Le chemin de décarbonation des PME reste long et sinueux

Une classe attentive, volontaire, prometteuse, mais aux résultats encore insuffisants, notamment du fait d’un manque de moyens. Tel pourrait être le bilan scolaire figurant sur le bulletin des entreprises scrutées par le baromètre de la transition climatique présenté par Argos Wityu et BCG. La société de capital-investissement et le cabinet de conseil ont interrogé cet été 700 dirigeants d’entreprises moyennes (moins de 1.000 salariés et un milliard d’euros de chiffre d’affaires) européennes (France, Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg). Avec pour objectif d’évaluer les efforts de décarbonation de ces PME-ETI.
Managing partner chez Argos Wityu, Louis Godron souhaite tout d’abord mettre en lumière «un facteur d’optimisme» puisque 84% des personnes interrogées estiment que la réduction des émissions de gaz à effet de serre constitue un sujet important, voire primordial. Mais «la vraie bonne surprise» selon le dirigeant est que, parmi ces 84%, une nette majorité (71%) perçoivent la transition climatique comme une opportunité et non comme une contrainte (18%) ou un risque (6%).
Opportunité
Mais au-delà de cette prise de conscience, l’action concrète patine encore. A tel point que les promoteurs du baromètre évoquent un «angle mort de l’action climatique». 38% des sondés estiment avoir investi fortement pour leur décarbonation. Les facteurs incitatifs sont en premier lieu l’évolution réglementaire (70%), les prix de l’énergie (60%) et les demandes des clients (51%). Ce bon tiers des entreprises se déclarant actives ne souffre pas de disparités selon les pays, quand en termes de secteurs celui des transports et de la logistique ressort en avance à 51%, et que 62% des sociétés mid-market cotées indiquent avoir beaucoup investi. «L’attention du marché pousse les entreprises à mieux structurer leur démarche environnementale», atteste Fabien Hassan, principal climat et durabilité au BCG.
Las, le baromètre pointe une approche «souvent opportuniste», 11% seulement des entreprises déclarant avoir investi sur la base d’un plan structuré passant par la mesure des émissions, la conception d’une feuille de route et le déploiement d’investissements substantiels. «Les entreprises de taille moyenne n’en sont qu’aux prémices de leur transformation durable, observe Fabien Hassan. Et bien souvent les leviers les plus importants, ceux devant avoir le plus d’impact, comme l’écoconception ou l’évolution des business models, restent encore en retrait». Les entreprises avancent ainsi encore «en ordre dispersé», regrette Simon Guichard, associé chez Argos Wityu. Il donne en illustration les dilemmes de dirigeants d’entreprises «pour qui il est impossible, sans étude approfondie, de savoir s’il faut en priorité isoler leurs bâtiments, changer leurs machines, ou électrifier leur flotte de véhicules».
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La bonne volonté et l’espoir pourtant demeurent. 71% des dirigeants interrogés par Argos Wityu et BCG estiment que les objectifs de décarbonation sont atteignables. Ils y voient certes des obstacles aussi divers que majeurs. En premier lieu, des investissement trop lourds ou des financements difficiles à obtenir (57%), suivis de près par une réglementation complexe (55%) ou un manque de temps et de ressources (48%). De fait, Simon Guichard, qui salue l’accompagnement notamment d’acteurs publics en France comme Bpifrance ou l’Ademe, Agence de la transition écologique, rappelle que les sociétés moyennes ne disposent pas en interne des moyens humains et financiers des grands groupes. Autre angle du défi pour les entreprises sous revue du baromètre, celui précisé par Sandra Lagumina, senior partner Argos Wityu, du nécessaire «cousu main au sein de chaque entreprise : il n’y a pas d’approche générique, l’exigence d’individualisation explique en partie pourquoi seule une minorité d’entreprises ont pour l’heure structuré leur action». Pourtant, les leviers de décarbonation efficace existent partout, juge-t-elle. Gardons espoir.
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