
ASSUREURS-CRÉDIT - Le calme avant la tempête

Allianz Trade, leader mondial de l’assurance-crédit, estime que les défaillances en France croîtront de 36 % en 2022. « Nous restons en dessous du niveau constaté en 2019, relativise Laurent Treilhes, président du comité exécutif d’Allianz Trade en France. Mais si la hausse se poursuit en 2023, cette tendance peut se révéler plus dangereuse en termes d’incidents de paiement. »
Les craintes portent sur la trésorerie des entreprises, dynamisée ces dernières années par les prêts garantis par l’Etat (PGE) mais aussi par une trêve avec l’Urssaf. Or la fin du « quoi qu’il en coûte » pourrait bien révéler des difficultés. « Beaucoup d’entreprises n’ont pas été assignées pour payer leurs cotisations pendant deux ans et risquent d’être rattrapées par l’Urssaf, analyse Nicolas Flouriou, président de l’Association française des credit managers (AFDCC). Si elles n’ont pas provisionné en conséquence, cela peut créer des tensions fortes sur le cash. »
L’ombre de la crise des subprime
L’assurance-crédit a aussi bénéficié d’aides généreuses. Le gouvernement a en effet proposé dès fin mars 2020 des dispositifs de réassurance publique sur l’assurance-crédit domestique (CAP) et export (CAP Francexport). En parallèle, le gouvernement a également proposé un programme de réassurance globale des portefeuilles des assureurs, CAP Relais. Ces aides se sont toutes éteintes entre janvier et mars dernier.
L’extinction de ces aides tend alors naturellement les relations avec les clients et les assureurs-crédit, en charge de la couverture du poste client. « D’une part, nous constatons plus de retards de paiement depuis fin juin, témoigne Gérald Hallais, credit manager depuis vingt ans, exerçant actuellement dans le secteur de l’intérim et solutions RH. D’autre part, nous avons déjà des baisses d’agréments de la part des assureurs-crédit, que je trouve parfois soudaines. » Cette critique fait écho au point noir de la réputation des assureurs-crédit.
Depuis 2008-2009 et la crise des crédits subprime, les assureurs-crédit paient toujours leur désengagement massif de la couverture et traînent une réputation de retrait brutal au pire moment. Alors, quand les entreprises découvrent un retrait sans être prévenues, cela rappelle tout de suite de mauvais souvenirs. « Je vois ainsi des lignes de crédit fermées simplement parce que notre assureur-crédit n’a pas pas eu le bilan 2021 de notre client, poursuit Gérald Hallais. Or, le plus souvent, nous pouvons le récupérer pour eux. Heureusement, nous avons un courtier efficace et réactif, capable de rattraper ce genre de situations et je suis tout cela en amont. Il est clair que les assureurs-crédit tiennent compte des informations de terrain que nous pouvons leur apporter et que cela peut débloquer la situation. » Dans ce genre de contexte, un credit manager pourra changer la donne en argumentant pour chaque client important et ainsi conserver la relation commerciale tout en maîtrisant le risque.
« Parfois, ce qui bloque peut sembler anodin, comme un bilan manquant, confirme Nicolas Flouriou. Mais le credit manager est bien plus critique que cela. » Ainsi, le rôle de ce financier est de mettre de l’huile dans les rouages : satisfaire et la finance, avec une gestion fine des risques, et le commercial, en maintenant de bonnes relations avec les clients ! Et les assureurs sont preneurs.
Une meilleure communication
« Avoir un interlocuteur de confiance en charge du credit management fera vraiment la différence en termes de prise de risque de notre part, confie Christophe Cherry, directeur d’Atradius France - Belgique - Luxembourg. Par exemple, si un acheteur a une difficulté mais que notre assuré nous démontre une excellente expérience de paiement, nous lui ferons confiance. » En échange, charge à lui de signaler le moindre retard de paiement pour gérer cela de front ! Ce partage d’informations contribue au maintien d’un haut niveau de couverture. Ainsi, Atradius accepte 85 % des encours demandés.
« Notre but est d’éviter les à-coups sur le marché pour fidéliser nos assurés, témoigne Carine Pichon, directrice Europe de l’Ouest de Coface. Nous faisons des réunions avec nos analystes et nos clients régulièrement pour échanger sur le montant de nos encours mais aussi récolter des informations de part et d’autre. » L’assureur Coface, comme ses concurrents Atradius et Allianz Trade, a de nombreuses bases de données mais aussi des experts à travers le monde pour étudier la solvabilité des clients finaux, les clients de leurs assurés, appelés « acheteurs ».
Ces derniers aussi jouent le jeu de la transparence. « Les sociétés de toutes tailles ont, avec la crise du Covid, gagné en maturité pour rassurer leurs partenaires financiers », précise Christophe Cherry. La collecte de données est ainsi facilitée auprès de milliers de sociétés. En outre, les assureurs ont aussi deux cartes à jouer : une automatisation des notations des entreprises, sur la base d’intelligence artificielle étudiant les données publiques financières et extra-financières, et la collaboration de leurs assurés eux-mêmes, comme source d’information.
En tout cas, les dispositifs étatiques de soutien ont non seulement évité le pire pendant les confinements mais aussi maintenu les défaillances à un niveau historiquement bas, permettant aux assureurs-crédit de reconstituer leurs provisions. Cela permettra, en cas de difficultés, de ne pas paniquer et de maintenir ce lien de communication tant loué !
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