Les allocations en private equity à l’épreuve de l’inflation

La baisse attendue des rendements des fonds devrait entraîner des conséquences sur les choix des investisseurs.
Florent Le Quintrec
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Après plusieurs années à profiter de l’argent gratuit pour stimuler leurs performances, les acteurs du private equity doivent désormais s’adapter à la nouvelle donne: l’inflation et son corollaire, la hausse des taux d’intérêt. Les conséquences peuvent être multiples. Du côté des sociétés en portefeuille, l’inflation va compresser les marges, sauf à avoir une capacité à répercuter les coûts sur les clients. Et la hausse des taux va alourdir l’endettement de ces actifs qui, avec moins de marge, vont voir augmenter la charge de la dette. Cela pourrait donc affecter de manière significative les performances de fonds de private equity, au moins à court terme, puisque les valorisations des entreprises en portefeuille vont mécaniquement baisser. Pour les investisseurs, les redistributions vont marquer le pas, notamment en raison d’un fort ralentissement du marché des fusions-acquisitions, et des questions se poseront naturellement pour les allocations futures. «Le contexte actuel ne doit pas occulter que la plupart des équipes positionnées sur le segment des LBO/MBO (leveraged/management buy-out) s’investissent dans des cibles ayant un historique probant, et robuste, de génération élevée de cash-flow net d’exploitation. Hormis peut-être les actifs B2C directement confrontés aux contraintes de certaines catégories de consommateurs, ce ‘fondement’ n’a pas réellement lieu d’être remis en cause », souligne Jean-Mathieu Sahy, président de Capital Export. La performance resterait certes honorable, mais elle serait alors à mettre en perspective avec les autres classes d’actifs non cotés. «Avec un Euribor autour de 1,70%, auquel s’ajoute un spread de 700 points de base, on arrive à un rendement de 8% à 9% sur la dette unitranche par rapport à un fonds de private equity pour lequel les exigences investisseurs ne descendent pas en deçà de 12% net, même dans un environnement stressé. Le ratio rendement/SCR (solvency capital requirement), plus de deux fois supérieur sur la dette privée, pose la question d’un équilibrage à effectuer entre ces deux classes », fait valoir Romain Fitoussi, directeur des investissements, modélisation ALM et actuariat chez Mutex. Le secondaire à l’aise Cette nouvelle approche entraînera sans doute une discrimination renforcée entre gérants de la part des investisseurs. «Nous privilégierons les fonds avec un important pipeline de deals propriétaires menant à des process moins compétitifs, sur des actifs à fort pricing power», ajoute Romain Fitoussi. « Depuis quinze ans, le private equity a largement surperformé les actifs cotés, quelle que soit la géographie. Nous allons donc continuer d’investir en private equity tout en sachant qu’un millésime pourra être moins bon. Cela permet de lisser la performance sur les années. Aussi, il est essentiel de bien garder une excellente diversification de ses classes d’actifs», indique Pierre Benoist d’Anthenay, head of EDF Invest. Le marché secondaire du private equity pourrait tirer son épingle du jeu dans ce contexte. Après avoir atteint un record de 130 milliards de dollars de transactions, il devrait représenter 120 milliards en 2022 malgré les secousses rencontrées, selon Jefferies. «Nous observons un arbitrage de multiples sur le marché secondaire, les sociétés valorisent moins cher qu’il y a six mois malgré des ‘current tradings’ qui restent bien orientés. Selon nos analyses, l’impact sur la décote en secondaire LBO s’établit de l’ordre de 10% à 15% à valorisation équivalente sur les derniers trimestres, note Raphaël Hassan, en charge des relations investisseurs chez Oddo BHF. Avec l’effet dénominateur lié à la baisse des marchés cotés, les investisseurs historiques souhaitant accélérer la liquidité de leur portefeuille devraient concéder des décotes supplémentaires en cette fin 2022. Après la montée en puissance des opérations GP-led ces dernières années – cessions organisées par les gérants pour apporter une liquidité à leurs actifs résiduels–, 2023 pourrait bien signer le grand retour des transactions LP-led (cessions à l’initiative des investisseurs), avec de belles décotes sur des actifs robustes.» Dans tous les cas, les allocations en private equity ne seront pas remises en cause. D’après Preqin, les actifs sous gestion du private equity dans le monde devrait passer de 4.800 milliards de dollars fin 2022 à plus de 7.500 milliards fin 2027.

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