
Benoît Sorel (Amundi ETF) : «La gestion passive donne une vision de long terme à la politique d’engagement»

Alors que les lancements d’ETF gérés activement se multiplient en Europe (BlackRock, BNP Paribas AM, Robeco…), Amundi reste pour l’instant à l’écart de cette tendance. La filiale de gestion du Crédit Agricole continue de miser sur les ETF gérés avec des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) malgré un contexte moins porteur. Benoît Sorel, qui a rejoint le gestionnaire français en novembre dernier après douze années chez iShares, fait le point sur les priorités du deuxième fournisseur d’ETF en Europe et ses 222 milliards d’euros d’encours en la matière (données Trackinsight au 27 mars).
L’Agefi : Fusions, repositionnements, changements de nom… Depuis l’intégration de Lyxor, vous multipliez les actions de rationalisation de votre gamme d’ETF. Comment arbitrez-vous ?
Benoît Sorel : La règle est simple : nous cherchons systématiquement la solution qui permet d’apporter de la valeur ajoutée à nos clients. C’est par exemple ce qui nous a conduits à créer une plateforme de domiciliation de nos ETF en Irlande : pour les expositions aux actions globales ou américaines, elle permet de disposer de véhicules plus performants grâce à un traitement fiscal des dividendes plus favorable. Nous y avons transféré 20 milliards d’euros d’actifs et nous avons été suivis par nos clients puisqu’on totalise 30 milliards désormais sur ce véhicule. C’est également pour proposer une gestion plus efficiente et donc une meilleure expérience client que nous fusionnons parfois des ETF qui ont la même exposition et les mêmes mécanismes de gestion. Notre objectif est d’avoir un seul ETF par exposition, mais parfois il faut garder la flexibilité d’offrir à nos clients plusieurs ETF sur le même indice pour des raisons de domiciliation, de mode de réplication ou d’éligibilité au plan d'épargne en actions (PEA) par exemple. Nous avons en outre quasiment fini de renommer l’ensemble de notre offre sous la marque Amundi ETF.
Vous venez d’annoncer le lancement d’un nouvel ETF dans votre gamme à bas coût Prime. Comment se porte cette offre cinq ans après son lancement ?
La gamme Prime compte une dizaine d’ETF pour un encours total de plus de 4 milliards d’euros. Elle répond à l’une des tendances de fond de l’industrie, à savoir la croissance de la clientèle des particuliers. Ces ETF ne répliquent pas les indices phare du marché mais d’autres produits par le fournisseur alternatif Solactive, ce qui nous permet de proposer des ETF dont les frais de gestion se limitent – pour les moins chers – à 5 points de base. Cette offre n’intéresse d’ailleurs pas que le retail : nous notons aussi des marques d’intérêt d’investisseurs professionnels moins attachés à la marque du fournisseur d’indice. C’est notamment le cas pour ce nouveau véhicule que nous venons de lancer et qui réplique un indice actions mondiales «all countries» (ACWI).
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Mi-mars, Bloomberg a créé des indices concurrents à certains indices nationaux comme le CAC 40. Regardez-vous cette offre ?
Il faut être réactif face aux innovations du marché, et nous échangeons régulièrement avec de nombreux fournisseurs d’indices qui cherchent en permanence à compléter leur offre. Pour nous, il s’agit d’identifier les indices qui apportent quelque chose de différent à nos clients.
Fin 2023, SPDR a abaissé les frais de son ETF Ucits sur le S&P 500 à 3 points de base, faisant de ce véhicule le moins cher du marché. Comment répondez-vous à cette stratégie ?
Pour être compétitif dans un marché comme celui des ETF où les frais sont peu élevés, il faut atteindre une certaine taille. Après l’acquisition de Lyxor, Amundi est devenu le premier émetteur d’ETF européen et le deuxième sur le marché Ucits. Nous avons donc largement l’échelle nécessaire pour être compétitif et notre objectif reste comme toujours de faire bénéficier nos clients de notre pouvoir de négociation en leur offrant les produits à la tarification la plus attractive possible. En outre, le marché semble arrivé à un seuil où les prix se stabilisent : les baisses constatées chez certains acteurs sont plus des alignements sur des concurrents moins chers que de véritables baisses en dessous de ce que pratique le marché. Mais il peut arriver que certains émetteurs parviennent encore, sur quelques expositions, à challenger fortement le marché : c’est ce qui s’est passé pour le S&P 500. Cela ne nous a pas affectés car notre ETF sur cet indice est de réplication synthétique.
Nous sommes le plus gros émetteur d’ETF synthétiques en Europe.
BlackRock a récemment lancé un ETF sur le MSCI World synthétique. Le débat entre réplication physique et synthétique est-il en train d’être relancé ?
Le débat est stabilisé : quand la réplication synthétique permet d’obtenir une exposition plus efficace, c’est une bonne chose d’y avoir recours. Pour les indices dominés par les valeurs américaines – ce qui est le cas du MSCI World –, elle peut être intéressante pour des raisons de fiscalité. Les investisseurs, notamment institutionnels, sont de plus en plus prêts à y avoir recours lorsqu’ils constatent la surperformance du véhicule, sous réserve bien sûr que la due diligence qu’ils mènent en matière de gestion du risque de contrepartie les satisfasse. Nous sommes ainsi le plus gros émetteur d’ETF synthétiques en Europe.
Plusieurs acteurs se sont positionnés sur le marché des ETF actifs. Ce n’est pas le cas d’Amundi. Ne croyez-vous pas à leur développement en Europe ?
Nous regardons les évolutions du marché bien entendu mais nous n’avons pas décidé à ce stade de les intégrer à notre offre. C’est un marché qui se développe surtout aux Etats-Unis car l’enveloppe ETF y bénéficie d’un avantage fiscal et qu’en conséquence, les distributeurs les ont largement intégrés dans leur offre. En Europe, la situation est différente. Une nouvelle fois, notre priorité est de répondre aux besoins de nos clients et de nous adapter à de nouvelles demandes de leur part.
Que pensez-vous de l’idée de ne gérer activement que la dimension ESG des ETF, comme le teste depuis le début d’année BNP Paribas AM ? Ne serait-ce pas une solution pour conserver le label ISR par exemple ?
Nous arrivons à bien intégrer les filtres ESG à l’intérieur des indices, donc cela ne nous semble pas, à ce stade, nécessaire. Quant au label ISR, nous travaillons en étroite collaboration avec nos fournisseurs d’indices pour évaluer au mieux l’impact du changement de référentiel du label ISR et anticiper les adaptations ou lancements à envisager au sein de notre gamme.
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Faudrait-il que le comité du label crée un référentiel spécifique pour les ETF ?
Les règles nous semblent suffisamment claires ainsi : c’est à nous de les prendre en main désormais.
Comment se porte votre collecte depuis le début d’année (4,9 milliards d’euros selon les données de Trackinsight au 27 mars) ?
Notre dynamique de collecte se poursuit. Par ailleurs, notre part de marché sur les ETF ESG est deux fois plus importante que celle sur les ETF standards. C’est un segment qui reste porteur même si les flux y sont moindres que l’année dernière. Dans un marché dominé par la classe d’actifs actions, la collecte s’est majoritairement portée sur les actions monde, avec des flux significatifs sur les actions américaines. Coté obligataire, ce sont les expositions défensives très courtes, sur du crédit euro ESG ainsi que sur notre ETF Amundi Euro Government Tilted Green Bond Ucits ETF lancé l’an dernier qui ont rencontré le plus de succès.
Etes-vous inquiet du manque d’appétit des investisseurs pour l’ESG ?
Dans un contexte géopolitique et de marché tendu, l’attention des investisseurs a pu se porter sur des sujets différents, mais nous ne sommes pas inquiets : l’ESG reste central dans nos échanges avec nos clients. Même ceux qui ne sont pas spécifiquement investis sur ce segment s’avèrent sensibles à notre approche d’investissement responsable, et en particulier à notre politique d’engagement et de vote. Amundi arrive en troisième place dans le classement de l’ONG ShareAction pour sa politique de vote. Plus largement, nous sommes persuadés que la gestion indicielle a un rôle important à jouer dans l’investissement responsable. En permettant de coder ces filtres dans des indices, elle aide les investisseurs à développer une approche responsable cohérente sur l’ensemble de leur portefeuille. Elle aide en outre les entreprises financées à bien comprendre les indicateurs sur lesquels elles sont évaluées (empreinte carbone, diversité…). Enfin, elle donne une vision de long terme à la politique d’engagement : tant que l’entreprise est présente dans l’indice, nous restons investis et nous continuons donc à systématiquement demander des comptes aux conseils d’administration à travers nos votes.
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Orem - Un homme soupçonné d’avoir assassiné l’influenceur conservateur Charlie Kirk a été arrêté, a assuré vendredi Donald Trump, deux jours après un meurtre qui a choqué des Etats-Unis profondément polarisés. «Je pense, avec un haut degré de certitude, que nous l’avons en détention», a déclaré le président américain lors d’une interview avec la chaîne de télévision Fox News. Donald Trump a ajouté que «quelqu’un de très proche (du tueur) l’a(vait) dénoncé», expliquant que le père du suspect lui-même ainsi qu’un pasteur avaient joué un rôle dans cette arrestation. «Je peux me tromper mais je vous dis ce que j’ai entendu», a-t-il aussi souligné. Charlie Kirk, 31 ans, a été assassiné d’une balle mercredi lors d’un débat public en plein air dans une université située à Orem dans l’Utah (ouest). Son corps a été transporté jeudi dans l’avion du vice-président JD Vance vers Phoenix, dans l’Arizona, le siège de Turning point USA. Cette association qu’il avait cofondée en 2012 à l'âge de 18 ans, est devenu en une décennie le plus important groupe de jeunes conservateurs aux Etats-Unis. Originaire de la banlieue de Chicago, chrétien et défenseur du port d’armes à feu, Charlie Kirk, père de deux enfants avait abandonné ses études très tôt pour se consacrer au militantisme. Fermement ancré à droite et très présent sur les réseaux sociaux, il était devenu un porte-drapeau de la jeunesse trumpiste. «Extrémistes» La police fédérale américaine (FBI), qui a publié plusieurs photos et vidéos du suspect, a évoqué un acte «ciblé» contre l’influenceur et podcasteur trentenaire, désormais qualifié de «martyr» par la droite américaine. Ces photos et vidéos montrent un jeune homme svelte, habillé d’un tee-shirt sombre à manches longues avec un drapeau américain sur le torse, jean et lunettes de soleil, casquette bleue sur le crâne et chaussures de sport aux pieds. Sur une vidéo mise en ligne par le FBI, on voit une personne identifiée comme le suspect courant sur un toit après le tir et sautant avec adresse jusqu’au sol. On le voit ensuite traverser une rue très fréquentée et disparaître dans une zone boisée, où les enquêteurs ont ensuite trouvé un fusil de chasse 30-06 Mauser. Les autorités avaient annoncé une récompense allant jusqu'à 100.000 dollars pour toute information utile et en avaient appelé au public pour retrouver l’auteur du crime. Jeudi soir, plus de 7.000 signalements avaient été reçus par la police. Donald Trump avait dès mercredi mis en cause la responsabilité de la «gauche radicale» avant d’appeler jeudi à la retenue. Mais vendredi devant la caméra de Fow News, le président américain, lui-même visé par deux tentatives d’assassinat lors de la dernière campagne électorale, a lancé une attaque en règle contre les «extrémistes» de gauche et ses cibles de prédilection, dont l’ancien président Joe Biden et le milliardaire George Soros. Les Etats-Unis, un pays où il y a plus d’armes à feu en circulation que d’habitants, ont connu une recrudescence de la violence politique ces dernières années. Cette année déjà, Melissa Hortman, élue démocrate au Parlement du Minnesota, et son époux ont été tués et un autre élu local a été grièvement blessé. Sur le campus d’Orem, des centaines de personnes portant des casquettes rouges MAGA («Make America great Again», le slogan de Donald Trump) et tenant des drapeaux américains s'étaient rassemblées jeudi soir et avaient prié en mémoire de Charlie Kirk, comme ailleurs aux Etats-Unis. «Cela semble toujours insensé que cela soit arrivé», a affirmé à l’AFP Jonathan Silva, 35 ans. «C’est totalement surréaliste». Romain FONSEGRIVES, avec Aurélia END à Washington © Agence France-Presse