
La réassurance affronte sa pire année depuis 1999 sur le marché français

Avant même qu’en soit connu le coût réel pour les réassureurs en France, l’année 2022 s’annonce d’ores et déjà comme un très mauvais millésime pour le secteur. «Nous allons sûrement faire face à la pire année en réassurance depuis 1999 sur le marché français», a prévenu Bertrand Romagné, président de l’Association des professionnels de la réassurance en France (Apref) et directeur général International Re d’Axa XL et de XL Re Europe, lors de la conférence annuelle de l’association. «L’effet climat est là et incontestable», estime le dirigeant. Selon une étude de France Assureurs, le montant des sinistres dus aux événements naturels pourrait presque doubler par rapport à la période 1989-2019 et atteindre 143 milliards d’euros en cumulé entre 2020 et 2050, dont une hausse de 35% attribuable au réchauffement climatique.
Les réassureurs porteront une partie de ce fardeau. Alors qu’environ 6% des primes d’assurance mondiales ont été, selon Swiss Re, cédées en 2021 aux réassureurs, soit environ 326 milliards d’euros, les primes acceptées en provenance du marché français, qui compte une quarantaine d’acteurs actifs, atteignaient 6,36 milliards d’euros, selon l’Apref.
Si la France avait notamment été frappée par les tempêtes Lothar et Martin en 1999, 2022 cumule les sinistres. Sur les six premiers mois de l’année, le coût de deux événements ont déjà été estimés : la tempête Eunice, qui a balayé l’Europe, devrait coûter 4,5 milliards d’euros aux assureurs, dont 500 millions d’euros pour la France, et les intempéries qui ont touché l’Hexagone du 18 juin au 5 juillet ont généré près d’un million de sinistres, pour lesquels les assureurs verseront des indemnisations estimées à 3,9 milliards d’euros.
Mais le pire reste encore inconnu, avec les incendies de forêts en Gironde et, surtout, les records de sécheresse, dont les premières estimations devraient être données d’ici à la fin du mois. «A sécheresse exceptionnelle, sinistralité exceptionnelle. Il n’y a pas de miracle à attendre», a prévenu Bertrand Labilloy, vice-président de l’Apref et directeur général de CCR.
Constat mondial
Ce constat est partagé partout dans le monde. «Les événements climatiques sont de moins en moins locaux et de plus en plus globaux, réduisant la possibilité de mutualisation géographique», résume Bertrand Romagné. Les pertes du secteur de l’assurance et de la réassurance dues aux catastrophes naturelles dans le monde ont ainsi atteint 34 milliards d’euros au premier semestre 2022, un montant supérieur de 22% à la moyenne de la dernière décennie, et 38 milliards d’euros avec les événements d’origine humaine, selon une première estimation de Swiss Re. En plus du conflit en Ukraine, qui reste un sinistre en puissance dont le coût final est loin d’avoir été totalement provisionné, des conséquences toujours visibles de la pandémie et des risques émergents, comme le cyber, les événements climatiques contribuent à assombrir les perspectives du secteur, qui subit aussi les conséquences de la remontée des taux. Les analystes de S&P Global Ratings maintiennent par exemple leur perspective sectorielle négative révisée depuis le début de la pandémie.
Déjà, les pertes dues aux sinistres climatiques au premier semestre ont dépassé les budgets de trois des quatre grands réassureurs mondiaux. Sur la période 2017-2021, les pertes «ca.t nat.» effectives ont largement dépassé les pertes budgétées et ont réduit le retour sur fonds propres des réassureurs en moyenne de 2,5% par an, estiment les analystes de Fitch. «Le troisième trimestre ne sera pas mieux. Nous avons échappé à un gros cyclone ou à un tremblement de terre, mais il reste quatre mois d’ici à la fin de l’année, croisons les doigts», s’inquiète Bertrand Romagné. La saison des ouragans commence tout juste. «Nous sommes dans une période critique et charnière. Si la saison des ouragans est modérée, cela jouera en faveur des réassureurs. L’inverse pourrait tout changer», abonde Marc-Philippe Juilliard, directeur chez S&P Global Ratings. Au premier semestre 2022, les ratios combinés (frais de gestion et coûts des sinistres rapportés aux primes) des principaux réassureurs mondiaux ressortaient à 95%. Ils se situent soit au-dessus de 100% soit «trop légèrement» en dessous depuis 2016.
Vers une hausse de 10% en France
A quelques jours des «Rendez-vous de septembre» (RVS), le plus grand rassemblement de la profession, et surtout des rencontres de Baden Baden fin octobre, durant lesquelles la campagne de renouvellement prend réellement corps, la tendance semble donc clairement être celle d’une hausse des tarifs pour les cédantes lors des renouvellements 2023. En France, elle devrait se situer autour des 10%, le même ordre de grandeur que l’année dernière. Au niveau mondial, l’enquête annuelle de Moody’s, menée auprès de 39 assureurs primaires sur le marché de la réassurance dommages et responsabilité, rapporte que la majorité des cédantes s’attendent aussi à une hausse des prix, qui pourrait être supérieure à 5% sur le marché américain.
Les réassureurs estiment, quoi qu’il en soit, que cette hausse est nécessaire pour ne pas réduire leurs capacités. «Si on ne rémunère pas le capital, il va aller ailleurs, ce qui est d’autant plus vrai avec la remontée des taux, qui rend attrayants d’autres investissements», résume Bertrand Romagné. D’autant que le décalage temporaire entre la hausse de l’inflation et le rendement des actifs financiers aura des conséquences sur les bilans et la solvabilité des réassureurs, et donc sur les capacités disponibles. Face aux sinistres, certains réassureurs, comme Axa XL ou Scor, ont déjà annoncé réduire leur exposition au risque.
«La question que tout le monde se pose est de savoir si ces hausses seront suffisantes pour longtemps contre les vents contraires qui secouent les réassureurs», résument les analystes de S&P.
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