
Le Crédit Agricole acte lui aussi la fin de l’âge d’or des fonds euros

Au Crédit Agricole, premier assureur en France avec 10% de parts de marché, il n’est pas encore question d’arrêter la commercialisation des contrats d’assurance vie en euros. Mais «dire au client d’aller vers de l’euro, c’est un mauvais conseil», a déclaré hier Frédéric Thomas, directeur général de Crédit Agricole Assurances au cours d’une conférence de presse. Selon lui, «Jean-Laurent Granier (le PDG de Generali France, ndlr) a dit ce que tout le monde allait faire», en annonçant cette semaine une forte baisse des rendement des fonds en euros et la fin de l’accès pour tous au placement préféré des Français. Si leur capital est garanti, ces produits investis majoritairement en obligations d’Etat rapportent de moins en moins, dans le contexte de taux bas de la Banque centrale européenne.
Choix orienté
Du côté de la banque verte, «on laisse le choix à nos clients», assure Frédéric Thomas, mais ce choix est clairement orienté. Depuis juillet, les souscripteurs se voient facturer «les frais maximum», c’est-à-dire «au moins 2% de droits d’entrée» sur les contrats en euros, «pour ne pas diluer la richesse des épargnants» déjà investis, dévoile le dirigeant. Cette barrière à l’entrée peut s’avérer dissuasive, sachant que les compagnies françaises ont servi en moyenne un taux de 1,8% l’an dernier.
Crédit Agricole Assurances ne se prononce pas sur ses rendements 2019 mais «la participation aux bénéfices (la somme minimale reversée aux souscripteurs, ndlr) va baisser de manière assez forte». Autre consigne interne : conseiller aux clients de consacrer 30% de leur investissement à des unités de compte (UC), c’est-à-dire des fonds en actions, obligations d’entreprises ou actifs non cotés, mais sans garantie du capital. «30% d’UC c’est une orientation générale, un objectif macro pour notre compagnie d’assurance. Ce peut être par exemple 50% pour un client patrimonial et moins de 30% pour un jeune couple avec enfant», nuance Frédéric Thomas. A fin 2022, les UC devront représenter 31% des encours d’assurance vie contre 26% à fin 2018, et la croissance des métiers d’épargne dépendra en bonne partie des produits de retraite. L’assureur lancera son propre plan d’épargne retraite (PER) «en novembre», un mois après les débuts officiels, le 1er octobre, de ce produit introduit par la loi Pacte.
L’assurance emprunteur à la peine
A l’échelle de l’entreprise, «nous voulons rééquilibrer nos activités d’assurance et donner plus de place aux dommages et aux métiers de la prévoyance par rapport à l’épargne, pour des raisons de marché. Il y a encore de fortes capacités de développement [dans ces métiers]», explique le patron de Crédit Agricole Assurances. Dans le nouveau plan stratégique de sa maison-mère Crédit Agricole SA, présenté en juin, le chiffre d’affaires (primes annuelles) de l’assurance dommages devra augmenter de 31% entre fin 2018 et fin 2022 (contre un objectif de 27% entre 2018 et 2020) pour atteindre 5,5 milliards d’euros. La croissance du pôle de prévoyance et assurance collective reste fixée à 35% sur trois ans, à 5 milliards d’euros, dans un contexte difficile pour le segment de l’assurance emprunteur. Du fait de la brèche dans le monopole des bancassureurs ouverte par la loi Lagarde, «les tarifs ont baissé de 30% depuis cinq-six ans», constate Frédéric Thomas. Le groupe va bientôt lancer un contrat 100% «customisé» (en fonction de l’âge, l’état de santé, le mode de paiement choisi…) pour répondre à la concurrence.
Une multirisques pour les entreprises
En dommages, le Crédit Agricole va enfin se lancer dans l’assurance des PME et petites ETI, déjà clientes de ses caisses régionales. «Le modèle de la bancassurance a très bien marché, comme au Crédit Mutuel, mais dans le domaine du retail (des particuliers, ndlr). Nous avons la capacité d’être un acteur puissant de la bancassurance d’entreprise et des assurances collectives (de santé, prévoyance…, ndlr) », estime Frédéric Thomas. L’assureur a constitué une équipe de 50 personnes pour proposer dans un an un contrat multirisques couvrant, par exemple, les risques de construction et le risque cyber.
A l’échelle du Crédit Agricole, l’assurance reste l’un des principaux relais de croissance face à l’atonie de la banque de détail, plombée par les prix bas dans le crédit. Le métier doit générer 800 millions d’euros de revenus supplémentaires entre les entités du groupe d’ici à 2022.
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« Aucun regret » : les manifestants népalais blessés fiers d'avoir porté le changement
Katmandou - Le 8 septembre, l’étudiant Aditya Rawal a vu 14 personnes tomber devant lui sous les balles de la police près du Parlement népalais où il manifestait contre le blocage des réseaux sociaux et la corruption du gouvernement. Il s’est précipité, les mains en l’air, pour aider l’un de ses camarades quand il a été lui-même atteint à un bras et au ventre. «J’avais entendu quelque part qu’en levant les deux mains, ils ne nous tireraient pas dessus», raconte à l’AFP ce jeune spécialiste de marketing numérique de 22 ans, depuis son lit d’un hôpital de la capitale Katmandou. «Mais j'étais leur cible», ajoute-t-il. Ce lundi-là, Aditya Rawal avait rejoint le cortège de milliers de jeunes, réunis sous la bannière de la «Génération Z», qui dénonçaient un gouvernement à leur yeux corrompu et incapable de satisfaire leurs exigences, notamment en matière d’emploi. Plus de 20% des jeunes Népalais de 15 à 24 ans sont au chômage, selon les estimations de la Banque mondiale. «Il y avait eu beaucoup de manifestations auxquelles participaient des personnes plus âgées, mais lors de la nôtre, ils ont eu recours à des armes à feu», se désole-t-il. Au lendemain de la manifestation, la colère s’est prolongée dans les rues de la capitale, où les principaux symboles du pouvoir - Parlement, bâtiments gouvernementaux, résidences d'élus - ont été incendiés ou détruits. Selon le dernier bilan officiel, ces émeutes, les plus graves depuis l’abolition de la monarchie au Népal en 2008, ont fait au moins 72 morts. Et 191 blessés étaient encore hospitalisés dimanche, comme Aditya Rawal. Le Premier ministre KP Sharma Oli n’a eu d’autre choix que de démissionner, remplacé vendredi par l’ex-cheffe de la Cour suprême Sushila Kalki, 73 ans, à la tête d’un gouvernement provisoire jusqu’aux élections prévues le 5 mars 2026. «Du courage» L’infirmière Usha Khanal, 36 ans, raconte avoir soigné des blessés avec des gants «imbibés de sang» au milieu des gaz lacrymogènes tirés à proximité par les forces de l’ordre. L’hôpital public de Katmandou a admis 458 manifestants blessés, six y sont morts dont quatre âgés de moins de 30 ans. «Nous voulons un gouvernement transparent, sans corruption et pas une dictature», met en garde Aditya Rawal. «S’il n’y a pas de changement, nous avons encore le temps de nous battre.» La cousine d’Aditya Rawal, Puja Kunwar, 20 ans, reste à son chevet depuis lundi. «Il a agi pour notre pays», assure la jeune femme, «cela me donne vraiment du courage». Dans le même service, Subash Dhakal, un manifestant de 19 ans grièvement blessé aux genoux, a été informé par ses médecins. Il devra rester alité pendant six mois. Les sacrifices des victimes «ne doivent pas être vains», souligne-t-il. «Ce que nous avons fait a fait tomber le gouvernement et permis d’en nommer un autre (...) nous ne voulons pas que le pays retourne en arrière». Sa mère enseignante dans une école publique, Bhawani Dhakal, 45 ans, lui avait donné de l’argent pour rejoindre en bus les manifestations depuis leur ville natale, à 30 km de Katmandou. Elle raconte avoir elle-même manifesté, il y a quelques mois, avec des collègues contre un projet de loi sur l'éducation. Sans résultat. «C’est incroyable qu’ils aient réussi à susciter un tel changement en seulement vingt-quatre heures», se félicite-t-elle. «Nos enfants ont fait partir tous les dirigeants corrompus.» Subash Dhakal est tout aussi fier. «Je n’ai aucun regret,» affirme-t-il. «Je ne l’ai pas fait que pour moi mais pour tout le monde, de ma famille à tous les frères. La douleur (de ma blessure) est éphémère, elle aura surtout permis des changements». Glenda KWEK and Anup OJHA © Agence France-Presse -
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