
Les ETF : une innovation financière qui divise la recherche académique

Avec plus de 10.000 milliards de dollars d’actifs sous gestion et plus de 10.000 produits différents, les ETF ne sont plus l’innovation financière de niche des années 2000. Un des signes de cette place prépondérante prise par les fonds indiciels cotés dans les marchés est l’intérêt que leur porte la recherche académique : depuis début 2020, plus de 150 articles contenant «ETF» dans leur titre ont été publiés sur le site du Social Science Research Network (SSRN) qui recense les travaux en cours. Outre le nombre d’articles, c’est surtout le contenu de cette recherche qui a beaucoup évolué sur les deux dernières décennies. «Il est possible de distinguer trois grandes phases dans la recherche académique sur les ETF, analyse Fabrice Riva, professeur à l’Université Paris Dauphine. Une première a cherché à savoir si le produit tenait bien ses promesses, en termes de capacité à répliquer un indice. Constatant que c’était le cas, la recherche s’est ensuite davantage penchée sur la structure de ces produits, avec le débat entre réplication physique et synthétique. Mais depuis plusieurs années, elle se focalise sur les effets inattendus que peuvent avoir les ETF sur leurs sous-jacents.» Et notamment leurs effets négatifs : existe-t-il une «face obscure» («dark side») des ETF, comme le formulent certains chercheurs ?
Cette dernière bascule est incarnée par la publication d’un article en particulier : celui d’Itzhak Ben‐David, Francesco Franzoni et Rabih Moussawi paru en 2018 dans le très réputé Journal of Finance. Les auteurs y pointent du doigt la volatilité accrue que les ETF feraient supporter à leurs paniers d’actifs sous-jacents. D’autres articles ont étudié plus largement le phénomène de «commonalité» qu’entraîneraient les fonds indiciels cotés. «Comme tous les titres présents dans un indice répliqué par un ETF vont être traités concomitamment sur les marchés, ils vont avoir tendance à évoluer de la même façon, quelles que soient leurs caractéristiques propres», décrypte Laurent Deville, professeur à l’Edhec Business School. Au risque d’accentuer les chocs de marché. Tous les chercheurs sont toutefois loin de s’accorder sur cette lecture négative : certains ont ainsi montré que les ETF améliorent la découverte des prix sur les marchés, en facilitant par exemple l’exécution des stratégies long/short des hedge funds.
Plus précisément, le monde académique tend à s’accorder sur le constat, mais pas sur l’interprétation de ses conséquences. «Prouver que les titres d’un indice répliqué par un ETF se recorrèlent est compliqué mais faisable, explique Fabrice Riva, qui travaille, avec Thomas Marta (Wilfrid Laurier University), à le démontrer en s’appuyant sur l’expérience de l’ETF CAC 40 de Lyxor au moment de son passage d’une réplication synthétique à physique. Là où les avis divergent véritablement, c’est sur la question de savoir si cette corrélation est excessive ou non.» Pour certains, elle est pertinente car elle reflète une meilleure incorporation d’informations macro-financières communes à l’ensemble du marché. Pour d’autres, ce mouvement se fait au détriment de la prise en compte d’informations propres à chaque entreprise.
L’obligataire est aussi étudié
Si ces travaux portent essentiellement sur les sous-jacents actions, les ETF obligataires font également couler de plus en plus d’encre chez les universitaires. Ces derniers s’accordent globalement pour dire que les ETF obligataires créent une liquidité supplémentaire par rapport à leur marché sous-jacent : les fonds cotés s’échangent entre investisseurs sur un marché secondaire, et seul le solde des positions acheteuses et vendeuses fait l’objet d’interventions sur le sous-jacent par les participants autorisés/market makers. Mais cette alchimie des ETF – qui tendent à rendre liquides des marchés qui le sont peu – peut aussi être remise en cause en cas de stress de marché. Même si le risque ne s’est encore jamais concrétisé, cela reste un des principaux points d’attention de régulateurs comme la Banque des règlements internationaux (BRI), ce qui stimule la recherche. «Les ETF ne promettent pas une liquidité absolue, tempère Laurent Deville. En cas de décrochage du marché, ils seront eux aussi touchés : les market makers écarteront leurs fourchettes de prix pour refléter les risques accrus, mais cela ne semble pas choquant tant que l’on s’en tient à la promesse initiale : offrir un niveau adéquat de liquidité.»
Reste que, pour étayer leurs travaux, les chercheurs ont besoin de données empiriques. Or, malgré la très grande transparence des ETF, la tâche n’est pas si aisée. L’étude des transactions sur ETF en Bourse n’est pas toujours pertinente : l’essentiel des échanges se faisant de gré à gré en Europe, les chercheurs sont souvent contraints de se cantonner à l’étude des marchés américains. Les données sur les pratiques des market makers, en outre, restent difficiles à obtenir. De même, pour tester leurs hypothèses, les chercheurs aiment s’appuyer sur des événements de marché assimilables à des «expériences naturelles». Or ces dernières s’avèrent complexes à identifier malgré la multiplication des épisodes de turbulences. Le décrochage des marchés au début de la crise sanitaire, par exemple, peut sembler riche en enseignements sur le comportement des ETF en période de forte volatilité, mais est en fait très délicat à interpréter : les ETF engendrent-ils de la volatilité sur le marché ou au contraire, en sont-ils le reflet ? L’observation des données de marché sur la période n’aide finalement que peu les chercheurs à prouver précisément des liens de causalité entre les différents phénomènes.
Cette absence de données univoques est encore plus patente pour les nouveaux champs explorés par les ETF, comme l’ESG en Europe ou la gestion active aux Etats-Unis. Des développements de marché dont ne s’est pas saisie, à ce stade, la recherche académique.
A lire aussi: Les ETF obligataires assèchent la liquidité des obligations
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