EuroPP, le pari passu sur la sellette

Gestion obligataire
Frédérique Garrouste

Sur le jeune marché des obligations privées, les investisseurs apprennent à se méfier des montages où ils se croyaient bien protégés. Le défaut du groupe William Saurin leur a enseigné que l’efficacité des sûretés obtenues méritait d’être vérifiée avec soin : engagés sur la holding Agripole, les détenteurs d’un EuroPP de 80 millions d’euros signé par le fonds Nova en 2014 étaient en position de subordination structurelle par rapport aux banques, lesquelles prêtaient à une autre holding, La Financière Turenne Lafayette. « Cette position n’était pas forcément connue », déplore un gérant de dette privée. Un autre EuroPP souscrit également par les grands investisseurs de la place serait en train de faire défaut et les interrogations sur le sort réservé aux investisseurs lors de la réalisation des sûretés s’en trouvent relancées.

La notion de « pari passu » ne représente pas le filet de sécurité qu’on croyait. Dans les contrats de crédit classiques français, la clause « pari passu » rappelle le régime légal des créanciers chirographaires qui se situent tous sur un pied d’égalité. Mais cette notion n’est pas transposable parfaitement à l’EuroPP, notamment dans le cas de sûretés déjà en place. « Il est difficile de donner accès à ces sûretés sur un plan de stricte égalité à des investisseurs qui arrivent dans un deuxième temps. En général, l’investisseur inscrit sa sûreté en second rang et la banque, créancier de premier rang, est prioritaire, un accord intercréanciers permettant alors de neutraliser cette priorité », explique Louis de Longeaux, avocat associé banque et finance chez Herbert Smith Freehills. Ce contrat joue un rôle important dans le partage prorata des sûretés. « Dans de nombreuses transactions de dette privée, nous signons un contrat (intercréancier ou de subordination) afin de mettre en place une vraie égalité des droits entre banques et investisseurs obligataires, ou parfois de garantir notre ‘seniorité’ par rapport à des prêteurs subordonnés », indiquent Richard Jacquet et François Caulry, respectivement président et directeur d’investissement de Zencap AM.

La notion de « pari passu » appliquée à l’EuroPP doit ainsi s’analyser au cas par cas. « Nous avons une vision extensive du pari passu : nous exigeons que les ‘covenants’, les cas de remboursement anticipé, les cas de défaut, les divers seuils de déclenchement que peut contenir une documentation, soient strictement identiques entre le contrat de crédit et le contrat obligataire », indiquent Richard Jacquet et François Caulry. Or ce type de demande n’est pas sans difficultés pour l’émetteur. « Il faut garder à l’esprit qu’une documentation EuroPP et un crédit bancaire n’ont pas le même fonctionnement, la première ne permettant pas, par exemple, un remboursement anticipé volontaire de manière aussi flexible », expose Louis de Longeaux.

Subordination implicite

Pour vérifier l’égalité de leurs droits par rapport aux banques, les investisseurs ont besoin de connaître en détail les engagements existants de l’émetteur. Or la transparence n’est pas automatique. « Souvent, l’accès à la documentation bancaire est refusé aux investisseurs pour des raisons de confidentialité, indique Louis de Longeaux. C’est ainsi que des investisseurs se plaignent de s’être vu proposer des contrats sans voir l’accord intercréanciers ni les pactes d’actionnaires. » Animés par des exigences de rendement élevé, des gérants auraient présenté comme de la dette senior des engagements qui sont plutôt de rang junior à des investisseurs, laissant dans l’ombre le sujet de la subordination implicite.

Le problème concerne surtout les gros dossiers de dette privée. « Dans les petits dossiers, l’avantage de l’EuroPP tient à sa simplicité et son efficacité, et l’objectif de la documentation n’est pas d’établir des conditions pari passu avec les banques, indique Florence Vasilescu, présidente de FirmFunding. Mettre en place pour un fonds de dette les mêmes sécurités que celles accordées aux banques par une PME serait trop compliqué. La dette de l’investisseur est donc junior, ce qui explique son rendement supérieur à la dette bancaire. »

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