires qui a été adoptée en 2012 et qui pénalise la Place de Paris.

- La contribution des banques françaises au futur fonds de résolution européen se précise-t-elle ?

- La constitution de ce fonds de résolution unique, d’un montant de 55 milliards d’euros en 8 ans, sera une charge considérable qui aura un impact sur le financement de l'économie. La répartition entre les secteurs bancaires va être décidée dans les prochaines semaines. Mais, selon de premières informations, le mode de calcul retenu ne prend pas suffisamment en compte les encours pondérés reflétant les risques des établissements. Il en ressort que les banques françaises qui ont pourtant bien traversé la crise, seraient pénalisées et pourraient payer une part de 30%, soit une contribution de 16,5 milliards d’euros, alors que la France représente 21,5% des risques pondérés des banques de la zone euro. Nous avons alerté les pouvoirs publics, car c’est inacceptable pour l’économie française.

- Que faut-il faire ?

- Introduire un plafond par pays, ou revoir les critères de calcul des contributions pour mieux tenir compte du risque de chaque banque, afin d’éviter un transfert de charges entre secteurs bancaires de différents pays. Il serait légitime que la contribution des banques françaises soit d’un peu plus de 20% du total, un niveau comparable à celui de l’Allemagne, qui a obtenu des dérogations pour ses petites banques.

- Craignez-vous l’arrivée du T-LAC, le projet de capacité d’absorption des pertes pour les très grandes banques, dont le G20 s’est saisi ?

- L’Europe a déjà mis en place tout un dispositif, le MREL (minimum requirement for eligible liabilities, ndlr). Soit le régulateur considère que le MREL est suffisant, soit il faut un recouvrement entre les deux systèmes, en permettant que les instruments européens soient comptabilisés aussi dans le T-LAC. Le G20 ne peut pas créer un deuxième coussin de sécurité sans prendre en compte ce qui a déjà été fait. L’Europe, qui a fait un pas colossal avec l’Union bancaire et la création du premier superviseur non-national au monde, doit davantage faire entendre sa voix dans ces instances internationales.

- T-LAC, ratio de levier… Ces projets ne remettent-ils pas en cause le modèle français de banque universelle ?

- Ces différents projets d’inspiration anglo-saxonne sont une menace pour notre modèle, et pénalisants pour le financement de notre économie. Il est indispensable de préserver le modèle de banque universelle à l’heure où le recours aux marchés se développe. Le projet européen sur l’organisation des banques, s’il devait être poursuivi, devrait prendre en compte cette exigence. Nous contestons cette idée que l’Europe souffrirait de la taille de ses banques ou d’une sur-bancarisation en oubliant que le secteur bancaire américain est plus concentré et que des réponses appropriées ont été apportées à la question du too big to fail. D’une manière générale, l’Europe doit mieux défendre ses spécificités et faire valoir ses évolutions réglementaires spectaculaires.

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